Nous n’avons pas encore fini d’inventorier l’impact du limogeage du gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie sur l’économie de notre pays et sur son image sur les marchés internationaux, qu’une nouvelle démission et non des moindres, survient. Il s’agit de la démission du ministre des Finances, Houssine Dimassi. Une deuxième administration qui s’est trouvée dans l’incapacité de suivre la politique du gouvernement actuel.
L’ex-ministre ne pouvait plus suivre son travail à cause de certains conflits qui l’opposaient au gouvernement, notamment en ce qui concerne l’indemnisation des bénéficiaires de l’amnistie générale. «Nous allons affronter la pire crise depuis l’indépendance. Nous avons eu deux graves crises déjà, une à la fin des années 60 avec l’expérience des coopératives et une au milieu des années 80, après 1986. Et voilà la troisième maintenant qui risque d’être pire que les précédentes» a averti M. Dimassi. Ce dernier n’aurait pas trouvé de solution pour dissuader le gouvernement, notamment à propos des indemnisations des prisonniers amnistiés, que de démissionner. Avec cette démission, il espère pousser le gouvernement à changer de position et penser plus patrie que parti. Le projet de loi d’indemnisation des prisonniers amnistiés, s’il est appliqué incessamment, ne pourra qu’aggraver la situation de crise du pays qui n’arrivera probablement pas à payer ses dettes l’année prochaine. La démission du ministre des Finances intervient après trois conseils ministériels débattant de ce projet de loi. Après le dernier conseil, selon M. Dimassi, il a été convenu qu’une avance sera donnée prochainement aux amnistiés. Et c’est là que M. Dimassi a démissionné. Faisant référence aux propos du chef du gouvernement, M. Hamadi Jebali, lors de sa dernière interview accordée aux trois chaines de télévision, et qui a donné l’impression que les deux hommes ne parlaient pas du même pays.
M. Jébali est, lui, assez confiant de la situation économique du pays et il a même défendu le projet d’indemnisation des prisonniers amnistiés (il faut rappeler que lors du 9ème congrès du mouvement Ennahdha, les nahdhaouis ont insisté sur la nécessité de mettre en œuvre l’amnistie générale et de compenser tous ceux qui ont souffert des préjudices infligés par l’ancien régime), alors que M. Dimassi s’appuyant sur des chiffres, était moins confiant voire inquiet sur la situation économique du pays, non seulement pour cette année mais pour les deux prochaines qui, selon lui, seront plus difficiles puisque le pays sera amené à payer un taux plus élevé des dettes. Le déficit budgétaire a atteint les 6,6%. Si l’on ajoute les indemnisations des prisonniers amnistiés et les cotisations de ces derniers aux caisses de la sécurité sociale durant toute cette période aussi, imagine-t-on le montant des dépenses occasionnées ? Selon M. Dimassi, si l’on considère le premier chiffre annoncé des prisonniers amnistiés qui seront indemnisés, soit 12 000, cela pourrait dépasser un milliard de dinars de la caisse du contribuable. Ce qui est plus important dans la démission de M. Dimassi, c’est que celle-ci porte des accusations sur le gouvernement de la Troïka. Ce gouvernement qui n’a encore appliqué aucune mesure mentionnée dans la loi de Finances complémentaires validée il y a des mois. «Nous avons pris des décisions aux conseils des ministres et ces décisions n’ont pas été appliquées. Il y en a même qui sont inscrites, noir sur blanc, dans la loi de Finances complémentaire, comme c’est le cas de la compensation» et ce pour des raisons électorales.
En effet, le gouvernement ne veut pas contrarier le peuple en augmentant entre autres le prix du carburant pour ne pas exacerber la tension sociale. Selon M. Dimassi, cette augmentation du carburant aurait allégé la caisse de compensation qui a usé de toutes ses réserves.
Même les 700 millions de dinars qu’a réservé le ministère des Finances pour venir au secours de certains imprévus, ont été utilisés dans la compensation.
Et ce à cause des prévisions mentionnées dans la loi de Finances, qui tablaient sur un prix de Baril de 110 dollars alors qu’actuellement il est à 117 dollars.
Pis encore la loi de Finances a prévu une réduction des compensations d’une valeur de 380 millions de dinars, mais cela n’a pas été fait. Finalement, le gouvernement n’a pas exécuté la loi de Finances 2012 validée par l’ANC. Sans oublier que les projets d’investissements programmés pour résorber le chômage et dynamiser le développement régional n’ont pas été entamés à cause entre autres, toujours selon M. Dimassi, de la complexité des procédures des marchés publics. Finalement il ne reste rien de la loi de Finances 2012.
Najeh Jaouadi