Selon Sophie Bessis Bourguiba incarnait bel et bien l’État tunisien moderne. Toutefois ses méthodes de gouvernement affaiblissaient la République. À l’apogée de son règne, il a donné à la Tunisie une aura internationale au pays. La Tunisie était beaucoup plus connue que ne pouvait l’être un autre petit pays. La Tunisie ne retrouvera cette aura que pendant les quelques mois suivant le 14 janvier 2011. Bourguiba était un grand utilisateur de symbole, de la statuaire. En ce sens, les figures tutélaires de ce leader charismatique ont été un outil de communication qui lui permettait de se placer au-dessus de la mêlée. Bourguiba, en outre, n’a jamais été préoccupé par l’éthique politique c’est-à-dire que les fins qu’il s’était fixées ont toujours justifié tous les moyens, y compris les plus contestables. En l’occurrence, afin de fabriquer l’image d’un homme providentiel, hors du commun, il a toujours entrepris de rabaisser la plupart de ses compagnons et l’ensemble des acteurs du mouvement national. Bourguiba a construit seul la figure de l’homme providentiel. Dans ce domaine, sa stratégie de communication a été à deux facettes : la construction de sa propre image et l’effacement symbolique ou réel de l’image de ses concurrents potentiels ou réels.
Le porte-parole du parti Ettakatol, Mohamed Bennour, présent à ce colloque, disait que Bourguiba était non seulement un chef d’État, mais aussi un homme bâtisseur de la Tunisie moderne dont la réputation à l’international n’a pas d’égale aujourd’hui. Bourguiba était un symbole de la Tunisie nouvelle. Le legs de Bourguiba c’est surtout l’héritage des générations futures. Bourguiba, c’est le libérateur de la femme et en même temps le patriote. Aujourd’hui personne n’est choqué de voir des Tunisiens qui portent une nationalité européenne, y compris française, alors qu’à l’époque de l’Indépendance c’était considéré comme une trahison à la cause nationale. Les Tunisiens qui faisaient cela étaient considérés comme des traitres. Bourguiba lui-même avait demandé aux populations de manifester, d’interdire et de refuser qu’après leur mort ces citoyens soient ensevelis dans des cimetières musulmans. «La démarche de Bourguiba nous a tous marqués, même si on faisait partie de l’opposition centriste conduite à l’époque par Hmed Mestiri» rappelait-il.
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Mohamed Ali Elhaou