BLOC-NOTES

Par Sami Mahbouli

 

Depuis que la Tunisie a croisé sur sa route la Révolution, les manifestations d’un abaissement général n’ont pas manqué : incivisme généralisé, dégradation de notre cadre de vie, généralisation du « m’en fichisme » à tous les niveaux de l’Administration, explosion de la délinquance et du banditisme organisé. Il devient, décemment, de plus en plus difficile de glorifier ou de fêter ce qu’on se plaît encore à qualifier de « Printemps arabe ». Mais, quand le nivellement par le bas touche une de nos plus vénérables institutions, notre scepticisme vire à l’indignation. En effet, depuis près de 3 ans, la mosquée de la Zitouna est sous la coupe d’un individu singulier,  le dénommé Houcine Laabidi. Comment se fait-il qu’une institution aussi prestigieuse, vieille de plus de mille ans, et qui a formé des hommes comme Ibn Khaldoun, l’imam Ibn Arafa et tant d’autres illustres savants, puisse aujourd’hui être gérée par un ancien réparateur de télévision ? Comment ce temple du savoir musulman a-t-il pu être confié à un imam de seconde zone à la production intellectuelle inexistante ? Saviez-vous que l’imamat de la mosquée de la Zitouna a, de tous temps, été réservé à des hommes d’exception comme les cheikhs Qualchani, Mohsen, Bokri ou Chérif ? Par quel miracle, un individu comme Houcine Laabidi, déjà condamné  pour  voies de fait et qui ne connaît que le langage de la force et de l’outrance, a-t-il pu se hisser à un poste dont il est totalement indigne ? L’ayant  vu à l’œuvre dans le raid contre la bibliothèque de la Khaldounia, je n’ai été qu’à moitié étonné de voir cet individu louche se répandre en insultes contre Béji Caïd Essebsi au sein même de la vénérable mosquée de la Zitouna. Les épithètes et les insanités qui fusaient de ce qui lui tient de bouche étaient davantage celles d’un palefrenier en état d’ébriété que celles d’un imam à la tête d’un lieu aussi saint que la Zitouna. Depuis que l’Emir El Habhab au début du 8e siècle a commencé l’édification de cette vénérable mosquée, aucun de ses grands imams n’avait fait preuve d’autant de vulgarité et de online casino bassesse. Non content de s’immiscer dans la campagne présidentielle, au mépris de la loi électorale, ce fêlé intégral a harangué les fidèles présents en maudissant l’un des candidats et en moquant son grand âge. Si Moncef Marzouki pense grimper dans les intentions de votes avec des soutiens aussi compromettants qu’un Dghij ou un Laabidi, c’est qu’il n’a pas saisi que les Tunisiens ne mélangent pas les serviettes et les torchons et ne sont pas des adeptes forcenés de la tourbe langagière. Heureusement, l’ISIE a réagi assez promptement en saisissant le parquet afin qu’il enquête sur le discours de haine véhiculé par quelqu’un qui devrait fréquenter plus assidûment les psychiatres. Ceci étant, peut-on être pleinement satisfait ? La réaction du ministre des Affaires religieuses, Monsieur Mounir Tlili,  a été bien en deça de la gravité de l’offense : se borner à déclarer que Houcine Laabidi n’est pas à la hauteur de ses responsabilités est plutôt faible et l’on était en droit d’attendre une révocation de cette honte pour le corps des prédicateurs.

En fait, on doit l’impunité dont bénéficie cet ancien petit technicien à cette maudite Troïka, qui un beau jour de mai 2012, a eu l’idée géniale de conclure une convention entre l’État et la Zitouna aux termes de laquelle cette dernière a acquis une personnalité juridique  indépendante ; fort de ce statut, cet imam d’un genre insolite se considère au dessus des lois  au point de se permettre toutes sortes d’écarts verbaux et de se conduire comme un délinquant. Une convention n’étant ni sacrée ni intangible, Houcine Laabidi ne perd rien pour attendre et peut-être assuré que le prochain gouvernement veillera à la dénoncer et le renverra à ses premiers amours pour le tournevis et les antennes tordues.

avocatmahbouli@gmail.com

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