BLOC-NOTES

Par Sami Mahbouli

La Constituante a déjà offert au peuple qui l’a investie une parfaite illustration de la bassesse et du nivellement intellectuel ; elle a prouvé, cette semaine, sa capacité à se couvrir de ridicule : après les aboiements et les hurlements de mijaurées, les invectives et les accusations, on en vient aux mains et au crêpage de chignon. Le spectacle affligeant d’un président de commission s’empoignant avec son rapporteur sous l’œil de la caméra, les cris et les pleurs des députés présents  rendraient  presque sympathique les comices des Ligues de protection de la Révolution ; en effet, ceux qu’on traite volontiers de délinquants savent mieux se tenir que les élus du peuple et ne terminent pas leurs réunions en pugilat. Il y a plus grave : l’impitoyable dispute sur les dispositions du projet de Constitution risque de prolonger le mandat de ces « galopins » de plusieurs mois. Joignons nos mains pour que l’arme blanche ne fasse pas son apparition dans les travées de l’auguste assemblée et pour que cette sinistre comédie institutionnelle s’achève au plus tôt. 

 

Je dois confesser une certaine sympathie pour mon confrère Mohamed Abbou ; l’homme est sincère et son parcours de militant n’est pas à la portée de quiconque. En revanche, sa brève carrière politique donnerait le tournis à l’analyste le plus froid ; entre démissions fracassantes,  déclarations tonitruantes et  prises de position déconcertantes, on a du mal à identifier le fil d’Ariane de notre ami Abbou si tant est qu’il existe. Son dernier appel à la démission du Général Rachid Ammar participe du maelstrom mental auquel il nous a habitués. Il me paraît inopportun dans une période aussi délicate de s’en prendre ouvertement à la hiérarchie militaire d’autant qu’elle a su, avant et après le 14 janvier, faire montre de sang froid et de sens de l’État ; lorsque toutes les institutions du pays vacillaient et menaçaient de sombrer, l’armée tunisienne et ses chefs furent, pour tous les Tunisiens, la seule planche de salut. Il est plus facile maintenant que l’ordre républicain est à peu près rétabli de tempêter et de rouspéter. Mon camarade, Mohsen Marzouk, a parlé, à juste titre,  de lignes rouges qu’il fallait prendre soin de ne pas transgresser. Selon lui, la remise en cause intempestive et injustifiée de la hiérarchie militaire en fait partie. Agiter la liberté d’expression et  le droit à la critique à tout bout de champ ne doit pas constituer un prétexte pour déstabiliser une institution dont notre démocratie balbutiante a encore le plus grand besoin. D’autant que pour occuper ses journées, Mohamed Abbou a l’embarras du choix : de la reddition des comptes à l’immunisation de la Révolution en passant par la diabolisation de Nidaa Tounès,  les occasions de vilipender les forces du Mal ne manquent pas.

 

Parler du livre d’un ami est souvent un exercice périlleux : entre les devoirs de l’amitié et le souci d’objectivité, la ligne n’est pas toujours facile à tracer. « Demain la Tunisie » de Khayam Turki est avant tout un essai lucide sur la situation de notre pays et une ébauche de programme de redressement ; l’intellectuel raffiné rejoint le politique engagé pour nous livrer une réflexion sur l’état de notre diplomatie et sur les défis posés par la fracture sociale. Même si je ne partage pas toutes les convictions de mon ami Khayam et notamment sa foi dans la fécondité de notre Révolution, je le rejoins dans sa confiance absolue dans le destin de la Tunisie. Outre la qualité de la réflexion,  l’élégance de la plume de Khayam Turki ravira tous les amateurs de la langue de Voltaire ; des choix sémantiques exigeants doublés d’une grande pureté du style expliquent le plaisir procuré par la lecture de cet essai. En  refermant ce livre, je n’ai pu éviter de me demander comment la Troïka a si peu utilisé ce talent préférant confier les responsabilités à des demi-portions et à une belle brochette d’incompétents ; poser la question c’est un peu y répondre …   

 

avocatmahbouli@gmail.com             

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