Belle saison en Kroumirie: La côte du corail

Au début de l’année, nous avions décrit les plaisirs et les mets de l’hiver en Khroumirie. Maintenant, le soleil rayonne dans un azur serein tous les jours. Les drames de l’hiver sont « dépassés ». Les visiteurs n’ont pas encore envahi les plages. La côte du corail est très agréable en début d’été.

La montagne
La Khroumirie, c’est d’abord la montagne, mais c’est aussi la « Tunisie verte », boisée. A la fin du printemps, les découvertes se succèdent. Tous les chênes de la forêt répandent leur pollen. Les oiseaux nourrissent leur nichée. Dans les sous-bois, le grognement d’une laie vous avertira que vous approchez de ses marcassins tout petits. Malgré les cris éraillés des geais, sentinelles des forêts, on arrive à observer un pic, cramponné à un vieux tronc et tambourinant éperdument. Seuls, leurs roucoulements nous racontent que les palombes nichent, cachées dans les feuillages, mais silencieuses à votre approche.
Dans les clairières, de très beaux papillons : le Flambé, semblent une fleur ailée. Le long des ruisseaux qui murmurent sous une voûte de branches, la flèche turquoise d’un martin pêcheur raye la pénombre. Les grandes fougères « aigles » commencent à dérouler leurs « crosses » aux feuilles finement découpées. Elles protègent les dernières orchidées : les « limodores » mauves et les « Italica » roses. Les premières fleurs des ronces s’épanouissent. Les fruits mûriront en août. Revenez vous régaler ! Dans la forêt fraîche, le parfum des mousses est mêlé aux arômes de l’humus.
Le parc national d’El Feïja, la tourbière de Dar Fatma, proche d’Aïn Draham et celle beaucoup moins connue d’Aïn Hamraya où les touffes d’asphodèles croissent entre les bouquets d’orchidées, le rarissime Sérapia stenopetala blanc, vous invitent à la promenade.
Il existe de nombreux sites historiques, nous en avons dénombré 25, depuis la pierre dressée : R’cheda touila, le long de la route joignant Aïn Snoussi à Ras Rajel, aux haouanet de Zouaïnia près de Souk Sebt, le long de « la route des Chinois », aux vestiges de Zaga, à ceux qui sont proches du village de Balta et aux haouanet de Kef El Blida recélant une peinture pariétale unique au monde.
Les chasseurs ont rangé leurs armes car c’est la saison des « nouveaux nés ». Tous les lacs de barrage peuvent accueillir les pêcheurs. Ceux du Bou Herthma et de Béni Mtir, riches en sandres, carnassiers à cuire au four, en carpes grosses ou petites, et en rotengles de 100 grammes, délicieux en friture, sont proches de la « Maison des Jeunes » de Béni Mtir. On y est logé confortablement et reçu aimablement à très bon marché. Celle d’Aïn Draham et ses hôtels peuvent satisfaire tous les goûts et toutes les bourses. Un hôtelier, propriétaire d’un verger de cerisiers, propose à ses clients d’aller s’y régaler. Un autre entretient un groupe de chevaux très calmes. Il organise des promenades courtes et des « raids » de plusieurs jours dans la région. A cheval, à V.T.T. ou en véhicule 4×4, on peut, sans grandes difficultés, randonner le long de la « route du marbre » : celle que les Romains empruntaient, de Chemtou à Tabarka, pour exporter leur production. 70 à 80 kilomètres en tout, avec deux ou trois soirées de camping et une halte réparatrice à Hammam Bourguiba.
Pensez à passer un moment, une journée ou davantage à la station thermale.

La côte
De quel côté qu’on arrive, on la devine, on la sent dans la brise marine, on la voit depuis les sommets d’Aïn Draham. En juin, la mer vous semble encore trop froide pour vous baigner ? Soit ! Profitez-en pour aller passer une journée ou plus sur l’île de la Galite. Si la première montée vous paraît « raide », la randonnée sur le plateau, dans la garrigue parfumée, caressée par la brise marine iodée, est très facile. Allez jusqu’à la maison du Président Bourguiba. Essayez de monter jusqu’au point culminant : 561 mètres, 400 mètres de dénivelé sur 500 mètres : c’est raide ! Mais, de là, on domine la baie et le port minuscule : c’est magnifique. Essayez de deviner l’origine des toponymes : la Pointe de Syroq, le Bout de Somme : les collines centrales, l’Oudjill : la colline dominant l’ancien cimetière, l’Escaroubade : la pente qui part du port.
En forêt, près de Tabarka, allez vous promener le long de magnifiques pistes forestières. Elles sont sèches en cette saison. On les découvre facilement en montant à droite de la route de Nefza, un peu avant la faïencerie, vers l’arboretum de Majen Roumi. Souvenez-vous du lieu, on y fait de superbes passées de bécasses en hiver !
A partir de là, laissez-vous guider par votre fantaisie : toutes les pistes vous ramèneront soit à la route de Nefza, soit à un poste forestier. Il en est de superbes : Aïn Zana, ou celui de Oued Zeen niché au creux de la plus grande et la plus belle forêt de chênes zéens d’Afrique du Nord !
De l’autre côté, vers l’Ouest, prenez la route, puis la bonne piste menant à Aïn Baccouche. On y trouve, l’hiver, énormément de délicieuses girolles ! Puis, continuez à vagabonder et … vous ressortez vers Melloula, à la frontière.
A partir de Melloula, aux pentes tapissées de clochettes mauves de bruyères à l’automne et de houppes blanches de bruyères arborescentes au printemps, revenez lentement, en longeant la mer, vers Tabarka. Repérez une colline nue, à gauche de la route, portant une tour de surveillance. Parfois, nous y venons observer le ciel, durant une partie de la nuit. Les militaires qui y sont en faction acceptent volontiers de nous tenir compagnie et d’admirer un beau ciel de printemps. Dès 20H30, à la mi-juin, l’énorme Antarès du Scorpion brille, au ras de l’horizon, à l’Ouest. La Grande Ourse est presque verticale à l’Est de l’axe Nord-Sud sur lequel scintille Arcturus du Bouvier. Au Nord de la Petite Ourse et de l’étoile polaire, on distingue parfaitement le « W » de Cassiopée. A partir du Cygne, dans la Voie lactée, on situe facilement Vega de la Lyre à sa droite, Altaïr de l’Aigle et la constellation du Dauphin à sa gauche. Tout au Nord, Capella du cocher semble un phare.

Suggestions
Si les nouvelles autorités ont foi en l’intérêt des tourismes alternatifs, elles pourront organiser des « Nuits des étoiles ». Elles pourraient même créer un « Syndicat d’initiative » ou une « Maison de Tabarka » où les visiteurs se renseigneraient même par téléphone ou Internet.
La région créerait des « évènements », davantage en harmonie avec son biotope, tels que le festival de la mer, de la plongée, de la photo marine et sous-marine, le festival du corail, celui de la forêt ou de la chasse.
Pourquoi ne peut-on pas trouver de « bateaux » équipés pour la « pêche au gros » alors que d’énormes thons, de superbes serres, limons et liches – on en a pris de 30 kilogrammes ! – passent au large.
Il y aurait des journées gastronomiques d’hiver durant lesquelles les produits de la chasse : sanglier, bécasses, palombes, bécassines, seraient remplacés l’été par ceux de la mer, les belles ombrines aussi « fines » que les loups, les cigales et les langoustes qu’on s’arrache à prix d’or en Europe, plus « populairement », les sardines grillées qui animent les soirées d’été du Languedoc.
En entrée, une salade mechouia avec des légumes frais et mûrs, un plat de poisson ou quelques « tranches » de cigale ou de langouste et un fruit, n’est-ce pas un régal ? Nous venons pour déguster une bécasse flambée en hiver. Nous revenons en été pour savourer une cigale de mer grillée à point. Plutôt que de chanter la gloire du jazz – il intéresse qui dans la région ? – ne serait-il pas plus avantageux de magnifier le corail, l’or rouge de Khroumirie, et ses artisans ?
Il y a 75 ans que nous aimons et fréquentons la Khroumirie. Nous éprouvons beaucoup de peine en l’entendant se plaindre amèrement aujourd’hui d’être délaissée.

Related posts

Affaire du complot contre la sûreté de l’État : Unimed réagit au jugement contre Ridha Charfeddine

Rencontre avec le metteur en scène Moez Gdiri :  « L’adaptation du théâtre européen nous a éloignés de notre réalité tunisienne »

Charles-Nicolle : première kératoplastie endothéliale ultra-mince en Tunisie