Par Sami Mahbouli
«Dialogue national-ci, Dialogue national là », on croirait entendre l’Opéra de Mozart « Les noces de Figaro » et plus précisément un de ses airs les plus connus « j’offre à chacun dans ma boutique nombreux remèdes spécifiques, Figaro-ci Figaro là, soyez sans crainte Figaro vous guérira ». Aucune question d’importance n’échappe désormais au sacro-saint dialogue et chaque institution entend bien avoir le sien : l’UGTT a son dialogue national, la Présidence a embrayé et l’UTICA vient d’inaugurer, cette semaine, son dialogue national pour la relance de l’économie. Si cela continue, la Tunisie qui a bien du mal, par les temps qui courent, à vendre quoi que ce soit, pourra exporter son savoir-faire en matière de dialogue national notamment dans des pays en panne de dialogue comme l’Irak, la Syrie, la Somalie et tant d’autres nations affligées. Quand bien même je reste acquis aux vertus du dialogue, je constate, qu’à ce jour, il n’a fait que le bonheur des traiteurs et des marchands de limonade auxquels incombe la lourde tâche de sustenter « Nos marathoniens du Dialogue » lors des inévitables pause-café ponctuant leur concours d’éloquence. A quoi tient l’inefficacité actuelle de ces grandes messes du dialogue ? Certainement au fait que de national, elles n’ont que le nom : on y invite souvent les mêmes et on laisse de côté des pans entiers de notre nation par paresse ou par manque d’imagination. Probablement à l’impréparation et à l’improvisation : monté en toute hâte et sans véritable réflexion préalable, le dialogue n’est souvent que l’addition de monologues débités par des suffisants et des sots. Comme toutes les modes, celle du « Dialogue national » passera en laissant derrière elle le souvenir du temps perdu à se disputer sur le sexe des anges alors que le toit de la maison Tunisie est sur le point de nous tomber sur la tête.
Il a beau se dédier à la dépossession extra judiciaire, Le juge Negib Henane, président de la Commission de la confiscation, a tenu, ces jours-ci, des propos d’une grande pertinence. Il est grand temps, selon lui, de clore de manière transactionnelle le dossier des hommes d’affaires soupçonnés de corruption sous Ben Ali ; il justifie cet impératif par la longueur des procédures et par l’impact désastreux de l’interdiction de voyage sur la relance de l’économie nationale. Ce n’est pas TUNISAIR qui va être mécontente de récupérer 400 très bons clients adeptes de la « Business class »… On apprend qu’il y aurait, en effet, 400 hommes d’affaires suspects d’avoir laissé traîner leurs doigts dans le pot de confiture et accessoirement dans celui du pot-de-vin. Inutile d’essayer de déterminer les critères scientifiques ayant présidé à l’établissement de cette liste noire car il n’y en a aucun ; peut-être qu’en cherchant du côté de la sorcellerie Vaudou ou des lecteurs du marc de café, un début de réponse poindra. Ce qui est plus gênant, c’est d’apprendre, qu’en réalité, les hommes d’affaires interdits de voyage ne se comptent plus que sur les doigts de deux mains et que la plupart d’entre eux ont su, habilement, se défaire de la déplaisante entrave. Seuls les petits poissons seraient encore dans le bocal faute de connaître les canaux des grands requins. « La Légende des 400 » ayant épuisé toutes les ressources de la crédulité publique, attaquons-nous aux choses sérieuses et notamment à la dégradation du climat d’investissement dans notre pays, annonciatrice de lendemains qui déchantent.
Un des phénomènes les plus intriguant de notre vie politique est la forte mortalité des partis politiques ; à quelques exceptions près, nous n’assistons qu’à des mises en terre et à des agonies qui s’éternisent. A peine sorti des limbes, voilà le parti Wafa menacé par la mort subite et promis à la brassière noire ; son ombrageux président, Me Ayadi, n’aura probablement pas le loisir de souffler la première bougie de son mouvement mais pourra se consoler en jetant un regard apitoyé sur l’état de son ancien parti, le CPR ; malgré la véhémence de ses derniers barons, on sent bien que le néant guette ce parti et que le Chant du cygne est pour bientôt. Par charité musulmane, je préfère ne pas aborder l’inévitable destin d’Ettakatol. Quant au naufrage du parti Aridha Chaabia, on devine que la qualité du timonier, l’ineffable Hechmi Hamdi, y est pour quelque chose…il n’est pas évident de barrer une embarcation mouillant près des côtes nationales à partir de Londres même si l’on a démontré, par le passé, de belles prédispositions à la brasse coulée et au plongeon en eaux troubles…
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