BLOC NOTE Par Sami Mahbouli

Par Sami Mahbouli

Nous le soupçonnions, nous le redoutions si bien que l’annonce faite par le chef du gouvernement n’a pas étonné outre mesure : la situation de nos finances publiques est catastrophique et il manque plusieurs milliards de dinars pour couvrir en 2014 les dépenses de l’État. Avoir su dresser un état des lieux sans complaisance est à l’honneur de monsieur Mehdi Jomâa ; ceci dit, nous sommes en droit d’exiger davantage et notamment la détermination des raisons de cette catastrophe et la désignation des véritables responsables. Mettre à genoux un pays est suffisamment grave pour qu’un doigt accusateur soit pointé sur les coupables de ce naufrage. La réalisation d’un audit de la gouvernance précédente répond ainsi à une double nécessité : morale, d’une part, car les Tunisiens ont le droit de savoir qui est derrière la faillite actuelle ; pratique, d’autre part, car elle facilitera la rupture avec les errements de la gestion passée. Sans préjuger du résultat final de cet audit, il ne faut pas être grand clerc pour considérer que la Troïka fut pour notre pays ce que furent les dix plaies pour l’Égypte ancienne ; en confiant les rênes du pouvoir et donc le destin du pays à une brochette d’incapables, la Troïka a plus fait, en deux années, de dégâts sur le plan économique et sécuritaire que Ben Ali en deux décennies. Avec une telle « Terka »*, on préférerait ne plus jamais compter parmi les ayants droit de la Troïka.

 

Un nouveau coup dur a été porté à l’Internationale islamiste suite à la décision du Royaume d’Arabie Saoudite de classer « Les Frères musulmans » comme organisation terroriste. La liste dressée par les autorités saoudienne n’est pas définitive et pourrait s’enrichir de toute entité qui apporterait son soutien, sous quelque forme que ce soit,  aux groupes extrémistes ou djihadistes qui sévissent dans le Monde arabe. Le simple fait d’exprimer une sympathie à l’égard de ces groupes peut valoir à son auteur une lourde sanction pénale. Pour l’instant, la filiale tunisienne des « Frères musulmans » n’est pas concernée par cette décision bien que l’on peut imaginer qu’à la moindre incartade son nom serait inséré dans ladite liste. Le bruyant soutien apporté à Morsi et aux siens et les incessants appels à la subversion en Syrie dans les médias proches d’Ennahdha pourraient finir par lui coûter très cher : après s’être donné tant de mal pour gagner en respectabilité sur le plan international et pour effacer le souvenir d’un passé parfois trouble, figurer sur une liste d’organisations terroristes établie par la plus influente nation arabe ne serait pas le signe d’une grande clairvoyance. 

 

Le spectacle qu’offrent ces jours-ci les avocats et les magistrats du pays est tout bonnement lamentable. Ce qui jadis était désignée comme la noblesse de robe se comporte comme de vulgaires palefreniers. Entre les mandats de dépôt bâclés à l’encontre d’avocats et les scènes d’émeutes aux portes d’un juge d’instruction, personne ne sort grandi de ce crêpage de chignon entre les membres de la famille judiciaire. Au lendemain de la Révolution, nous étions nombreux à espérer que la fin de la mainmise du pouvoir sur l’appareil judiciaire puisse conduire à instaurer un climat de coopération et de respect entre juges et avocats. Au lieu de cela, on a assisté à un regain des tensions corporatistes agrémentées d’accusations réciproques de plus en plus véhémentes. Au milieu de cette guerre fratricide, le pauvre justiciable subit le contrecoup de grèves à répétition préjudiciables à ses intérêts. Si l’indépendance de la magistrature doit servir de prétexte à la gabegie et au jusqu’au-boutisme syndical, les pouvoirs publics sont en droit de riposter par la mise en place d’un service minimum ; en effet, dans de nombreux pays avancés, le droit de grève dans le secteur des services publics est tempéré par l’instauration d’un service minimum ; que je sache, la justice est, par excellence, un service public et doit donc se poursuivre pour les toutes les affaires considérées urgentes comme les référés ou les comparutions immédiates.

avocatmahbouli@gmail.com

*héritage en dialecte tunisien

 

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