Banques publiques: Pourquoi cet acharnement ?

C’est la deuxième fois que le Chef du gouvernement évoque ses intentions relatives aux trois banques publiques : tantôt une fusion pure et simple, tantôt une privatisation totale ou partielle. Mais entre-temps, aucune mesure de suivi, ni décision concrète n’ont été prises dans ce sens au niveau du ministère des Finances et avec la bénédiction de la BCT pas d’objectifs précis ni de vision globale.
Il faut croire que l’Exécutif n’a pas le courage ou la capacité d’entreprendre une réforme de grande envergure concernant le système bancaire d’autant plus que celle-ci n’est ni justifiée ni opportune. Serait-elle dictée par le FMI et conditionnée pour son adhésion au soutien du pays ?
Il y a d’abord l’absence du bien-fondé de cette mesure, car depuis l’exercice 2016, les banques publiques réalisent des bénéfices et améliorent de façon sensible leurs résultats et leurs indicateurs.
Ensuite chaque banque publique a sa propre spécificité sectorielle même si toutes les trois sont universelles, ce qui fait qu’elles sont en quelque sorte complémentaires : la STB cumule le financement des secteurs du tourisme et de l’industrie, tandis que la BH est surtout focalisée sur le logement tandis que la BNA est plus engagée sur l’agriculture et l’agroalimentaire.
Les trois banques se sont engagées dans la réalisation d’un business-plan depuis 2015 qui a été approuvé par le ministère des Finances, tutelle du secteur.
En effet, les banques publiques se sont engagées dans un processus d’assainissement de leurs portefeuilles et de restructuration de leurs organes de gestion prudentielle et de contrôle dans le cadre d’une nouvelle gouvernance.
C’est ainsi que le taux des créances douteuses doit passer d’une moyenne de 23% à 15% à l’horizon 2020.
Les deux banques publiques STB et BH ont été recapitalisées lourdement aux frais du contribuable et ont bénéficié d’une injection massive d’argent frais 700 MD pour le STB et 300 MD pour la BH. Est-ce le moment rêvé pour les brader ?
Tandis que la BNA a été contrainte de vendre “des bijoux de famille” à savoir les actions SFBT et autres qui constituaient un précieux portefeuille de participations laborieusement constituées au bout de nombreux exercices d’épargne et d’efforts.
A ce titre l’Etat n’a pas le droit de brader ces banques au profit de lobbies financiers qui affichent des appétits féroces à la recherche de proies faciles au lieu d’investir dans les secteurs productifs de créer de l’emploi dans les régions.
Le gouvernement dit d’union nationale n’arrive pas à céder les participations minoritaires qu’il possède dans 17 banques privées où l’Etat n’a pas de position stratégique ni même un rôle décisionnaire qui puisse justifier le maintien de ces participations. Pourquoi donc continuer à financer des banques privées qui n’ont pas besoin de cette participation ?
Alors que le gouvernement de Habib Essid avait créé un fonds de restructuration du secteur bancaire destiné à recueillir le fruit de ces ventes pour consolider les fonds propres des banques publiques plutôt que de faire appel aux maigres ressources budgétaires.
Il faut savoir que les banques publiques assument un rôle majeur directement ou indirectement dans le financement du budget de l’Etat.
Directement, par l’achat de Bons du Trésor donc la participation à des prêts accordés au profit du Budget de l’Etat.
Indirectement en accordant des crédits aux entreprises publiques et sociétés nationales au lieu des subventions d’équilibre qui sont en principe du ressort de l’Etat, provisoirement défaillant en la matière.
Ce qui permet à ces entreprises de continuer à assurer leurs activités normalement.
Si jamais les banques venaient à être privatisées, elles n’auraient plus le même comportement.
Lamia Zribi, ministre des Finances a affirmé au micro d’Express FM qu’il y a différents scénarii dont celui de la privatisation, mais qu’aucune décision n’a été prise à la date du 28 février 2017.
Elle a poursuivi que des négociations seront nécessaires avec les autres actionnaires de ces banques, ainsi qu’avec l’UGTT pour le volet social : comprendre par la qu’il y aura des licenciements massifs. Quelle cacophonie au sein du gouvernement où chaque ministre a sa propre perception sur cette question épineuse. C’est l’improvisation au pouvoir !.
Outre la privatisation totale ou partielle et à part la fusion des trois banques publiques, opération périlleuse, sinon suicidaire, car 70% des fusions d’entreprises aboutissent à des échecs, il y a l’option la plus sage et efficace c’est le statut quo avec accélération des programmes de restructuration décidés il y a plus d’un an.
Le secteur bancaire revêt un caractère stratégique et même les pays à économie libérale persistent à conserver des banques publiques destinées à soutenir le rôle de l’Etat et mettre en œuvre leurs politiques de développement.
En effet, la banque, ce n’est pas seulement la facette rentabilité financière exclusive qui compte, mais il y a aussi la préoccupation développement et une dimension responsabilité sociale de l’entreprise.
L’ARP ne semble pas disposée à approuver les intentions du gouvernement en matière de privatisation des banques publiques car le gouvernement est tenu de présenter un projet de loi en vue de son approbation par les députés.
Le président de la commission des finances, de la planification et du développement s’exprimant au micro de Express FM, radio privée a rejeté catégoriquement la décision annoncée par le Chef du gouvernement lors de son interview du 26 février sur la chaîne de TV El Hiwar Ettounsi.
Les sentiments de l’UGTT sont bien connus quand il s’agit de privatisation des entreprises publiques et la fédération des banques a toujours fait preuve d’une détermination farouche lorsqu’il s’agit de défendre l’emploi et les avantages acquis mais désormais menacés de ses adhérents.

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