Branle-bas judiciaire, crise politique, Ukraine, pénuries, cherté de la vie… : La Tunisie va mal

Branle-bas de combat dans les arcanes judiciaires ! La boîte de Pandore a été enfin ouverte et les secrets les plus cachés commencent à être percés. Le scandale des réseaux secrets d’envoi des djihadistes dans les zones de conflits armés en Syrie tient le haut de l’affiche et retient toutes les attentions en raison de son ampleur, de sa gravité et des arrestations en cascade. Une première liste porte une centaine de noms. D’autres sortiront des interrogatoires. De gros bonnets commencent à tomber dans les filets de la justice, des personnalités notoires, puissantes et intouchables jusqu’à récemment, des noms qui font encore frémir. Entre-temps, les prix flambent, les produits alimentaires manquent et la crise politique entame le dernier virage avant les Législatives dans un climat encore plus divisé et tendu. 

Il a participé et organisé l’envoi de djihadistes vers l’Afghanistan pour combattre contre l’armée de l’Union soviétique. Il est un témoin physique des péripéties du Printemps arabe et parle de Daech et des réseaux d’envoi des djihadistes vers la Syrie et vers l’Irak. Il affirme que 47 pays ont participé à cette opération, que les jeunes recrues rapatriées de divers pays arabes et occidentaux ont été entraînées en Turquie dans des zones fermées de préparation aux armes lourdes , que des financements colossaux venaient de divers pays pour financer ces opérations, que les Etats-Unis d’Amérique et leurs alliés occidentaux et arabes sont les artisans de ce qu’on appelle le Printemps arabe dont l’objectif était de destituer les puissants dirigeants de l’époque et de les remplacer par des leaders de l’islam politique, des membres de la multinationale des Frères musulmans. Lui, c’est un « Frère » égyptien, présenté dans une émission télévisée d’une chaîne koweïtienne, Al Shahed TV, comme le fondateur du mouvement djihadiste égyptien, un ancien détenu aujourd’hui repenti. Il témoigne à visage découvert, il ne craint plus aucune répression, il a payé sa dette, dit-il. 
Sur les ondes de Mosaïque fm, les témoignages d’anciens membres d’équipage de la compagnie aérienne privée Syphax, appartenant à l’homme d’affaires Mohamed Frikha sont glaçants en ce qui concerne la présumée implication de leur compagnie dans l’affaire du « Tasfir ». En substance, ils reconnaissent le transport entre 2012 et 2014 par leur compagnie de personnages « douteux » entre la Tunisie, la Libye et la Turquie. Ils prétendent que des cartes d’embarquement ne portaient pas de nom, que des bagages étaient interdits de fouille, qu’un de leur passager douteux a été refoulé par les autorités turques, etc. 
Le destin semble avoir tourné le dos au Printemps arabe. Ce séisme politique qui a ébranlé la dernière décennie 2011-2021 est en train de rendre son dernier souffle en Tunisie, là où il est né. L’Egypte, la Syrie et la Libye ont choisi de chasser l’islam politique par les armes, la Tunisie a choisi la force de la loi et la reddition des comptes. Les deux scénarios ont leurs points forts et leurs faiblesses. En Tunisie, après une décennie de règne des islamistes qui ont infiltré les partis politiques, l’Administration, la Police, l’Etat, la société civile, les résistances sont si fortes que l’ensemble du pays est bloqué, au bord de la banqueroute. Mais la Tunisie s’en sortira parce que la fin de l’islam politique est une revendication populaire et que l’échec des Frères musulmans au pouvoir est avéré dans tous les pays où ils sont passés. 
Le retour de manivelle est désormais un fait observé à l’échelle régionale et mondiale. La plus récente référence et preuve est le long entretien accordé par l’Emir du Qatar à l’hebdomadaire français Le Point du 15 septembre courant dans lequel il nie toute liaison ou alliance avec l’organisation des Frères musulmans (Ennahdha en Tunisie) ou la présence de membres de cette organisation sur le sol qatari. L’Emir dit la vérité parce qu’il a dû répondre ainsi à une condition égyptienne, saoudienne et émiratie avant de renouer avec eux après un boycott de plusieurs années. C’est aussi le cas du président turc Erdogan, l’autre protecteur et soutien des Frères musulmans et acteur du Printemps arabe, qui a dû revoir ses liens avec l’organisation islamiste et ses antennes afin de se rapprocher des pays du Golfe.

Les réseaux djihadistes devant la justice
L’histoire du « Tasfir » n’est pas une chimère. C’est un réseau international qui a bel et bien existé. L’embrigadement, la radicalisation puis l’envoi (payé) des jeunes Tunisiens pour combattre par procuration en Syrie et en Irak, dans une guerre qui n’est pas la leur, sont des faits réels et prouvés. Cette histoire dépasse les frontières nationales, mais la partie qui concerne l’enrôlement des jeunes Tunisiens est tunisienne, elle s’est passée en Tunisie via des relais institutionnels, associatifs et partisans tunisiens. La reddition des comptes doit se faire en Tunisie et elle a commencé. Inutile de nier, de minimiser, de manipuler, de contre-attaquer, d’induire en erreur l’opinion. Ce drame, tous les Tunisiens l’ont vécu dans leur chair et dans leur âme. Maintenant que la volonté politique est là, il faut faire toute la lumière sur cette affaire et monter des procès équitables qui rendent justice aux victimes et qui contribuent à apaiser les blessures des familles endeuillées et la mémoire collective. 
D’autres affaires de terrorisme, aussi graves et sans doute liées aux mêmes réseaux terroristes, dont les deux assassinats politiques, attendent aussi de voir la lumière et de réconcilier les Tunisiens avec leur récent passé. C’est à ce seul prix que la Tunisie pourra reprendre le chemin de la réconciliation, du travail, du développement et de la croissance.
Le tapage médiatique, la sollicitation des chancelleries, les hospitalisations et les campagnes de dénonciation de l’Exécutif accusé de persécuter ses opposants à chaque fois qu’un dirigeant nahdhaoui est mis en garde à vue ne convainquent plus personne parce que les Tunisiens et les partenaires étrangers de la Tunisie savent ce qui s’est passé. Mais personne ne pipe mot parce que ces affaires doivent être étouffées, elles relèvent du Top confidentiel. Pas pour Kaïs saïed qui a promis à ses partisans et à ses électeurs que justice sera rendue et qu’aucun crime commis par un Tunisien contre son propre pays et contre ses compatriotes ne restera impuni. Mais il avance sur un terrain miné. Au moment où il est une cible pour les puissants réseaux aux bras longs qu’il somme la justice de poursuivre, il doit mener à terme son projet politique dans un climat de large controverse et trouver des solutions urgentes à la cherté de la vie, aux pénuries alimentaires et au ras-le-bol social. Or la conjoncture mondiale se corse et les prochains jours, semaines et mois s’annoncent plus rudes pour tous les pays en raison de la guerre en Ukraine qui s’enlise et se complique. 

Le monde va mal
Le monde va mal. Les peuples vont mal. Il y a des colères dans les rues. Des voix s’élèvent en Europe pour appeler leurs concitoyens à protester contre la cherté de la vie, les pénuries et les sombres perspectives hivernales en termes de crise énergétique. 
La Tunisie aussi va mal et la situation de cherté, de pénuries, d’incapacités à répondre à tous les besoins des Tunisiens ne doit pas être appréhendée de manière détachée de ce qui se passe dans le monde et des impacts désastreux de la guerre sur les économies des pays et sur les conditions de vie des peuples. 
La conjoncture en Tunisie est cependant encore plus compliquée en raison de la crise politique, de la fracture entre Kaïs Saïed et un large pan de la classe politique et de la détermination de celui-ci à aller jusqu’au bout de son programme politique sans en partager le moindre détail avec qui que ce soit à l’exception de quelques proches «privilégiés» parmi ses partisans. C’est dans ce climat tendu qu’a été publiée le 15 septembre la tant attendue loi électorale. Le décret présidentiel n°55 a amendé la loi organique relative aux élections et aux référendums, précisé les nouvelles règles de jeu et tracé les contours du futur paysage politique qui sera issu des prochaines élections législatives du 17 décembre prochain. En substance, le scrutin retenu est celui uninominal à deux tours et le nombre de députés a été baissé à 161 dont 10 représentant les Tunisiens de l’étranger. C’est au niveau des critères d’éligibilité que le tour de vis a été actionné. 
Tout candidat devra présenter un B3 « propre », doit être en règle avec le fisc, être parrainé par 400 habitants de sa circonscription dont la moitié, des femmes. Les restrictions deviennent synonymes d’exclusion pour les binationaux qui perdent leur droit de se porter candidat en Tunisie aux législatives en plus de la Présidentielle. Cette restriction fera bouger des vagues de contestations, même si certains lui trouvent une explication : « Ceux qui ont gouverné après les événements de 2011, qui ont entretenu des liens très étroits avec les chancelleries et facilité l’ingérence étrangère sont pour la plupart des binationaux ». 
En effet. Mais l’explication n’est pas une justification. 
Porter une autre nationalité n’est pas un crime et au rythme où va l’émigration des compétences, un jour la Tunisie souhaitera leur retour pour diriger ses institutions et veiller à leur bonne marche. 

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