Saïd Aïdi a voulu marquer le coup avec la toute première conférence de presse de son nouveau parti, Béni Watani.
Tout a été mis en oeuvre pour mettre en lumière le « patriotisme » de son projet : dominance du rouge dans la salle, ambiance musicale rythmée par l’authentique aoud et un démarrage avec l’hymne national. Le message de l’ancien ministre de la Santé est clair : un parti pour la Patrie. Mais arrivera-t-il à se distinguer par rapport à la fourmilière de partis qui inondent le paysage politique tunisien ? Comment pourra-t-il convaincre des tunisiens en désamour avec la politique ?
La tâche pour l’ancien ministre s’annonce difficile. Son discours de ce jeudi 23 novembre 2017 s’est voulu, certes, patriotique, mais au fond, il n’est pas si différent de ceux que le tunisien a déjà entendu chez d’autres. « Nous comptons plus de 4000 adhérents, dont 50% âgés de moins de 40 ans et 40% moins de 30 ans. Le plus jeune activiste est âgé de 21 ans. La structure de Béni Watani est horizontale. Le parti représente toutes les catégories sociales du pays, y compris les tunisiens résidents à l’étranger », déclare Saïd Aïdi. La particularité de son parti, poursuit-il, réside dans ses objectifs, et le tout premier est de faire émerger une nouvelle génération de politiques, de concilier les générations et de rétablir la confiance. « C’est notre particularité », nous ont également assuré les dirigeants présents qui assurent aussi que le plupart des adhérents sont apolitiques. « A la Macron », affirme-t-on encore. Tous ces points, selon Saïd Aïdi, constituent les fondements d’un Etat de Droit moderne.
« Bâtir un Etat de Droit moderne, une fiscalité plus juste »…
L’autre partie de la première conférence de presse de Béni Watani a porté, sur un classique état des lieux du contexte politique. « Nous soutenons la campagne de lutte contre la corruption », déclare le président du parti. Cependant, il ne faut pas que la campagne se transforme en une campagne médiatique servant les intérêts de certaines personnes. « Le secteur de la santé est concerné », ajoute-t-il, sous sa casquette d’ancien ministre de la Santé. « Il existe une tendance à utiliser les appareils de l’Etat pour servir les intérêts de lobbys et de certaines personnes », souligne Saïd Aïdi. Mais qui sont ces lobbys ? L’ancien ministre ne nous a pas fourni de noms, mais il est revenu sur son passage à la tête du ministère de la Santé : « quand on constate que l’on est revenu sur certaines décisions qui ont été prises pour lutter contre la corruption, on est en droit de se demander pourquoi ».
Saïd Aïdi réitère, par ailleurs, l’attachement de son parti aux institutions de l’Etat. « Il est temps de mettre en place la Cour Constitutionnelle », dit-il. Concernant la crise qui a secoué l’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections (ISIE), Saïd Aïdi y voit une preuve d’un mélange entre les intérêts de l’Etat et ceux des partis politiques. « Ces partis utilisent l’appareil de l’Etat pour leur propre intérêt. Garantir la transparence des élections et l’indépendance de l’ISIE est l’un des fondements d’un Etat moderne », renchérit-il.
Sur le plan économique, les critiques ont plu sur le projet de loi de Finances 2018. « Un copier/coller de ce qui a été fait auparavant : aucune solution pour remédier aux problèmes du pays », déclare Saïd Aïdi.
De son côté, Mouna Ben Othmane, responsable de la commission nationale économique au sein de Béni Watani, souligne l’instabilité politique, notamment à la tête du ministère des Finances, la pression fiscale qui augmente d’année en année, ou encore l’endettement : tant d’éléments qui pèsent sur le projet. « Le projet de loi de Finances 2018 comporte 53 nouvelles mesures fiscales. 77% de la dette est extérieure, donc son remboursement se fera en devise », note-t-elle.
Le parti prône, poursuit la dirigeante, pour une meilleure justice fiscale et pour l’instauration d’un climat d’investissement adéquat. « Le projet de loi comporte des contradictions avec ce que stipule le code de l’investissement », assure encore Mouna Ben Othmane. Et d’ajouter : « chaque projet de loi de Finances doit faire l’objet d’une étude globale non pas sur une année, mais à long terme. Le texte doit marquer une rupture avec ce que l’on a déjà vu : répondre aux exigences de la conjoncture ».
Pas d’alliances!
Béni Watani, avec son chef, veut séduire, c’est indéniable. Il s’agit pour ce parti de créer une nouvelle classe politique loin des stéréotypes et des clichés. Le citoyen doit être placé au centre de l’action politique et être partie prenante dans toute décision.
Dans ce contexte, Saïd Aïdi exclut toute alliance avec un quelconque autre parti, du moins toute alliance bâtie sur des calculs politiques.
Première sortie électorale pour ce jeune parti si l’on ose le dire, le soutien renouvelé à la liste « Bent Watani » et à Emna El Ouni, candidate du parti dans les élections législatives partielles pour la circonscription d’Allemagne.