Cap Bon: Les fortifications du promontoire des dieux

Pour visiter les forts du cap Bon, souhaitez-vous commencer à l’Ouest par Pupput et Hammamet ou préférez-vous aller au bout du « Promontoire des Dieux » à Ras Dreck ?

Au cours de cette promenade, quelles que soient l’origine, l’extrémité et même l’étape intermédiaire : Kélibia, sans doute, vous trouverez d’excellents restaurants, à même de satisfaire toutes les bourses et tous les goûts.

Ras Dreck

Partons des sources de l’histoire. A la pointe de Ras Dreck, au-dessus de la plage d’El Haouaria, un mamelon roux couronne le cap. C’est le seul fort punique du pays. Cet édifice rectangulaire, contenant cinq citernes, semble être le « donjon ». A ses pieds, accrochées à la pente, des constructions, dotées d’une porte dissimulée dans un angle, abritaient sans doute les logements des occupants ? Il semble être davantage un poste d’observation, de guet, qu’un ouvrage défensif. Ses occupants ont-ils été témoins du débarquement des troupes romaines de Regulus en 256 avant J.C. ? Ont-ils assisté à l’incendie de la flotte d’Agathocles le tyran de Syracuse en 310 avant J.C. ? La brise marine iodée et les parfums du maquis environnant peuvent seuls répondre !

Un peu plus haut sur la pente de la colline, se dresse un petit fort moderne qui semble dater des XVIIIe ou XIXe siècle. Ses murs, surmontés de merlons pointus sont percés de meurtrières. Au sommet de l’édifice, une terrasse semble avoir porté des canons. Lui aussi n’était, sans doute, en son temps, qu’un poste d’observation en relation avec le fort de Kélibia.

Le bouclier de carthage

Kélibia / Aspis / Clipea antique offre un mouillage protégé des vents du Nord redoutables et « prend à la gorge » le canal de Pantelleria. La ville antique était au pied d’un éperon rocheux dominant la mer. Mais de multiples attaques imposèrent la construction d’une nouvelle cité à l’intérieur des terres.

Déjà, les Syracusains d’Agathocles puis les Romains de Regulus l’attaquent et la détruisent. La cité est détruite, en 146 avant J.C., en même temps que Carthage punique. Les vestiges de plusieurs pans de murs, englobés dans la forteresse musulmane, permettent de restituer le tracé pentagonal de l’enceinte, en pierre de grand appareil, renforcée de tours de la citadelle antique.

Après la reconquête byzantine de 533, un fortin a été édifié, en gros blocs empruntés aux vestiges antiques. Il sera le dernier refuge de l’armée byzantine battue à Carthage en 698 par les Arabes qui prirent aussi Pantelleria en 847 (Pantelleria est l’italianisation du nom arabe : Bent El Rih : la fille du vent !).

Les Aghlabides transformèrent le fortin byzantin en ribat abritant des ascètes chargés de la surveillance des côtes et de l’encadrement des troupes locales.

Dès le XIe siècle, les Normands de Sicile prennent le fortin pour guerroyer contre la Tunisie septentrionale. En 1112, les Zirides reprennent la ville et y construisent une puissante forteresse qui fournit encore son tracé à la citadelle actuelle. En 1147, Roger II de Sicile échoue à briser la résistance du fort.

Au XVIe siècle, les Ottomans et les Espagnols y livrent bataille.

Au XVIIe siècle, le Dey Osta Mourad (1637-1640) renforce encore cette base de corsaires. La flotte française vient la bombarder en 1669 et en 1671. Mais au XVIIIe et au XIXe siècles, la citadelle est laissée à l’abandon.

Les coloniaux français lui rendent son importance que les troupes allemandes, durant leur campagne d’Afrique, ont parfaitement comprise.

Actuellement, la citadelle, monument historique, a fière allure avec ses courtines, de 10 à 12 mètres de haut, renforcées de tours dont les pierres taillées ont acquis une magnifique patine dorée.

Interlude

Sans doute, l’escalade de la colline de Ras Dreck puis la descente vers le petit barrage et le village, vous a-t-elle « cueilli à froid » ! Aussi avez-vous certainement « zappé » le site de Kerkouane, qui n’est pas vraiment sur votre route, et celui, plus petit mais très intéressant, de Demna. Mais maintenant, prenez votre temps et profitez de votre passage pour … déjeuner ou pique-niquer. N’oubliez surtout pas d’aller siroter un verre de thé ou de café au pied de la citadelle en « dégustant », face à l’Est, le spectacle des flots céruléens miroitant au soleil et des maisons blanches de la ville cascadant vers le rivage.

Puis, le long de votre dernière étape, profitez, là aussi, du spectacle. La plage de sable de la Mansoura, la lagune turquoise de Tafekshit, en eau, presque toute l’année et coupée par les vestiges d’une chaussée romaine comme celle de Korba, un peu plus loin, les guirlandes de piments, frais et rouge vif, secs et pourpres, suivant les saisons, la magnifique villa coloniale : « Roja », devenue un centre de vacances pour les jeunes, et même les vestiges du mausolée de Sidi Othman, détruit par des bar…bares incultes ou les tombeaux puniques de Ksar Essad transformés en « décharges », tout mérite votre attention.

Ensuite, la côte devient plus riante : l’architecture particulière de Korba, la zone ornithologique « protégée », la Maamoura, au loin, les collines boisées de Somaa, la ville de Nabeul qu’on reviendra voir, une autre fois, les jardins, les grands arbres bordant la route, au Nord, les collines boisées, très menacées par une urbanisation galopante issue d’Hammamet et nous arrivons.

La forteresse d’hammamet

La ville s’appelle-t-elle ainsi en souvenir de grands vols de pigeons qui y vivaient ? Ou bien est-ce en raison des vestiges de bains antiques ?

De l’antiquité, seuls quelques pauvres arpents de terre abritant de menus mais somptueux, vestiges de Pupput, ont échappé à la rapacité des promoteurs d’hôtels et de tourisme de masse. Que reste-t-il aujourd’hui de leurs réalisations mirifiques ?

Ksar El Hammamet médiéval était certainement un ribat. Au XIIIe siècle, sous la dynastie hafside, Hammamet était le chef-lieu du Cap Bon malgré les attaques des Chrétiens. La médina aux rues étroites, pour mieux se défendre, est restée petite. Elle a été entourée d’une enceinte dès l’époque aghlabide. Il n’en reste, faute d’entretien, que des vestiges et deux portes bardées de fer : Bab El B’har et Bab El Souk.

La citadelle a connu un sort meilleur. Fondée en 893, elle a été agrandie sous les Hafsides. Les progrès des armes à feux ont imposé d’importantes réfections aux XVIe et XVIIe siècles. Au XVIIIe siècle, les Ottomans y entretiennent une « bonne artillerie » et des janissaires.

De nos jours, elle a l’aspect d’un cube de 50 mètres de côté, flanqué de quatre saillants aux angles. Une porte unique, surmontée d’une bretèche, ouvre sur un couloir coudé. Au milieu de la cour entourée de cellules et de magasins, s’élève le mausolée de Sidi Bou Ali, volontaire d’une « guerre sainte » du XVe siècle. Les courtines de 12 mètres de haut et de 6 mètres d’épaisseur, surmontées de merlons sont très belles. Elles sont en terre pilonnée renforcée par un mur en moellons maçonnés. Les quatre saillants sont des plate-formes d’artillerie.

Dressés sur l’azur du ciel ou illuminés la nuit, les forts du Cap Bon, vestiges d’un passé glorieux et belliqueux rappellent aux visiteurs que l’histoire du pays est très ancienne, qu’elle plonge ses racines dans une « berbérité » encore méconnue que la jeunesse estudiantine actuelle devrait étudier davantage pour mieux comprendre le présent.

A.M.

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