Caisse nationale d’assurance maladie: Raisons de la récrimination

L’afflux ininterrompu d’affiliés à la CNAM prolonge le temps de l’attente avant l’accès aux guichets.
Pour ces retraités, l’outrage de l’âge ajoute son charme indiscret à l’extrême nervosité. Sans doute, pour exorciser le démon de l’impatience, de la fatigue et de l’ennui, la palabre fleurit parmi ces personnes réunies.
Destinés à passer le mauvais quart d’heure, les propos logent souvent, à l’étage du « bavardage », ce « discours sans vie » selon Heidegger.
D’abord, l’auto-service d’ordre tâche d’appliquer la loi aux amoureux du passe-droit : « Attendez un peu, tous ceux-la sont avant vous ». En dépit de l’ambiant peu propice à la gentillesse, des mots polis font aussi partie de la série : « Prenez ma place madame, ne restez pas debout ». Mais outre ces formulations coutumières, de temps à autre, prospère un dialogue moins dénué d’intérêt :
– « les gens sont devenus trop nombreux et la caisse est vide. Alors ils vous renvoient de bureau en bureau pour vous décourager. L’affiche placardée sur la porte réclame de venir seulement jeudi pour les réclamations. Et elle explique cela par le trop grand nombre de gens venus réclamer. C’est de la folie, car il faudrait, au contraire, que le bureau des réclamations soit tous les jours ouvert pour limiter les bousculades ».
– «  Mais les affiliés aussi ne sont pas des oiseaux du paradis. A qui la faute, si la caisse n’a plus assez d’argent ? ! Les riches devraient payer les soins de leur poche. Pourquoi viennent-ils embêter les autres ? ».

Le rang des prophètes
Voici donc une idée sans doute à méditer. Plusieurs professeurs, possesseurs de leur demeure pourraient songer à ce propos de l’indigné. Sans, pour autant, pavaner parmi les milliardaires ils auraient, néanmoins à partager le grand gâteau par la prise en charge de certains soins médicaux. Des pilules à cinquante dinars tous les trois mois ne vont pas déséquilibrer leur confortable budget. Au moment où sombrait le « socialisme destourien », Bourguiba disait : « en lui-même, il est une bonne chose mais pour inféoder l’intérêt particulier à l’intérêt général il faudrait figurer parmi le rang des prophètes ».
Parfois le combattant suprême arbore les airs du penseur suprême. Et cela n’en déplaise aux goujats, experts dans l’art de paraître censés-savoir.
Une discrimination positive réserverait la prise en charge collective aux situés au-dessous d’un certain seuil financier. Une pétition de gens aisés, paraphée pour oser proposer une limitation de l’inégalité par leur contribution personnelle au sauvetage de la CNAM, justifierait le prix Nobel accordé à la Tunisie pour le dialogue et le compromis, vertus fondatrices de la démocratie. Alors, « messieurs qu’on nomme grands » pourquoi égayer la bousculade face à la caisse mise en difficulté ? Parmi les élucubrations des affilés rassemblés, il y aurait à boire et manger. Mais la référence à la priorité méritée par les moins aisés, cligne vers la cerise campée sur le gateau de la crise.
A chaque pas réapparaît le propos lié au lugubre tableau. Le sept novembre, monsieur Zaalane, mon proche voisin, propriétaire d’une entreprise de tourisme saharien bichonne son engin tout terrain. Il me dit : « Ça ne va pas. Ils auraient dû élire Néjib Chebbi. Sur les quarante voitures de mon parc automobile, je garde treize et je mets les autres à la vente. Il m’est arrivé d’emmener en tournée deux touristes seulement et cela pour essayer de continuer à galérer sans dire non.
Depuis la Révolution et les attentats, les dépenses dépassent, de loin, les gains ».
La récession outrepasse toute localisation régionale ou sectorielle. Sécurité sociale, individus, entreprises, groupes et société globale tous mènent, à la fois, un drôle de combat. Quant à l’idée véhiculée ça et là au sujet de l’Etat, n’en parlons pas. Face à l’école primaire d’El Manar 1, située à la rue de Carthagène, une flaque d’eau attire les sarcasmes de passants et les gène. Le 9 novembre, vers 21 heure, un promeneur désigne ce liquide boueux et engage le dialogue avec l’homme affairé à déverser quelques déchets métalliques dans la poubelle publique :
« Cette guelta est là depuis l’été. Où est l’Etat. L’argent des gens est jeté par terre ».
« Nous, nous avons vécu et bien vécu, Dieu merci. Mais les jeunes qui commencent à vivre maintenant n’ont pas choisi le moment de leur naissance ».
Une conclusion aurait à clôturer cette investigation.
La saisie au vol de pareille discussion, élude un véritable inconvénient. Les méthodologues le désignent par l’expression « situation test ». Le sollicité pour une interview annoncée fournit, parfois, des versions peu spontanées. Il énonce, alors, des propos supposés correspondre aux attentes subodorées chez l’intervieweur.
Serait-ce un indiscret, un mouchard ou un inquisiteur ?

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