Canons à obus et à boulets

A l’ère de la colonisation, les canons à boulets ne pouvaient rivaliser avec les canons à obus. Ce décalage technologique, raison de l’invasion, opposait des moyens de combat disproportionnés. Projectile métallique, tiré par unité, le boulet laisse l’avantage sans partage, à l’obus et à sa répétition accélérée.
Hors de la province occidentale, ce passage du canon à boulet au canon à obus fut bloqué par l’intervention armée des pays mieux et plus outillés.
Dès lors, l’humanité, clivée entre dominants et dominés, oblitère une même aptitude au progrès accaparée par la somme des ainsi pris pour des surhommes. Dans ces conditions, les deux genres de canon lèguent le marqueur de l’ample transformation vécue par la civilisation à l’échelle universelle. En l’an 1944 et vers la fin de la guerre mondiale, des belligérants abandonnent, entre Hammam-Lif et Saint-Germain, les types d’obus les plus sophistiqués. Remplis d’une charge poudrière, ils explosent et brisent les engins blindés après les avoir percutés. J’avais une dizaine d’années et l’un de mes copains, nommé Daâloul, fit les frais de nos jeux dangereux. Pour détacher l’obus de son tube, il le cogne sur une pierre afin de récupérer la poudre agglomérée.
L’obus explose et le gavroche, déchiqueté, part en lambeaus dispersés. Au moment où la procession funéraire emportait la dépouille, une Italienne hèle et remet la rotule tombée sur le toit lors de la déflagration.
Nous sommes la génération des canons et c’est pourquoi le musée militaire aménagé au palais de la Rose, à la Manouba, nous parle avec ses tableaux de canons.
Aujourd’hui, à travers la mémorisation, nous vomissons les tirs de mortiers israéliens sur les civils palestiniens.
Entre autres victimes innocentes, Zahr Haniyeh, sœur d’Ismaïl Haniyeh, tombe avec neuf membres de la même famille sous la frappe génocidaire de la haine israélienne. Pendant ce temps, la CPI condamne l’ancien ministre russe de la Défense avec un second larron. Poutine réagit par l’interdiction à 81 chaînes occidentales d’accéder au territoire de la Russie. A première vue, la mesure paraît farfelue tant l’information, même biscornue, serait toujours bonne à décoder.
Mais en seconde lecture, semblable décision dévoile une profonde signification. Prétentieuses, tendancieuses, unilatérales, hargneuses, certaines de ces chaînes exhalent un effluve malsain. D’où provient ce côté crétin ? Sa rétrospective historique projette un vif éclairage sur l’actuelle perspective. Depuis le mépris subi dans les camps de concentration nazis, des militants juifs, telle Anna Harendt, engagent un vaste processus d’accès au sommet des pouvoirs américains et européens. Aujourd’hui, ces positions acquises permettent aux puissants lobbys d’influencer les politiques et les médias de maints pays au premier rang desquels figurent la France, l’Allemagne, l’Angleterre et surtout, les Etats-Unis. De nos jours, face aux atrocités génocidaires, les campus bouillonnent contre ce parti pris sanguinaire.
La réaction suggère à Netanyahu l’évocation du risque existensiel, pour Israël, au cas où il ne poursuivrait pas la guerre jusqu’à l’éradication du Hamas. Hélas, pour un combattant ciblé, plusieurs autres militants prennent le relais. Et maintenant, à Remada, au moment où la mitraille abat le soldat, un parti politique annonce présenter un candidat aux prochaines élections à organiser au sommet de l’Etat. Le 28 juin, Ali Bayouli me dit : « Ils changent de burnous mais ce sont les mêmes ».
L’intitulé appliqué à cette formation politique, « Espérance et réalisation », paraît beaucoup trop accrocheur et bête pour être un tant soit peu honnête. Apparu sur le tard, après de si beaux déboires, ce canard cancane-t-il pour nos amis revanchards ?
Dans « L’histoire du Maghreb », Abdallah Laroui évoque la « malchance d’avoir dû accepter l’Islam ».
Transposé à l’actualité, ce propos deviendrait : « La malchance d’avoir dû subir les avatars de la facheuse décennie noire ».

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