Khalil Zamiti
Avec l’appareil secret, maintenant traqué, la justice resserre l’étau juridique et politique sur le Mouvement de la tendance islamique. Le dégel de ce dossier impulse une ample diffusion médiatique.
Une fois le risque parvenu à son paroxysme pour les nahdhaouis, pourquoi ne réagissent-ils pas comme il se doit, par la guerre civile, mille fois brandie contre les manières de l’adversaire.
L’étrange retenue et la patience inattendue clignent vers deux occurrences nimbées de vraisemblance.
L’une fut explicitée par Ghannouchi lors de l’ultime entretien tenu avec Abou Iyadh, le baroudeur prêt à dégainer : il serait préférable de patienter car pour l’instant, « la Police et l’Armée sont contre nous ». La seconde raison repose au fond du pot pourri gardé par les tenants de l’hégémonie nahdhaouie.
Ainsi, interviewé le 2 juin, Ahmed Laaouani, directeur de la « Société d’études et de réalisation agricoles et hydrauliques » me dit : « Si la Garde nationale et l’Armée demeurent la cible privilégiée de l’activisme terroriste, c’est parce que les Frères n’ont pas réussi à les infiltrer ».
Le jour-même où ce propos fut recueilli, Hamma Hammami annonce la grande alliance montée à l’assaut de la consultation vouée à son autodestruction. Cependant, avec Sadok Belaïd sur un plateau de la balance et Hamma Hammami sur l’autre, lequel ne pèse rien à l’aune du soutien espéré des citoyens ? Au moment où il affirme dégager, très bientôt, le Carthaginois, ce « fasciste », par « la rue », l’homme d’extrême gauche assiste, médusé, à la chute libre de sa popularité.
Débranché de l’objectivité, son parti pris, perlé de bouffonnerie, interpelle ce vers de Baudelaire, dans le poème titré « Les litanies de Satan » : « Ô Satan, prends pitié de ma longue misère ! »
L’incurie de Hammami fut au principe de cet avis : le gauchisme donne à voir la maladie infantile du communisme. Transposée aujourd’hui en Tunisie, Annah Arendt remue l’épine enfoncée par Lénine quand le gauchiste psychorigide adopte le parti pris de Ghannouchi en matière d’opposition systématique à la consultation publique.
La théoricienne du « système totalitaire » soulève les trois questions posées, maintenant à propos de l’accès des faux-curés au sommet de l’autorité : « Que s’est-il passé ?
Pourquoi cela s’est-il passé ? Comment cela a-t-il été possible ? »
L’irruption d’Ennahdha, artisane de la nakba, au sommet de l’Etat, provient de cela : chevaucher la répression subie, surfer sur la crédulité populaire, manager son affaire et capitaliser l’ingérence étrangère.
Mais alors, quel enseignement théorique et pragmatique pourrait léguer ce passé abhorré ?
Il ne suffit pas d’élire, comme le croit le célèbre tenant du juridisme borné, sans garde-fous politiques, aptes à prévenir la dérive par où les sbires arrivent. Bourguiba perçoit cela. Telle apparaît la piste ratée par les multiples espèces d’opportunistes. Ils focalisent leurs élucubrations sur « le moins important » et occultent « le plus important », la confrontation du bourguibisme à l’islamo-conservatisme.
Taboubi esquisse un appel du pied à ce dernier par sa réclamation d’un « dialogue inclusif » pour atteindre un sauvetage définitif. Ghannouchi agite le spectre de la guerre civile et Taboubi dégaine l’arme, estimée par lui radicale, de la grève générale.
Pareil excès ignore l’histoire de l’UGTT. Le docteur Élie Cohen-Hadria, éditorialiste à « Tunisie socialiste » et l’un des chefs historiques de la SFIO qualifie de météorite Mohamed Ali El Hammi.
L’UGTT n’est plus ce qu’elle fut dès l’instant de la séparation avec le Destour guidé par le grand combattant. Alors, il n’y a plus de météorite, n’en déplaise au tenant des prétentions.