BLOC-NOTES

Par Sami Mahbouli

La multinationale,  les «Bouchers réunis »,  qui s’est installée, dans les années 90, en Algérie étend, depuis, ses ramifications dans l’ensemble du Monde arabe ; après avoir réalisé dans ledit pays des chiffres impressionnants en termes d’abattage grâce au savoir-faire de ses bouchers barbus, la compagnie a jeté son dévolu sur l’Irak. La diversité confessionnelle de la clientèle et les appétits de vengeance expliquent le développement exponentiel de l’activité des « Bouchers réunis » dans un pays rebaptisé celui des deux fleuves de sang ; évidemment,  l’abondance de l’offre a eu tendance à faire baisser les cours de la matière première irakienne si bien que la multinationale s’est empressée de s’implanter sur d’autres marchés arabes. Celui syrien est en train de dépasser toutes les prévisions : en deux ans, il a dépassé les performances réalisées dans les abattoirs algériens durant une décennie. Il faut dire que les « Bouchers réunis » n’ont pas lésiné sur le recrutement ; désormais, ils ne se contentent pas d’employer le boucher local mais font, également, appel à des commis-bouchers provenant des quatre coins du monde. Fort de ces succès, la grande firme de boucherie lorgne de plus en plus sur le marché égyptien où elle peut compter sur des VRP dynamiques comme « les Frères musulmans » pour aider à son essor ; à Rabaa Adaouia, les efforts de ces commerciaux zélés ont particulièrement payé ; néanmoins, le récent retrait du permis de travail de la confrérie  islamiste pourrait compromettre l’avenir des « Bouchers réunis » en terre égyptienne. Les petits marchés tels que la Tunisie ou le Liban ne sont pas totalement absents des calculs de la multinationale agroalimentaire  car la chair « Halâl » y est également prisée sans compter qu’on trouve sur place des représentants de commerce assez motivés. Le Conseil d’administration des « Bouchers réunis » composé d’investisseurs israéliens, américains et de quelques « vendus arabes » a de quoi se réjouir : la demande est en hausse et le sang arabe a la cote. Si, un jour, l’or noir venait à nous manquer, il y aurait toujours l’or rouge… écarlate pour le remplacer.

 

La violence verbale ou matérielle est condamnable quelque en soit la victime ou les motivations ; les agressions qui ont visé,  en moins d’une semaine, deux ministres en exercice, Mohamed Ben Salem et Mehdi Mabrouk, dénotent d’un affaissement moral généralisé et d’un dévoiement de la notion de liberté. En tant que citoyens tunisiens, les deux responsables  ont droit au respect de leur intégrité physique et morale et toute atteinte à celle-ci expose, naturellement, son auteur à des poursuites pénales. En tant que représentants de l’État, l’atteinte à leurs personnes prend forcément une connotation symbolique : en cherchant à les humilier, c’est l’État qu’on veut rabaisser. Depuis un certain 14 janvier 2011, l’atteinte au prestige de l’État est devenue un sport national au risque de plonger le pays dans l’anarchie la plus complète : des hauts fonctionnaires sont insultés, les locaux publics sont saccagés et même les policiers peinent à se faire respecter et sont régulièrement pris à partie en pleine rue par des énergumènes. Un ministre de la République n’a pas un caractère sacré mais est en droit, au moins le temps de son mandat,  de prétendre à un minimum de déférence ; dans toutes les nations civilisées, les ministres ne sont pas importunés durant leurs vacances par une meute de demeurés  et n’essuient pas des jets de projectiles à chaque conférence. Il est inexplicable que des individus se croient autorisés à exercer  des voies de fait à l’égard de représentants de l’autorité publique alors que la liberté de critiquer ceux-ci tant sur les réseaux sociaux que sur les médias est quasi-totale. Quiconque a, aujourd’hui,  la possibilité de tremper sa plume dans le vitriol et de descendre en flammes les actions d’un ministre ; il n’y a pas si longtemps, une telle audace aurait été inconcevable et aurait valu à son auteur un séjour carcéral prolongé. Cette période étant à jamais révolue, les comportements violents envers un ministre ou tout autre dépositaire de la puissance publique n’ont plus raison d’être et ne servent qu’à favoriser l’incivisme et le « voyourisme » qui menacent notre société et tout l’édifice étatique. J’estime, à cet égard, les témoignages de solidarité de certains membres de l’opposition envers les personnes impliquées dans l’agression contre le ministre de la Culture, Mehdi Mabrouk, comme déplacés. Demain, ce sera peut-être à leur tour d’incarner l’État et d’être visés en public par un projectile. Ce jour-là, qu’ils ne demandent à aucun d’entre-nous d’esquisser la moindre condamnation…

avocatmahbouli@gmail.com                            

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