Selon Sophie Bessis Bourguiba était un orateur hors pair. Fort de son métier d’avocat et très vite convaincu de son propre talent, au début des années 30, lors de ses premiers grands discours il a constaté la fascination qu’il exerçait sur son auditoire et l’adhésion qu’il arrivait à remporter. En d’autres termes, son arme principale était la persuasion verbale qu’il a découverte lors du Congrès de Ksar Hellal, en 1934. Congrès lors duquel il fonde le parti du Néo-Destour en scission avec le «Vieux Destour» du cheikh Thâalbi.
Sa préoccupation était toujours d’être compris et d’emporter l’adhésion de ses récepteurs. Il a toujours joué de ce fait sur la pluralité des langues selon son public. Bourguiba n’avait aucun a priori, aucune posture dogmatique. Il s’est donc adressé à ses auditoires dans la langue la plus accessible en érigeant le dialectal en langue politique.
Sa force de leader charismatique résidait dans le fait qu’il était à son aise dans toutes les circonstances ou situations et face à tous les publics, savants comme populaires.
Le pédagogue
Cette posture pédagogique a été essentiellement utilisée après l’Indépendance. C’était une posture qu’il affectionnait et qu’il a beaucoup utilisée pour convaincre les Tunisiens du bien-fondé de son action et du système politique qu’il voulait civilisationnel. La période durant laquelle en effet il a excellé dans cette posture était celle de ses émissions hebdomadaires sur Radio Tunis pour convaincre les Tunisiens de la valeur de son projet de société et de la valeur de ses réformes. En ce sens, il essayait de rendre ses réformes accessibles au plus grand nombre. Il a usé de ce même registre pédagogique tout au long des années 60 pour persuader les Tunisiens du bien-fondé de la collectivisation de l’économie tunisienne, en particulier du secteur agricole, entreprise par Ben Salah, et ce jusqu’en 1967, année de sa maladie et début de son périple de santé.
Aussi sa pédagogie était saillante notamment lors de la libération des femmes. Sous cet angle, l’héritage de Bourguiba est inséparable de la condition des femmes en Tunisie. Bourguiba a été féministe. Selon le «Combattant suprême», la meilleure façon de modifier le société tunisienne commençait par le changement des conditions de vie des femmes.
Importe-t-il de rappeler que la sujétion des femmes fût un pilier de la société traditionnelle au sortir de la colonisation ? En opérant donc un changement de la condition féminine, Bourguiba était convaincu et a partiellement réussi à faire éclater les fondements de la tradition. Celle-ci a d’ailleurs résisté beaucoup plus qu’il ne l’aurait pensé. Aussi et cela est souvent oublié, Bourguiba n’est pas allé au bout de son projet de libération des femmes, car il négociait avec sa société. Autrement dit, il respectait les tabous de la société tunisienne dont il était relativement conscient et un fin connaisseur.
voir aussi:
4ème partie: Bourguiba, le chef d’État
5ème partie :Bourguiba, le père de la nation
Mohamed Ali Elhaou