Par Sami Mahbouli
Le chômage technique menace l’opposition laïque depuis que les caciques d’Ennadha ont levé l’étendard de la lutte contre les salafistes djihadistes ; ceux qu’ils désignaient, naguère, comme leurs enfants ont droit, désormais, à des épithètes nettement moins flatteuses : terroristes, kharijites des temps modernes, ratés congénitaux… bref, une richesse lexicologique qui ferait des jaloux même parmi les ultras du « Front Populaire ». Les multiples palinodies d’Ennahdha, durant ces deux dernières années, ont cultivé, chez la plupart d’entre nous, un scepticisme de bon aloi que seul un strict respect des engagements pris par ce parti serait susceptible d’atténuer ; aussi, qu’on veuille bien nous excuser de ne pas trépigner d’aise devant ces quelques signes encourageants ; il faudra, en effet, bien plus pour que nous puissions juger de la rupture d’Ennahdha avec le radicalisme religieux. En tout état de cause, sa plus grave erreur serait de croire que les Tunisiens sont affligés d’amnésie et qu’ils s’accommodent volontiers de l’ambiguïté et du double langage.
Tous nos mythes révolutionnaires s’effondrent un à un ; même l’ISIE, cette grande prêtresse à laquelle on doit nos premières élections libres est traînée dans la boue par les « Suffètes » de la Cour des Comptes. Ces derniers reprochent à l’Instance pour les élections d’avoir pris des libertés avec les règles comptables et d’avoir fait preuve de générosité avec ses différents collaborateurs. Face à ces graves accusations, je crains que la colère de son président, Kamel Jendoubi, ne suffise pas à dissiper les doutes qui planent désormais sur la gestion des deniers confiés à l’Instance. Le sort semble s’acharner sur toutes les créatures que notre Révolution a enfantées : la Commission de lutte contre la corruption et les malversations a été ensevelie presque en même temps que son président, Professeur Amor, laissant planer derrière elle un lourd parfum de partialité ; la Commission Bouderbala d’investigation sur les dépassements et les violations au cours de la Révolution n’a pas identifié un seul sniper ; quant à la Haute instance de réalisation des objectifs de la Révolution, seule la pudeur nous empêche de qualifier l’insignifiance de sa moisson. Il ne restait plus que l’ISIE, nimbée du prestige du scrutin du 23 octobre, à laquelle nous nous accrochions comme les naufragés sur le « le Radeau de la Méduse ». Or, voici que cette dernière digue contre la désillusion révolutionnaire se fissure sous le poids du soupçon de malversation et que l’on entend, au loin, s’élever la voix de Trenet « Que reste-t-il de nos amours, que reste-t-il de ces beaux jours »…
Il est grand temps que la HAICA se mette au travail ; en effet, la haute autorité de l’audiovisuel a du pain sur la planche ; les règles déontologiques semblent pour l’instant le dernier souci de certaines chaînes de télévision qui n’hésitent pas à diffuser des émissions dignes de trôner dans des décharges publiques. Les attaques ad-hominem et les campagnes de diffamation visant des institutions et des entreprises sont orchestrées par des chaînes qui se fichent comme de l’an mille de l’impartialité et de la rigueur professionnelle : salir, rabaisser, diffamer et travestir forment la devise de ces maquis de la bassesse humaine. Pis encore, des apprentis terroristes sont invités par certaines chaînes pour exprimer leur considération pour l’œuvre humaniste de Ben Laden. L’autre jour, j’ai failli m’étouffer lorsque sur la chaîne Attounissia TV, un salafiste répondant au doux prénom de Bilal déclara son adhésion aux thèses de Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI) sans que l’animateur ni même les invités ne s’en émeuvent. Si la HAICA ne réagit pas quand on fait l’apologie du pire groupe terroriste qui sévit dans notre région, peut-être devrions-nous songer sérieusement, en tant que contribuables, à couper les vivres à une institution aussi budgétivore qu’inutile.
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