Cachés & heureux

La Côte nord du Cap Bon n’a plus de secret pour personne, paraît-il ! Chaque fois que nous commençons à l’évoquer, tout le monde s’éclaffe : « On connaît » ! Nous n’en sommes pas si sûrs et nous vous invitons à nous suivre vers les 4 à 5 kilomètres de littoral compris entre « Port Prince » et « Oued El Abid ».

À l’est de port prince

Nous n’avons pas du tout l’intention de nous arrêter sur la plage de Port Prince. Chaque fois que nous y allons, nous déplorons l’abandon du « fort » qui domine la plage. Il a fait les beaux jours de « privilégiés » à l’époque du ministre Ben Salah. Puis, il a été abandonné. Certes, les matériaux de construction : un grès tendre, se délitent peu à peu, d’autant plus vite que les murs ne sont pas entretenus. Pourtant, n’y a-t-il vraiment rien à faire de ce bâtiment et de ce site ? La route, l’eau et l’électricité y parviennent. Pendant deux à trois mois, à ses pieds, les véhicules, les remorques, les canots, les tentes de plage et les parasols s’installent dans un désordre indescriptible. Les gens, clients potentiels, y viennent donc et souvent restent là plusieurs jours. Un « gîte » avec quelques chambres à louer, une guinguette qui débiterait des boissons fraîches, des cafés, des plats simples du type salades, grillades et pâtes pourrait fonctionner de juin à septembre. Le reste de l’année ? Nous le suggérons un peu après.

A partir de la plage de Port Prince, une grande piste « prend » à proximité de pans de murs, qui ont dû être une maison de plage, et s’éloigne vers l’est en s’élevant au sein d’un maquis qui se dégrade en raison du surpâturage des troupeaux de chèvres.

Cette zone et le petit oued qui arrivait naguère sur la plage était sous la protection d’une réalisation internationale : le « Wet Med Coast » qui souhaitait protéger le site, à l’instar des lagunes de Korba, de l’embouchure de l’Oued El Abid, et des côtes humides de la Méditerranée présentant un grand intérêt écologique. Cela aurait pu être le point de départ d’un « développement durable ». Hélas, étant donnée la qualité de la gestion de l’Agence de protection et de l’aménagement du littoral, tout est en train de disparaître à jamais, au grand dam du pays.

Naguère de riches vignobles croissaient là. Le grand chai en pierres abandonné, à proximité, en est la preuve. Les vignes ont été arrachées, comme si des vignes à vin ne pouvaient pas être remplacées par des vignes à raisins de table. Les maigres récoltes de céréales, que produisent ces terres maintenant, imposent aux propriétaires d’avoir des troupeaux de chèvres qui dévorent le maquis. La terre, qui n’est plus protégée par la végétation, finit dans la mer à chaque pluie et … la zone se désertifie, pour toujours.

Les plages cachées

Cependant, cette grande piste qui va vers l’Est longe une côte très peu fréquentée. Elle est constituée de petites criques de sable séparées par des caps rocheux. Peu de gens s’en approchent parce que, du haut, on ne voit que les lignes de récifs pointus qui terminent les caps rocheux. Mais si on va vers le bord, on constate la présence des plages au pied de petites falaises.

Souvent, une ou deux barques sont tirées sur le sable. Un filet, mis en tas, y sèche. Parfois, une petite cabane y a été bâtie. Puis, on constate que l’érosion a creusé dans ce sol relativement mou de « petites « vallées » qui permettent de descendre jusqu’à la plage.

À moins d’un kilomètre de la foule de Port Prince et sur plus d’un kilomètre, de petites criques se succèdent, offrant la possibilité de s’isoler, même si la baie précédente baie est déjà occupée. La piste, en bon état, n’est jamais loin du bord de la falaise. Le « portage » des bagages n’est jamais pénible.

Une fois installé, on ne le regrette pas. Les récifs offrent des oursins et de beaux poissons pour les amateurs de pêche à la ligne : petites daurades, marbrés et, parfois, vives venimeuses, au début de l’été. En septembre, de grosses daurades, des mulets et des loups, après un coup de vent, mordent à l’appât. Véliplanchistes et plongeurs s’amuseront bien. Cette côte a été habitée dans l’antiquité. La mer, qui monte et avance, ronge des vestiges d’habitations masqués par le sable envahissant venu du continent. Des débris de poteries couvrent les dunes. Les amphores et les meules à grains, récupérées en plongée, racontent des naufrages anciens.

Sur ces plages désertes, personne ne vous empêchera de jouer au ballon. Aucun grincheux ne se plaindra de la fumée d’un barbecue. Jusqu’au soir et même durant la nuit, la plage vous appartient.

La soirée

Pendant les douces soirées d’été, quand l’air tiède est calme et que la caresse des vaguelettes sur le sable n’est plus qu’un murmure, les stridulations des cigales et des grillons, dans les bouquets de pins qui embaument sur la berge, rythment un immense apaisement de toute la nature. La lune étend une longue traînée d’argent sur la mer aussi calme qu’un lac.

Au loin, retentit le battement assourdi et régulier d’un moteur marin que signale un petit point lumineux vert ou rouge. De temps en temps, le cri éraillé d’un oiseau de mer invisible trouble le silence. Parfois, d’étranges luminescences s’épanouissent quelques instants dans les flots obscurs. Les pattes d’un crabe qui court sur le sable font fuir de minuscules brillances en soulevant des gouttelettes d’eau que la lune fait scintiller. Dans le petit foyer qui a servi à préparer le thé ou le café, une braise achève de se consumer, s’effondre et projette une gerbe d’étincelles qui pétillent. On peut rester ainsi paisiblement une grande partie de la soirée et même de la nuit.

Les autres loisirs

Cette côte, exposée plein Nord, peut ne pas être très appréciée par les baigneurs, les jours de vent mais toutes les « glisses » à l’aide du vent pourraient y être pratiquées après la saison estivale. Le matériel pourrait être éventuellement loué, rincé, dessalée et entreposé dans le « fort » de Port Prince qui aurait ainsi une clientèle régulière. Celle-ci pourrait se régaler des moules produites par l’élevage voisin. Puisque les pêcheurs locaux ramènent régulièrement du poisson, plongeurs et photographes sous-marins auraient de quoi manger, sans compter les gastronomes.

Port Prince a toujours été un haut lieu de la pêche sous-marine. Puisque nous en parlons, que ce soit à la canne du bord, ou pourquoi pas en barque, – elles sont là sur le sable ! – au large, les amateurs trouveraient de quoi être satisfaits. Une fois de plus, l’éventualité de ne pas avoir à s’encombrer de la glacière du pique-nique, puisqu’on trouverait à manger et à boire au « fort », serait agréable. Cette belle bâtisse, qui ne sert à rien ni à personne, à l’instar de celle qui est vandalisée à Oued El Abid, jouerait le rôle de « base de départ » ou de point de rencontre et d’aboutissement de randonnées à pied ou à V.T.T., tout à fait possibles et intéressantes dans cette région agréable, au relief peu marqué en bordure de mer.

Tous ceux qui n’aiment pas « rôtir », immobiles, allongés, sur le sable brûlant, à l’ombre chaude mais courte d’un parasol, peuvent, en arrivant tôt, même en été, parcourir quelques kilomètres à pied ou à V.T.T. avant de se baigner.

Marcher tranquillement, se baigner, nager, plonger, pêcher paisiblement, pique-niquer sereinement, éventuellement faire une petite sieste et une nouvelle marche courte en après-midi, parfois prendre le temps de jouir de la fraîcheur de la soirée, n’est-ce pas suffisant pour remplir une belle journée ?

 

Alix Martin

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