Boko Haram signifie littéralement «l’éducation occidentale est un péché». Ce slogan est adopté comme titre du mouvement terroriste radical installé au Nigéria, plus exactement dans les régions musulmanes du nord. Fondé en 2002 par Mohammed Yusuf, Boko Haram s’est surtout focalisé sur l’application de la charia, la loi islamique, dans tout le pays. Avec l’arrivée de Shekau à la tête du groupe en 2009, le mouvement a opté pour les attaques contre les populations civiles, chrétiennes et même musulmanes. Multipliant leurs opérations, ses partisans prenaient pour cible des églises, des mosquées et des symboles du pouvoir, mais aussi des écoles, des universités et des dortoirs, massacrant des élèves dans leur sommeil.
En mars 2010, les 85 lycées publics de l’État de Borno ont dû fermer pour une durée indéterminée, privant environ 120.000 élèves de cours. Plus de 200 écoles ont été détruites dans l’État de Yobe. L’escalade devait bloquer le développement de l’enseignement, dans cette région où l’analphabétisme des jeunes est très répandu. En juillet 2013, l’attaque du lycée de Mamudo, dans l’État de Yobe, avait fait 42 morts parmi les élèves et leurs enseignants que les assaillants avaient rassemblés dans un dortoir avant d’y jeter des explosifs et d’y mettre le feu.
Les jeunes filles étaient davantage visées. Estimant que «l’école occidentale est interdite par la religion, l’université est haram (interdite)», Shekau demanda aux femmes de retourner à leurs foyers et annonça l’éventuel retour de l’esclavage. Il déclara : «d’ici peu, nous allons attraper ces femmes et les vendre au marché. Danger, danger, danger!» avait-il martelé. Moins d’un mois plus tard, le 14 avril, 276 adolescentes étaient enlevées du lycée public pour filles de Chibok, dans l’État de Yobe, l’un des plus défavorisés du Nigeria en matière d’éducation.
Ce rapt s’inscrit dans l’idéologie obscurantiste du dirigeant Shekau. Fait surprenant, il se réfère à l’islam qui a pourtant recommandé «l’enseignement à l’homme et à la femme, même en Chine». Comment oublier cette dimension universaliste de l’enseignement que l’Islam a mise en valeur ? Comment ignorer l’amélioration de la condition de la femme par l’islam ? Rejetant les impératifs musulmans en matière d’éducation, des droits des femmes et la vision progressiste, de tels mouvements rétrogrades œuvrent pour un retour à la jahiliya, la restauration de l’ère préislamique. Assument-ils leur trahison des principes éclairés de notre religion ? Car le droit à l’enseignement ne saurait être remis en question. Ne serait-il pas plutôt recommandé de s’investir dans le progrès, de poursuivre l’œuvre d’émancipation, pour améliorer l’image de notre culture ? Peut-on oublier que l’enseignement est le socle de la renaissance ? Saluons cette mobilisation internationale, à l’appui du gouvernement nigérian, pour libérer ces otages et faire valoir le droit universel à l’éducation.
Souad Chater