« Bébé Aylan », le film : Un débat moral autour de l’image

2 septembre 2015. C’était il y a 4 ans déjà, et l’image reste pourtant encore gravée dans la tête de chacun. Celle d’un petit garçon au tee shirt rouge, portant pantacourt bleu délavé. Il est allongé sur le sable et ne bouge pas. Tout parait normal, au détail près qu’il ne respire plus depuis longtemps. Il s’appelle Aylan Kurdi, il est syrien et sa dépouille noyée vient de s’échouer sur une plage Turque. Aylan n’avait que 2 ans.

Un enfant et le destin de toute une population.
La famille d’Aylan, d’origine syrienne et kurde, avait fui l’intensification des combats en Syrie. Tués par la guerre ou par la mer, l’issue finale est demeurée la même pour les syriens qui ont embarqués pour la Grèce par la mer Égée. Aylan s’en est allé au cours de cette traversée, aux côtés de son frère Ghalib, 4ans et de leur mère. La photo du journaliste turc Nilufer Demir, de l’agence de presse Dogan. a fait le tour du monde et bientôt fera celui des salles de cinéma. Un destin tragique filmé sur grand écran qui ne convient pas à la famille du défunt, qui affirme ne pas avoir été consultée pour ce film. Si le réalisateur, Omer Sarikaya, souhaite donner le plus d’authenticité possible à son film, notamment en tournant près des lieux de la tragédie à Bodrum, en Turquie, de nombreux obstacles moraux et éthiques se dressent devant lui.

Violence de l’image : pourquoi la montrer ? 
Déjà en 2015, la guerre en Syrie et  la crise migratoire étaient d’actualité sans pour autant en être au cœur, un conflit comme un autre. Vraisemblablement, l’époque veut qu’il faut voir pour croire. Et en ce sens, l’image d’Aylan a éveillé quelques consciences et mis le en lumière une faille qui avait déjà tué des milliers d’individus.
Le film  « Bébé Aylan, la mort en mer »  pose des problèmes éthiques car il pourrait exploiter l’image d’un enfant et  entraver le respect du deuil de la famille. Un cliché qui lorsqu’il est manipulé, ternirait le passé de l’enfant.  On peut aussi considérer que l’image (en réalité il y en a 3 mais c’est l’une d’entre elle, montrant l’enfant la tête enfouie dans le sable, inerte, qui a bouleversé les médias) demeure encore à ce jour trop choquante pour être montrée au grand écran, mais depuis 2015 le débat a déjà été tranché par les médias qui ont pour la plupart choisi de montrer la réalité telle qu’elle était en dévoilant le cliché le plus significatif permettant d’alerter et d’éveiller des consciences occidentales endormies par la distance qui les sépare du conflit syrien et de la crise des réfugiés.

Faut il pour autant l’ériger en film?
Objétisée par les politiciens kurdes, érigée au rang de martyr sur les réseaux sociaux, l’histoire d’Aylan a été instrumentalisée à tout va. Le fait est que, pour la famille survivante c’est à dire le père, Abdullah Kurdi, l’idée de se voir déposséder de sa famille, prise en otage par Hollywood,  et être mise à nouveau au cœur de l’attention médiatique, est un choix dont elle se serait passée.

« Ils ne m’ont pas consulté« , a affirmé le père d’Aylan sur la chaîne de télé kurde Rudaw,. « Je ne peux pas voir un film dans lequel mon fils est vivant […]. Ces images me font vraiment mal.« 

Le réalisateur a tenu à rassurer la famille, assurant que son film porterait avant tout sur la question des réfugiés et non pas sur le cas d’Aylan en particulier, et que personne ne tirerait de profit financier du film. Reste toujours que l’affiche retenue pour le film dévoile le corps mort d’Aylan.

La problématique entre recherche d’argent ou d’humanité peut également se poser. A cela, le réalisateur a planté ses positions. Le projet réunirait uniquement des bénévoles et l’entièreté des bénéfices iraient au profit de l’Unicef.

 

 

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