Le premier long métrage de Moslah Kraïem, « Bab El Fella, le Cinemonde », est un film marquant.
Il faut, tout d’abord évoquer la genèse de ce film. Tout commença dans la Tunisie avant la révolution, la Tunisie de Ben Ali. Car sous la fiction, transparait la réalité, une réalité poisseuse… celle de Bab El fella, dans cette Tunisie populaire, grouillante, crasseuse et pleine de vie. Le noir du tueur en série, rejoint la série noire des clashs sociaux.
La médina comme écrin
Ce qui ressort tout d’abord de « Bal el Fella », c’est Tunis, la médina, ses ruelles, ses habitants et son atmosphère si particulière. Le budget semble important au vu tout d’abord du casting réunissant Ali Bennour, Dorra Zarouk, Noufissa Ben Chehida, Fatma Ben Saïdane, Fethi Heddaoui ou encore Fares Belhassen
Synopsis
Tout commence au cimetière d’El Jelaz… un tueur en série rôde. Et ce crime restera à jamais non élucidé, une sorte de Jack L’éventreur à la tunisienne.
Tout s’enchaine et s’articule à travers la figure de Giani, propriétaire d’une salle de cinéma dans ce quartier, il a laissé un journal évoquant la série de meurtres non élucidés et ayant visiblement été commis par le même meurtrier. C’est alors qu’un journaliste découvre cet écrit et tente de démêler le vrai du faux dans cette histoire où s’entremêlent : étude sociale, amour, mort, cinéma, solidarité…
Critique
Le réalisateur Moslah Kraïem tente de retranscrire, en une fresque ambitieuse, les méandres du quartier populaire, celui de son enfance et des fulgurances de la mémoire.
Ce brassage des cultures donne à ce film son cachet particulier, ce métissage des religions, des nations et des cultures qui faisaient la force de la Tunisie.
Ces chroniques de quartier sont surtout l’occasion pour le réalisateur de dresser un portrait sans fard et sans concession de la Tunisie sous Ben Ali. L’histoire se fond dans l’Histoire et la fiction permet de dresser, avec justesse, la vie sous l’homme du 7 novembre dont le « règne » aura surtout été l’occasion de mettre à mort la liberté d’expression, la mise à mort de la culture et la déliquescence des valeurs de la Tunisie. Et c’est sans doute la qualité première de « Bab el Fella » : montrer comment un système politique peut tuer émotionnellement et intellectuellement tout un peuple.
Ayant collaboré à « Halfaouine » de Ferid Boughedir qui nous livre une apparition à la Alfred Hitchcock, Moslah Kraïem tourne comme son ami avec passion et respect pour cette Tunisie qui ne doit jamais disparaître : celle de la tolérance, de l’amour du beau et du respect de l’autre.
F.B.