Balance alimentaire: Pourquoi le déficit se creuse-t-il ?

Par Ridha Lahmar

 

Les statistiques relatives à la balance commerciale alimentaire portant sur dix mois de 2014 font état d’un déficit qui se creuse de façon sensible.

Cette situation est préoccupante à plus d’un titre, car elle est symptomatique de plusieurs dysfonctionnements, sinon de dérives et de paradoxes multiples qui affectent la production et la commercialisation des produits agricoles.

En effet, le déficit enregistré est de 1.292,9 millions de dinars en 2014 contre 803,6 millions de dinars en 2013.

Le taux de couverture des importations agricoles par les exportations de même nature qui était de 72% en 2013 (10 mois) n’est plus que de 52,8%. La chute est vertigineuse puisque nous avons perdu 18% en une seule année !

Pourquoi y a-t-il tout d’abord déficit et pourquoi ce déficit se creuse-t-il d’une année à l’autre ?

Il y a lieu de rappeler que notre balance alimentaire (agricole et agroindustrielle) a longtemps été excédentaire,et ce plusieurs années de suite.

Ne remontons pas jusqu’à l’époque antique où la province Africa était le grenier de Rome ou bien lorsque Carthage rivalisait alors avec l’Empire romain.

Juste pour insister sur le fait que l’équilibre général a été rompu alors que dans plusieurs sous-secteurs nous demeurons excédentaires et exportateurs : lait, viande, poisson, huiles, fruits, légumes…

Les hypothèses ne manquent pas. Faut-il incriminer les conditions climatiques défavorables qui ont handicapé certaines récoltes agricoles ? Ou bien invoquer les excès de consommation, voire les gaspillages de produits alimentaires de la part d’une catégorie privilégiée de la population alors qu’une partie des Tunisiens souffre de la pauvreté et vit dans le besoin ?

Ou encore y a-t-il une certaine paresse ou des handicaps qui empêchent les producteurs agricoles de produire pour une raison ou une autre ?

Il y a également les exportations illégales qui échappent à tout contrôle. Certes, la quantité de pluie ainsi que sa répartition géographique et saisonnière sont en partie responsables de ce déficit de production agricole.

Mais l’on néglige souvent le rôle primordial du facteur de l’irrigation totale et encore plus l’irrigation partielle et d’appoint.

Pour les périmètres irrigués publics, les responsables reconnaissent qu’il y a des parcelles de terrains qui sont “dominées” par le réseau d’irrigation public, mais non réellement exploitées : négligences, manque de moyens financiers et humains, absentéisme…

L’irrigation d’appoint, aussi bien pour les céréales que pour les arbres fruitiers notamment les oliviers, consomme peu d’eau (l’eau est précieuse, économisons sa consommation), mais peut soit sauver les récoltes de certaines cultures sèches, sinon optimiser les rendements pendant les années durant lesquelles le ciel est avare en pluies.

Il suffit d’un apport restreint d’eau au bon moment.

Il faut dire que les exportations agricoles ont baissé de 27,2% passant de 2.071 millions de dinars en 2013 à 1.507 millions de dinars en 2014, tandis que les importations ont connu une certaine stabilité, 2.850 MD en 2013 contre 2.088 MD en 2014.

Le responsable principal est la chute brutale des exportations d’huile d’olive avec une étroite dépendance vis-à-vis de la production du fruit.

En effet, les exportations d’huile d’olive ont baissé de 66% en 2014 passant de 562 MD en 2013 à 258 MD.

Le volume d’huile est tombé de 142.000 tonnes à 60.000 tonnes, la récolte a donc chuté de façon vertigineuse.

L’huile d’olive représente 40 à 50% de nos exportations agricoles en valeur, ce qui fait que les performances de notre récolte d’huile d’olive pèsent lourdement sur la balance alimentaire.

Il y a lieu de remarquer, à propos de la cueillette des olives, que la main-d’œuvre locale manque, bien que les prix de la journée de travail connaissent une flambée, ce qui engendre deux phénomènes graves : la mécanisation de la cueillette (subvention étatique 30%) et le recours à la main-d’œuvre africaine. Cela est tout à fait anormal et aberrant dans un pays qui compte 700.000 sans-emplois.

À remarquer que la cueillette emploie plus de 100.000 ouvriers pendant quatre mois ce qui représente 120 millions de journées de travail.

En effet, des dizaines de milliers d’ouvriers préfèrent peupler les cafés à longueur de journée, plutôt que de travailler dans les champs pour 10 à 15 D par jour, ou sur les chantiers pour 15 à 20 D par jour.

Les exportations de fruits et légumes ont régressé de 49% tandis que celles des produits de la mer ont baissé de 18%. Cela est dû à l’augmentation de la consommation nationale, en partie avec la présence parmi nous de plus d’un million de Libyens.

La surexploitation de la mer a engendré le repos biologique obligatoire ce qui justifie la régression des produits de la pêche.

 

 

 

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