Le coronavirus est désormais passé au stade d’une pandémie selon la dernière classification de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). La Tunisie, dans ce contexte, a revu à la hausse la vigilance, pour atteindre le niveau 2. Que signifient ces mesures ? Où en est-on avec le coronavirus ? Autant de questions qui ont été abordées avec le Directeur de l’hygiène et de la santé de base au sein du ministère de la Santé, Docteur Chokri Hamouda.
Dans une déclaration accordée à Réalités Online ce jeudi 12 mars 2020, il a affirmé que la Tunisie est à la première phase du niveau 2 de la vigilance, et qu’il était tout à fait possible de passer au 3ème niveau. La classification tunisienne comprend 4 niveaux de vigilance :
- Niveau 0 : aucun cas
- Niveau 1 : des cas importés et isolés
- Niveau 2 : des cas importés réunis en groupements (dont le nombre est inférieur à 2) avec une transmission communautaire
- Niveau 3 : Nombre de groupements atteignant 3
- Niveau 4 : mise en quarantaine d’une ou de plusieurs régions du pays
Coronavirus : un comportement difficile à anticiper
Le coronavirus, nous explique encore Chokri Hamouda, est un virus « particulier » et « persistant ». « Nous ne savons pas encore tout sur son comportement. Nous sommes donc en train de le découvrir. Il est vrai que le nombre de cas est en train de diminuer généralement. Or, il faut arriver à prévoir ce qui va se passer après la maladie. Des anticorps seront-ils produits ? Le virus disparaîtra-t-il de l’organisme ? Seul le temps pourra apporter des éléments de réponse », a-t-il expliqué.
Il poursuit en affirmant que le coronavirus possède, comme tout autre virus, deux principales caractéristiques. Tout d’abord, en termes de contamination directe, il n’est pas plus actif que d’autres virus comme la rougeole – 1 cas pouvant infecter une vingtaine de personnes contre 6 au maximum pour le coronavirus -. Néanmoins, le coronavirus est capable de persister dans l’organisme. En effet, poursuit Docteur Chokri Hamouda, il s’étend sur la phase pré-maladie, maladie et post-maladie précoce. C’est, justement, cet élément qui explique la prolongation du phénomène. Autrement dit, la contamination dure dans le temps.
Risque de mutations et de changements
Au niveau de la gravité, il faut tenir compte de plusieurs facteurs selon le Docteur. Outre le virus lui-même, le terrain dans lequel il est susceptible de se développer est crucial. « Le coronavirus va essayer d’assurer sa survie. Certains prévoient sa disparition en été. Or, avec l’alternance des saisons, il est possible qu’il puisse se « réveiller ». Si cela arrive, on risque de ne pas le reconnaître car il risque de changer. C’est une fonction à plusieurs variables. En janvier dernier, les premiers séquençages ont été entamés. Ce n’est pas encore le cas pour les prochains. De fait, les scientifiques veulent savoir si le virus, en quittant la Chine et en touchant d’autres individus ayant un code génétique différent, va changer », a-t-il encore noté, ajoutant que c’est un virus particulier qui n’a pas encore dévoilé ses secrets. « S’il contamine d’autres mammifères, le risque de mutations augmente », a-t-il encore précisé.
Mais alors, que faut-il faire dans ce contexte ? Selon le Directeur de l’hygiène et de la santé de base, la prévention est de mise, et elle passe essentiellement par le lavage des mains. Il existe, ensuite, l’isolement. « Il ne faut pas céder à la panique, même si le virus est persistant », a-t-il assuré. Interpellé, également, sur les déclarations contradictoires du ministre de la Santé, Abdellatif Mekki, et et de la Directrice générale de l’Observatoire des Maladies nouvelles et émergentes, Nissaf Ben Aleya, Chokri Hamouda a souligné que tous les deux avaient raisons. « Le ministre a raisonné en tant que médecin-clinicien. Quant à la Directrice de l’OMNE, elle a raisonné sous un angle académique. Seulement, chacun doit expliquer ce qu’il veut dire », a-t-il expliqué.
La vigilance est de mise vis-à-vis de la Libye
D’autre part, Chokri Hamouda a été interpellé sur l’absence de données sur le coronavirus en Libye. Il existe, effectivement, un manque de données compte tenu du contexte politique particulier. En tout état de causes, des mesures de prévention ont été prises et elles sont appliquées depuis ce jeudi 12 mars 2020. « Le poste frontalier a été avancé. Ainsi, les ambulances venant de la Libye ne passeront pas tant que le cas qu’elles transportent n’est pas identifié. Ce sont des précautions à prendre pour protéger la Tunisie », a-t-il expliqué.
Il faut donc comprendre que la situation, malgré sa complexité, ne doit pas provoquer la panique.
Le Docteur a, aussi, souligné le rôle capital des politiques dans la lutte contre le coronavirus. « Toutes les parties prenantes au débat – syndicat, politiques, pouvoirs publics – doivent se réunir autour de la même table afin de trouver des solutions. Le politique doit intervenir lorsqu’il faut prendre une décision avec des considérations systémiques et non linéaires. Ils doivent être courageux tout en restant rationnels, ce qui leur permettra de prendre des décisions avec une approche systémique pour l’intérêt de la nation », a-t-il conclu.