Folle semaine en Tunisie ! Le mouvement féministe «Femen» a frappé fort, créant un séisme dans l’opinion publique tunisienne conservatrice. Une action,“seins nus”, a eu lieu, la veille du procès d’Amina, à Bab Bnet, devant le Palais de Justice. Toutefois, l’internationalisation de l’affaire, à travers une médiatisation «excessive», présage d’une escalade de tensions.
Le mouvement féministe international Femen (voir encadré) a pris ses quartiers en Tunisie… non sans fracas. En effet, trois jeunes filles européennes (deux Françaises et une Allemande) ont créé, à la veille du procès d’Amina, l’évènement à Tunis à l’occasion du procès qui a débuté le 30 mai 2013 et se poursuit à Kairouan. En pleine matinée, Joséphine, Marguerite et Pauline ont mené le 29 mai dernier, une action “seins nus” devant le Palais de Justice pour réclamer la libération immédiate de leur camarade, Amina Sboui. Cette jeune fille de 19 ans, connue sous le pseudonyme d’Amina Tyler, a été la première jeune fille tunisienne à avoir ouvertement déclaré son adhésion aux idées et aux méthodes de Femen. En mars 2013, elle avait publié des photos sur Facebook où elle apparaissait seins nus et sur lesquels était écrit : «mon corps m’appartient seule ; il n’est l’honneur de personne !». Depuis, Amina fait l’objet de plusieurs menaces, notamment de la part des islamistes radicaux. Toutefois, son action est également critiquée par la majorité des acteurs politiques et associatifs ; ces derniers estimant que les actions de Femen sont inadéquates à la réalité tunisienne et contre-productives à l’égard de la cause de l’émancipation des femmes. Malgré cette hostilité, Amina s’est rendue à Kairouan le 19 mai, jour du bras de fer entre Ansar-Charia et les forces de l’ordre. Sur place, elle a tagué le mot «Femen» sur un muret du cimetière à proximité de ladite mosquée. À leur arrivée au cimetière, les policiers ont découvert sur elle un aérosol lacrymogène. Elle a donc été jugée tout d’abord en vertu d’un «décret beylical de 1894 qui prévoit des peines de six mois à cinq ans de prison pour détention d’engins incendiaires ou explosifs». Au terme de ce premier procès (jeudi 30 mai), le tribunal de Kairouan a condamné la jeune fille à payer une amende de 300 DT. Mais le juge d’instruction a ordonné son maintien en prison, car il a retenu contre elle de nouveaux chefs d’accusation, tels que la «profanation de cimetière» et l’«atteinte aux bonnes mœurs». Sa prochaine audition est prévue pour le 5 juin prochain.
Sous le feu des projecteurs
Par ailleurs, les trois jeunes filles européennes, aussi, seront traduites devant la justice tunisienne le 5 juin 2013. Les accusations ? «Outrage public à la pudeur» et «atteinte aux bonnes mœurs»… qui sont des charges passibles de six mois de prison ferme. Toutefois, Femen (section France) a prévenu,en cas de condamnation des quatre militantes (Amina et les trois européennes), d’autres actions seraient à prévoir. Et leurs menaces ont aussitôt été mises à exécution. Le 1er juin, lors d’une conférence à Montréal, Hamadi Jebali (Secrétaire général du parti islamiste d’Ennahdha et ex-Premier ministre) a été interrompu par des membres de Femen Canada aux cris de «Free Amina». Dans le même temps, Femen France, qui est à l’origine de l’action du mercredi 29 mai, a obtenu quelques lettres de soutien. La diplomatie française s’est exprimée à son sujet. «La justice (tunisienne) est indépendante, mais enfin je souhaite qu’elle fasse preuve de clémence», a déclaré Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, lors de son passage dans l’émission «Grand Rendez-Vous» de la radio Europe 1. Le combat ultra médiatisé de Femen en Tunisie vient-il de commencer ? La femme en sortira-t-elle gagnante ? Ceci est une autre question…
Med Abdellahi Ould Mohameden
Femen ou le sextrémisme
Fondé en 2008 à Kiev, le mouvement Femen commence ses actions en Europe de l’Est, avant d’élargir son «champ d’activités» à d’autres pays européens, à l’instar de la France. Le groupe d’activistes ukrainiennes, présidé par Anna Hutsol, dénonce en fait l’essor de l’industrie du sexe (tourisme sexuel, pornographie, prostitution…), réclame l’émancipation des femmes et s’oppose à l’autorité religieuse et politique. Grâce à ses actions à la fois polémique et spectaculaire, le mouvement sextrémiste devient de plus en plus présent sur la scène médiatique et publique. Toutefois, leur usage de la nudité comme moyen de protestation suscite de nombreuses critiques, y compris parmi les féministes. Cependant, selon les Femen, les méthodes de lutte au XXIe siècle doivent combiner efficacité et originalité, tout en étant pacifistes. En Tunisie, le mouvement a trouvé sa place avec l’émergence du cas d’Amina. Agée de 19 ans, la jeune fille ne cesse de surprendre l’opinion nationale par ses actions.