Vendredi 10 novembre, 168 pays ont adopté une résolution soutenant le droit du peuple palestinien à l’autodétermination lors de la troisième Commission des affaires sociales, humanitaires et culturelles de l’Assemblée générale des Nations unies. Cinq pays ont voté contre : Israël et les Etats-Unis, avec trois autres petits pays, des vassaux du pays de l’Oncle Sam et neuf se sont abstenus, dont le Guatemala, la République du Congo et le Togo.
Comme toutes les résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies, celle-ci n’est pas contraignante au niveau de l’exécution mais son impact est indéniable sur l’ambiance générale de ces assises internationales, sur la psychologie du peuple palestinien meurtri et sur le moral des peuples du monde entier qui battent le pavé depuis plusieurs semaines pour la fin des bombardements israéliens et pour la paix au Proche-Orient. Malgré le caractère non contraignant de la résolution, les Etats-Unis sont, cependant, contraints de s’exprimer et de voter, comme tous les autres pays. S’ils avaient eu le choix, ils ne l’auraient sans doute pas fait car leur vote trahit leurs véritables intentions et dément les propos de leur président qui dit publiquement encourager la solution à deux Etats mais s’y oppose dans les instances de décision. Un double langage qui est fortement dommageable pour son image et celle de son administration à un an des élections présidentielles de 2024. Les échos qui sortent de la Maison Blanche font état de grandes divergences dans l’entourage Biden et les derniers sondages témoignent du sérieux recul de sa popularité au profit de son adversaire Donald Trump.
Tous les arguments présentés par la délégation palestinienne décrivant les souffrances des Palestiniens qui se poursuivent à Gaza, dans les territoires occupés et à Al Qods, évoquant « La Nakba (qui) ne semble jamais avoir de fin » et ceux de toutes les autres délégations qui soutiennent la résolution n’ont pas su faire changer le président américain d’avis qui, contre toute vraisemblance, rejette la responsabilité du refus du cessez-le-feu aux Israéliens.
Mais pourquoi reprocher au président des Etats-Unis, celui qui a dit « Si Israël n’avait pas existé on l’aurait créé », de faire perdurer les souffrances des Palestiniens, alors que les dirigeants arabes, les premiers censés être concernés par le sort de leurs frères arabes, sont incapables de le faire ? Ou, peut-être, ne veulent-ils pas le faire, pour une quelconque raison ? Le sommet Ligue arabe-Organisation de la coopération islamique, à Riyadh, où l’Afrique était également présente, 57 pays en tout, n’a abouti à rien de concret, de décisif, de contraignant pour le premier ministre israélien Netanyahu, malgré le ton légèrement plus ferme que d’habitude de la déclaration finale.
La création d’une commission pour mettre au point un mécanisme à même de « forcer la levée du blocus imposé sur Gaza » prouve que les auteurs du communiqué ne sont pas plus pressés de trouver une solution pour le blocus de Gaza que de faire stopper les bombardements et le massacre de dizaines de civils chaque jour, chaque heure, chaque minute. Une déclaration comme toutes celles qui ont émané de précédents sommets arabes, c’est-à-dire sans lendemain. Une déclaration qui prend soin de ne pas sanctionner « l’ennemi » sioniste ignorant les multiples appels aux boycotts économique, énergétique, commercial et diplomatique, des cartes maîtresses que les pays arabes ont entre les mains mais qu’ils se refusent de brandir. Pourtant, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, de son côté, ne ménage pas ses « amis » arabes et profite de « sa » guerre contre Gaza en réaction à l’attaque du Hamas du 7 octobre dernier pour tenter, avec obstination et au prix de plusieurs milliers de tués palestiniens innocents, de mettre en exécution son plan d’extension en poussant les Palestiniens à quitter leurs terres à Gaza et ensuite dans les territoires occupés.
Au déplacement forcé des Palestiniens vers le Sinaï égyptien et vers le territoire jordanien, tous les pays arabes sont opposés mais ils ont, paradoxalement, démontré une incapacité à agir pour arrêter une seconde Nakba palestinienne après celle de 1948.
Lors d’une allocution télévisée diffusée le 11 novembre, Netanyahu a dit ouvertement vouloir « autre chose » que l’actuelle Autorité palestinienne pour diriger Gaza après la guerre qu’il mène pour « éradiquer » Hamas. L’argument déterminant du premier ministre sioniste est le fait que cette Autorité « n’a pas condamné le massacre du 7 octobre »,. Pour cela, « il faut autre chose là-bas mais, dans tous les cas, il y aura notre contrôle sécuritaire », prévient-il.
Autrement dit, normalisation ou pas, accords d’Abraham ou pas, amitiés avec « Israël » ou pas, les dirigeants arabes n’ont aucun poids dans la prise de décision qui concerne la région du monde arabe. Les pays de la région doivent se contenter d’aider l’entité sioniste économiquement, militairement et politiquement pour qu’elle se renforce et devienne la première puissance régionale, sans aucun autre rival. Ceci est le projet réel des Américains et des Israéliens, sans oublier leurs alliés occidentaux, qui n’éprouvent plus le besoin de le cacher.
Eric Zemmour, président du parti français d’extrême droite « Reconquête », a déclaré dans une chaîne d’information française que « Israël est l’avant-poste du monde occidental dans la région du Proche et Moyen-Orient, c’est pour cela que nous la soutenons sans conditions ». Les pays arabes qui croient être à l’abri des visées géopolitiques sionistes dans la région du monde arabe en choisissant d’être des alliés inoffensifs, devraient prendre au sérieux les anciennes archives sionistes dans lesquelles les prédécesseurs de Ben Gvir, ministre de la sécurité intérieure dans le précédent gouvernement Netanyahu, et de l’extrême droite israélienne, ont tracé la carte du Grand Israël, leur projet existentiel éternel, et qui englobe le Liban, la Jordanie, le Sinaï égyptien, une partie de l’Irak, de la Syrie et de l’Arabie saoudite. De son vivant, dans une rencontre enregistrée avec ses collaborateurs, le Zaïm Yasser Arafat avait un jour posé cette question : « Les dirigeants arabes sont-ils au courant ? » La vidéo existe, ils devraient la voir, la revoir et entendre Yasser Arafat. Peut-être se réveilleront-ils de leurs chimères avant qu’il ne soit trop tard.
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