C’est une sorte de rite annuel, une coutume des temps modernes : les familles tunisiennes n’ont plus d’autre sujet de discussion que celui du bac de leur enfant, d’une cousine, d’un neveu… La tension monte alors lentement mais sûrement, s’exprimant de diverses manières. Un stress qui peut provoquer une pression insoutenable pour le candidat et qu’il faut éviter à tout prix…
Voici quelques indications pour bien vivre cette période de préparation du bac, si courte et si longue…
Les chiffres d’abord : selon un responsable de la direction générale des examens au ministère de l’Éducation, « le bac aura lieu cette année du 3 au 10 juin 2015 et la session de contrôle entre le 23 et le 26. Les 143 194 candidats se répartissent comme suit : 110 380 candidats issus des lycées publics, 29 652 des lycées privés et 3162 candidats libres. Ce qui étonne, c’est que le nombre des filles est supérieur à celui des garçons : 80 377 jeunes filles (56,14%) et 62 817 garçons (43,86%). » Autre élément inattendu selon notre interlocuteur : « le nombre de candidats est en baisse d’environ dix mille élèves ! »
Au quotidien, le bac semble prendre une place de plus en plus importante dans la société, à tel point que lorsque les Tunisiens veulent se moquer du niveau scolaire de quelqu’un, ils emploient une expression inattendue : « le niveau cette personne, c’est bac moins six ! » Une plaisanterie qui fait mal et qui montre à quel point le bac est devenu important dans notre société, sans lequel on est un nul de première.
Éviter le stress
Une situation d’autant plus dérangeante que de nombreuses études à travers le monde montrent que les filles ont de meilleurs résultats à l’école que les garçons. Est-ce le déclin masculin et l’arrivée d’une ère où les femmes accèdent au pouvoir ? Aux Etats-Unis en tous cas, le débat est vif face à ce déséquilibre et aux moyens d’aider les garçons à combler leur retard.
Un psychologue affirme que « ce diplôme porte bien son nom puisqu’il permet, tel un bac marin, de passer de l’enfance à l’âge adulte. C’est une sorte de rite initiatique qui va libérer l’enfant de l’emprise familiale et le faire entrer dans le monde des adultes. On constate d’ailleurs que les parents deviennent moins tatillons avec leurs enfants, qu’ils ont plus de respect pour eux… »
Concernant le stress qui accompagne cette période de l’année, tant pour la famille que pour les candidats, il ajoute : « la tension doit exister, mais il ne faut pas qu’elle devienne un handicap. La famille doit se raisonner et ne pas mettre trop de pression sur le candidat au bac. Par contre, un peu de stress peut aider le jeune à se maintenir en alerte, à être au meilleur de sa forme le jour de l’examen. C’est une question de dosage… »
En fait, la tension a commencé depuis le mois d’avril, date des épreuves physiques du baccalauréat. Le propriétaire d’un centre sportif privé a constaté que « la fréquentation par les candidats au bac a commencé à grimper dès le mois de mars, avec une forte demande d’entraîneurs spécialisés chargés de les préparer aux diverse épreuves. » Un groupe d’élèves rencontrés dans cette salle nous ont affirmé : « nous venons ici pour être sûrs d’obtenir une bonne note qui nous permettrait d’aborder les épreuves du bac sans trop de pression ».
Ce phénomène est assez nouveau et inattendu pour être signalé : dorénavant, les candidats au bac préparent le bac sport comme les autres matières exactement comme ceux qui prennent des cours particuliers de maths ! Il faut savoir que la note finale des candidats au bac en éducation physique se calcule en additionnant le score de l’examen final aux notes du contrôle continu obtenues durant toute l’année… Alors autant mettre toutes les chances de son côté.
L’aide d’Internet
Un phénomène nouveau est d’ailleurs apparu avec la généralisation d’Internet et de l’ADSL : les élèves préparent le bac en ligne. Ils visitent surtout les sites qui se proposent de les aider dans leurs révisions ou qui répondent à des questions bien précises. Les parents, eux, n’ont pas d’opinion précise sur la question. Ils ont l’impression d’avoir accompli leur devoir en achetant un ordinateur et en s’abonnant à l’ADSL.
Une innovation est contestée par certains enseignants, car elle pose quelques problèmes de pédagogie : « cette façon de préparer n’est pas efficace car l’élève accumule des connaissances éparses, sans avoir de méthode. Or il s’agit plus d’organiser ses connaissances que de les accumuler. C’est l’histoire de la tête bien faite et de la tête bien pleine », affirme un professeur de philosophie.
Cette vision contestée par bon nombre d’élèves qui trouvent que les leçons en ligne sont très efficaces : « en classe, le prof n’a pas toujours le temps de nous expliquer certaine notions, d’approfondir certains détails. Internet est donc très utile, même si je suis convaincu que le prof ne sera jamais remplacé par des machines, comme nous l’annonçait la science fiction… »
En réalité Internet est incontestablement en train de remplacer certains cours particuliers qui permettent à certains enseignants d’arrondir leurs fins de mois. On a d’ailleurs constaté que les prix grimpent à l’approche du bac. Des prix souvent déterminés par le lieu d’habitation des élèves : « un élève qui habite à El Menzah ou à la Marsa payera plus cher ses cours que celui des quartiers populaires. C’est bizarre mais c’est comme ça », assure une mère de famille qui habite dans un quartier chic.
Autre phénomène de société : certains élèves angoissés s’en remettent à l’aide divine en redoublant les prières, en visitant les zaouyas, en offrant des sommes conséquentes aux mendiants dans la rue. Ils le font afin de s’assurer les bonnes grâces des esprits, une attitude irrationnelle pour des personnes qui étudient les sciences exactes et la philosophie…
Une quête de spiritualité très intéressée qui attire une foule de jeunes sur les tombeaux de Sidi Mehrez ou de Sidi Belhassen qui voient défiler un nombre impressionnant de jeunes visiteurs en période d’examen. Des jeunes qui iront faire la fête après leur réussite dans les boîtes de Hammamet ou Sousse, laissant les saints aux pauvres…
En attendant, ils viennent en ces lieux boire l’eau du puits de ces sanctuaires ou lire quelques versets du Coran, avant de disposer quelques pièces de monnaie et des bougies autour de la tombe du saint, pour s’attirer ses bonnes grâces. Une vision des choses contestée par certains enseignants pour qui « seul le travail permettra aux élèves de réussir et c’est honteux de voir certains charlatans tenter d’exploiter les craintes des élèves et jouer avec leurs angoisses. »
Autre aspect, souvent négligé par les élèves et les familles : le régime alimentaire nécessaire en cette période ainsi que les cycles de repos. Une nutritionniste conseille de « ne pas abuser du café. Une bonne alimentation et un régime équilibré riche en vitamine C stimulera la mémoire mieux que toutes les boissons saturées en sucres dont les jeunes abusent. Il faut aussi penser à ménager des plages de repos, et éviter les veillées trop tardives… »
Il faut enfin éviter d’isoler l’élève, mais plutôt l’encourager à mener une vie normale, avec de l’exercice et des activités de loisirs, sinon il devient trop stressé, ce qui aura une incidence négative sur ses performances. Alors courage à tous et à toutes et bonne chance !