Par Sami Mahbouli
J’ai bien peur que même une constitution convenable ne suffira pas à restaurer le prestige de l’État ; ceux qui brûlent des édifices publics et en particulier des postes de police se fichent totalement de la séparation des pouvoirs entre exécutif et législatif et de la constitutionnalité des lois. A quoi bon avoir la meilleure constitution du monde quand l’ordre public est à la merci d’une horde de délinquants. Pour se faire respecter, l’État n’a pas besoin de textes d’une grande sophistication juridique ; une simple loi précisant que les forces de l’ordre sont autorisées à user de tous les moyens pour empêcher la destruction, le pillage ou l’incendie d’un édifice public pourrait faire l’affaire ; il serait, du reste, souhaitable de passer rapidement aux travaux pratiques pour que les voyous saisissent qu’ils ne sont plus à l’abri d’un malheureux accident du travail ; les contribuables qui voient l’argent de leurs impôts partir en fumée aux quatre coins du pays risquent d’être assez insensibles aux atteintes à l’intégrité physique que l’application de cette loi ne manquera pas d’engendrer.
Tirer sur une ambulance n’est jamais glorieux ; accabler un homme dont on connaît les souffrances endurées en tant que prisonnier politique n’est pas chose aisée. Pourtant, l’échec d’Ali Larayedh saute aux yeux et ne peut le soustraire au jugement des Tunisiens. Nul n’est disposé à oublier le fiasco sécuritaire lié à l’attaque de l’ambassade américaine ni sa complaisance à l’endroit des extrémistes religieux ; son pilotage chaotique de l’économie et ses nominations de responsables sur une base partisane marqueront son passage aux affaires du sceau de l’incompétence. Il laisse à son successeur un vaste champ de ruines, parsemé de mines anti-personnel multiples. Il faudrait que la providence s’associe avec le Tout-Puissant pour que Mehdi Jomaâ se sorte d’affaire et liquide cet exécrable héritage.
Sharon est mort juste après Mandela : c’est leur seul point commun. Inutile de fouiller dans leurs biographies respectives, vous n’en trouverez aucun autre. Entre celui qui restera un exemple pour des générations et un criminel de guerre, la ligne de démarcation est nette et définitive. Mandela a su pardonner à ceux qui ont spolié son peuple, Sharon n’a jamais pardonné au peuple auquel il a spolié sa terre. Si Sharon a échappé à la justice des hommes, gageons que les cris des enfants suppliciés à Sabra et Chatila le poursuivront jusqu’au fond de sa tombe. Au visage souriant de l’humaniste répond le rictus du boucher impitoyable. Israël a le droit de se choisir des héros comme Sharon mais qu’elle n’espère pas exporter son hommage en dehors de ses frontières. Tout le mal qu’on souhaite à Israël c’est, qu’un jour, un homme tel que Mandela puisse y surgir pour la sauver de la faillite morale dans laquelle elle se complaît.