Célébrer l’environnement : Robinson dans les Mogod

Connaissez-vous le djebel Louka et la belle plage de sable qui s’étire à ses pieds ? Ils sont situés entre le littoral et la route joignant Bizerte à Sejnane, à 5 kilomètres environ de Kef Abbed et à une dizaine de kilomètres de Cap Serrat. C’est un lieu privilégié … à notre avis.

L’installation
A l’orée d’un bois d’eucalyptus, dans un petit champ d’oliviers, deux maisonnettes basses, distantes d’une centaine de mètres, se dressaient le long d’une piste agricole.
Nous y avons fait connaissance d’un couple âgé, désolé d’avoir vu leur seul fils abandonner la maison construite pour lui et aller s’installer en ville avec femme et enfants : la joie des grands-parents !
« Voulez-vous nous la louer ? ».
Elle est vide et il faut la remettre en état.
Nous nous chargerons de tout !
A ton gré (ala kifek). Et ça nous fera de la compagnie.
Repeindre l’intérieur, l’extérieur, les boiseries a pris un mois. En même temps, l’électricité a été rétablie. La pompe du puits a remis « l’eau courante ». Les trois pièces ont été équipées d’un lit, d’un petit tapis et d’un matériel de camping léger. La douche et les « toilettes » ont été nettoyées. La cuisine « astiquée », notre « gîte rural » était prêt à nous recevoir. La petite véranda, en façade, ouvrant sur le « jardin » planté d’oliviers et clos d’un vague grillage, nous a vu pendre une « crémaillère » joyeuse. Nos deux hôtes n’avaient pas entendu chanter depuis longtemps.
Quoi faire à partir de cette maison ?

La plage
A moins d’un kilomètre, la route mène à une plage de sable peu connue. En automne-hiver, nous y avions rencontré des « mordus », venus de Bizerte, pêcher au surf casting de grosses daurades. Une canne longue et « raide », un gros nylon de 70% – la nuit, le poisson ne voit pas le fil ! – une « douille » métallique pour fixer la canne dans le sable et des clovisses ou des moules, à peine cuites, pour appâter. Parfois, un grelot en tête de canne pour prévenir qu’un poisson est pris, pendant qu’autour d’un bon feu de camp, on boit, on mange, on rit, même quand le poisson ne mord pas.
En été, la plage est très agréable. Dans le bord raide de la dune, une tâche bistre avait attiré notre attention. Le sable y était très humide. Une brindille y a été enfoncée, et … un filet d’eau douce s’est écoulé ! En laissant un bidon se remplir lentement, en plein soleil, on avait une douche bien chaude avant de repartir !
La plage ! Déserte le plus souvent, au point que nos amis y venaient en 4×4, jusqu’au bord de l’eau ! Nous nous y installions, sous une toile soutenue par des piquets plantés dans le sable et, aux baignades succédaient des parties de … ballons, des marches sur le sable ou dans l’eau, d’autant plus difficiles que la profondeur est plus grande. Les siestes ou les bavardages suivaient les repas froids ou chauds, bercées par la brise marine iodée ou les souffles parfumés par les pinèdes et les garrigues méditerranéennes.
La plage, très peu fréquentée, est traversée régulièrement par de petits troupeaux de chèvres ou de bovins locaux dont on ne voit jamais les bergers. Une fois, un jeune bœuf, distrait sans doute, a piétiné une serviette. Je me suis précipité vers lui pour le chasser. Il m’a chargé sur quelques pas. Ces animaux sont tellement petits que je n’ai eu aucune peine à empoigner ses cornes et à lui faire baisser la tête jusqu’à avoir les naseaux dans le sable. Après quelques secondes d’hésitation, il a reculé et il est parti.

Dans le ciel
Dans l’azur, de grands oiseaux blancs aux ailes bordées de noir planent : des cigognes la plupart du temps, quelquefois un vautour percnoptère reconnaissable à sa queue pointue. Les Mogod sont le « pays des cigognes ». Les lignes de collines, parallèles au rivage, empêchent l’écoulement des eaux vers la mer et créent des marécages dans chaque combe. Grenouilles aujourd’hui, moustiques et paludisme, hier, y proliféraient. Cigognes de se régaler ! Sur tous les pylônes électriques, sur tous les toits, elles bâtissent leur nid. Parfois, au printemps, des aigles de Bonnelli se livrent à des joutes aériennes pour délimiter leur territoire.
Le soir, sur la véranda, préférant la clarté douce d’une « lampe – tempête » à la lumière crue d’une ampoule électrique, pendant que nous déjeunions bercés par les glapissements des chacals et les aboiements des chiens, une chouette, l’oiseau « sage » d’Athéna et même parfois un « moyen-duc », aux « oreilles » de plumes dressées, venaient se poser sur la balustrade, à 2 – 3 mètres de nous. Avez-vous remarqué qu’ils volent et se posent sans le moindre bruissement, que leur tête, aux grands yeux dorés, peut pivoter presque à 180° !
Je passais de longs moments à « écouter le silence », en observant les tactiques de chasses aux insectes des geckos qui sortaient des fissures du mur. Ils s’approchaient presque imperceptiblement des papillons de nuit, attirés par la lumière de ma lampe, et les « gobaient » en une fraction de seconde.
Régulièrement, j’étais réveillé par les abois de mon chien. Il se précipitait dans le jardin – la porte restant ouverte la nuit pour qu’il puisse sortir – et en chassait les sangliers en maraude.

La campagne
Le silence et la quiétude caractérisent ces collines. Le coucou, pourtant farouche, venait se poser sur les arbres du jardin. Souvent, une caille « appelait » : à quelques mètres de mes fenêtres.
Dans les champs, une perdrix venait traîner une aile, soi-disant cassée, sous le nez du chien qu’elle entraînait loin de sa nichée, immobile, invisible dans son duvet mimétique, presque à nos pieds.
En avançant sans bruit et sans chien, nous arrivions à surprendre les tourterelles migratrices nourrissant leurs oisillons au nid. Ils vont chercher dans la gorge de l’adulte un lait blanc, nourricier. Aventure de printemps ! Voir jaillir, sous le nez du chien, une perdrix dont les piaillements soulignent le vrombissement de ses rémiges rousses ! Devoir recevoir dans ses jambes le chien glapissant de peur, poursuivi par une laie : il s’est approché de ses marcassins !
On se toise, immobile, silencieux ! Elle hérisse les longues « soies » de son dos, elle souffle et … s’en va. On se retrouvera à l’automne, quand la chasse sera ouverte !
Les premières grosses pluies auront fait surgit les bolets bruns, les « oronges » qui semblent des œufs durs, les girolles dorées, les grandes lépiotes à faire griller immédiatement sur un feu de brindilles et les lactaires délicieux qui verdissent quand on les casse et « crachent » un jus couleur carotte. Aux passereaux et aux magnifiques papillons printaniers succèdent les canards sauvages et les bécasses d’automne. Les neiges hivernales remplacent les tapis de fleurs : nacrées celles des myrtes, dorées celles des calycotomes, blanches celles des asphodèles, rose indien celles des lauriers. L’odeur des mousses et du bois brûlé dans les cheminées se substitue aux aromes balsamiques des pins et des eucalyptus, mais, toute l’année, les collines des Mogod sont agréables et accueillantes.

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