Mercantile, triviale, vulgaire, l’expression « monnaie d’échange » dénature une procédure dans la mesure où la prise d’otages donne à voir une ruse de guerre.
Par son vocabulaire, l’Occident masque le dépit ressenti face à une stratégie.
L’opération menée le 7 octobre par Hamas ressuscite les propos afférents aux deux États. Auparavant, la solution paraissait morte et enterrée. A lui seul, ce déblocage suffit à élucider la complexité. Celle-ci disqualifie l’emploi du mot « terrorisme » inapte à qualifier des combattants capables de démontrer la vulnérabilité d’un araméen réputée impossible à ébranler.
Semblable percée militaire suggère à l’adversaire, proclamé invincible, un risque non plus conjoncturel mais bel et bien existentiel. De ce danger vital, provient l’outrance de la réaction génocidaire avec le blocus privatif d’eau, de nourriture, de courant et de carburant. Les bombardements massifs manifestent la fureur des affameurs. Dirigeants et commentateurs occidentaux focalisent l’attention médiatique sur les images liées au 7 octobre, à l’heure où les populations musulmanes fustigent les atrocités commises par les génocidaires. Soudain, l’indignation change de camp et cela dérange Macron.
Erdogan lui assène l’estocade et dénonce l’ignorance. Assimiler Hamas à Daech trahit la vision du monde à travers le prisme de l’analphabétisme.
Lorsque les peuples, outrés, manifestent contre les massacres israéliens, les Occidentaux les disent motivés par la « haine » et ce psychologisme inscrit, par pertes et profits, le ressentiment éprouvé envers les innombrables exactions de la colonisation.
L’appartenance à l’Occident surdétermine le regard limité à lui-même et biffe l’aptitude à replacer la partie parmi la totalité du champ mondialisé
Voila pourquoi la protestation des marées humaines tunisiennes, irakiennes, iraniennes ou égyptiennes « surprend » les croyants à leur seule existence dans le monde. La guerre des signes et des images cligne vers le clivage culturel à teneur civilisationnelle. L’Orient regarde à la fois lui-même et l’Occident. L’agressé perçoit son agresseur qui ne le voit pas ou feint de ne pas le percevoir.
L’angle de vue plus élargi de l’opprimé oppose le droit à sa répression par la force. Les partisans des Brics paraissent inclure ce procès parmi la recherche d’un nouvel ordre mondial. Ce télescopage exacerbe les tensions conflictuelles et réactive la préoccupation de l’armement. Nous avons là, aux abords de l’apocalypse, des potentialités entendues au sens où Spinoza débusque le virtuel au cœur du réel. Ainsi, le dilemme de l’aide occidentale par l’entremise du FMI et de la Banque mondiale, inspire la tendance à compter sur ses propres forces quand bien même pareille aspiration figurerait parmi les virtualités à concrétiser.
Mais, déjà, un début de mise en œuvre apparaît en matière de céréaliculture ou de balance commerciale. L’économie, palier fondamental, rejaillit sur les autres niveaux de la réalité sociale globale. Pour cette raison, la question des prêts conditionnés colloque avec le thème de la dignité symbolisé par le « Namoutou ».
La position adoptée par les partisans du prêt pointe vers un autre intérêt, lui budgétaire et financier. Les deux positions cohabitent et aucun des responsables respectifs n’adresse une opposition radicale au tenant du point de vue différent.
L’apparente incohérence ne sabre pas l’objectif commun, car la réticence envers les prêts permet de grignoter les éléments de la conditionnalité. Embarqués sur la même galère, tous vivent un devenir avec l’espoir du meilleur et l’appréhension du pire. Tel ne fut pas le cas durant le règne d’Ennahdha. Entre les enturbannés au pouvoir et les autres ne prévalait aucun dénominateur commun. L’hégémonie nahdhaouie paraissait installée pour durer. Lorsqu’elle fut balayée, une interrogation taraudait l’esprit de maints Tunisiens : d’où provenait le raz de marée ?
Certes, les accapareurs creusèrent eux-mêmes leur tombe, mais nul ne semblait outillé pour les enterrer. A ce jour, le mystère demeure entier. Pour usurper le pouvoir, Ben Ali bénéficia du soutien américain. Mais sur quoi compta le Carthaginois ? Même après l’évacuation des colons repartis vers la France, pareille question trouve sa raison dans la vision d’un monde social impensable hors de la dépendance. Derrière Ghannouchi magouillent le Qatar et la Turquie. Tout comme si rien n’advenait sans le grain de sel surajouté par des non-Tunisiens. Si le grand Manitou n’est pas oriental, il serait occidental. Voilà pourquoi, maintenant, le thème de l’autodétermination réagit contre le théorème de l’inéluctable inféodation. Rien n’illustre mieux ce débat que le problème soulevé à propos des prêts.
Mais la problématique outrepasse le champ économique et couvre le souvenir historique : Namoutou !
Ce cri de guerre surplombe l’optique prosaïque et relève de l’univers ontologique, autrement dit l’existentiel ou la manière d’être au monde. Hélas, nul n’est créé par lui-même et de là provient l’exigence de colmater la vacuité creusée par le chaînon manquant.
Coupable d’exister sans y être pour quelque chose, l’humanité, inquiète, fabrique ses divinités.
Sous les bombes isréaliennes, une Palestinienne dit : « J’ai peur de survivre ». Mieux vaut partir que souffrir. Salaud, imbécile heureux, Bernard Henri Lévi accuse Hamas, mais à l’origine du Hamas étaient l’usurpation de la terre palestinienne par la colonisation israélienne et l’expantionnisme du totalitarisme.
Dubitatif, ce propagandiste de service commence par inaugurer l’histoire quand les jeux sont faits. Le « peuple élu » planifie un génocide quand Yahvé prescrivait à Moïse les dix commandements et le cinquième ordonna : « Tu ne tueras pas ». Beaucoup trop de monde pour l’enfer à ciel ouvert !
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