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Le président américain a demandé aux services de renseignement de déterminer la source mystérieuse du coronavirus.
Jusqu’ici pour l’administration Biden et nombre de scientifiques, c’était une idée totalement farfelue. Donald Trump et l’extrême droite ont accusé très tôt l’Institut de virologie de Wuhan d’être responsable de la pandémie. Sans preuves particulières, l’entourage très anti Chine de Trump a multiplié les théories du complot affirmant à coup de réthorique incendiaire que Pékin avait créé le virus pour en faire une arme biologique, attaquer les Etats Unis… Les Démocrates ainsi qu’une grande partie de la communauté scientifique qui estiment que le virus s’est transmis par contact avec un animal ont condamné les dires et les attaques de la Maison-Blanche. Selon eux, Donald Trump cherchait à détourner l’attention de sa gestion catastrophique de la pandémie et à punir la Chine. La théorie de l’accident de labo « s’est retrouvée mêlée au fatras d’idées folles de Trump et les scientifiques l’ont rejeté pour privilégier l’hypothèse de la transmission naturelle du Covid 19 », résume Stephen Morrison, chercheur au Center for Strategic and International Studies.
Mais cette semaine, dans un revirement inédit, le président Biden vient d’annoncer qu’il avait demandé aux services de renseignement de « redoubler » leurs efforts pour déterminer l’origine du Covid 19 qui a tué plus de 3,4 millions de gens à ce jour. Il a également révélé qu’il avait demandé en mars un rapport aux responsables de l’espionnage sur le même sujet dont les conclusions se sont révélées « peu concluantes ». Un service de renseignements « penche » vers la théorie d’une erreur de manipulation de l’Institut de Wuhan alors que deux autres croient à la transmission par contact avec un animal, a-t-il précisé, avant d’ajouter qu’aucune de ces analyses n’était très fiable.
* »Nous ne pouvons pas exclure la possibilité d’un quelconque accident »
Le départ de Donald Trump et de ses alliés complotistes suivi par le rapport très controversé de l’OMS en mars qui a jugé la thèse accidentelle « extrêmement peu probable, » ont changé la donne. Ces dernières semaines, de plus en plus de scientifiques, d’experts de la Santé et de média, jusque là silencieux par peur d’être récupérés politiquement, n’hésitent plus à exprimer leurs doutes. Dix huit biologistes renommés ont publié par exemple une lettre dans la revue Science dans laquelle ils estiment que les deux thèses restent « viables » et appellent à une « enquête sérieuse ». Le Dr. Francis Collins, directeur du National Institutes of Health a déclaré de son côté au Congrès : « Il est plus que probable que ce virus se soit transmis de manière naturelle mais nous ne pouvons pas exclure la possibilité d’un quelconque accident au sein du labo ».
Le plus curieux, c’est qu’il n’y a aucune information nouvelle pour étayer l’une ou l’autre hypothèse. Les défenseurs de l’idée d’une erreur de manipulation s’appuient notamment sur le fait que trois des employés de Wuhan sont tombés malades à l’automne 2019 avec des symptômes similaires au Covid. Mais est-ce par contamination lors de leurs expériences ou parce que le virus circulait déjà dans la ville ?
Lors d’un point de presse mercredi, le Général Mark Milley, chef d’Etat major des Armées, a déclaré qu’il n’avait vu « aucune preuve concluante dans un sens ou dans l’autre ». « On ne sait pas », a-t-il résumé.
Et ce n’est pas la Chine qui va aider à clarifier. Pékin a déclaré cette semaine n’avoir « aucune intention » de coopérer à une autre enquête, au grand dam de Washington. Joe Biden a donc annoncé publiquement qu’il avait commandité auprès des services de renseignement un nouveau rapport pour comprendre les origines du virus. Les conclusions doivent lui être remises dans trois mois. Selon le New York Times, les services d’espionnage américains sont en train d’examiner de nouvelles informations qui nécessitent « une extraordinaire quantité » d’analyses informatiques.
D’après le quotidien, elles s’appuient sur les bases de données de communication chinoises, les déplacements des employés du labo et l’évolution géographique de la pandémie dans Wuhan. Outre la pression sur Pékin, l’administration Biden espère aussi pousser ses alliés et leurs services de renseignement à se pencher de plus près sur cette théorie et à partager leurs trouvailles.
En attendant, Donald Trump s’est auto-congratulé d’avoir compris très vite l’implication du labo chinois. « Pour moi c’était évident dès le début », a-t-il dit dans un communiqué. « Mais on m’a violemment critiqué comme d’habitude ».
(L’Express)