Après bon nombre de polémiques et autres débats houleux au sein de l’hémicycle et de la société civile, la loi électorale a finalement été votée le 1er mai. Puis, le 7 mai, les membres de l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des Lois (IPCCL) ont prêté serment devant le Président provisoire Moncef Marzouki. L’occasion de faire le point sur certains articles qui suscitent encore la controverse.
L’article 23 relatif à la parité
L’article 23, qui devait faire la part belle à la parité horizontale, défendue principalement par le groupe démocrate et Ettakatol, n’a pas été retenu. Samir Taïeb déclare «le refus de la parité horizontale est anticonstitutionnel puisque l’article 46 de la Constitution stipule que l’État œuvre à réaliser la parité entre les hommes et les femmes dans les conseils élus». Cet article de la loi électorale concernant la représentativité des femmes et des jeunes dans les listes pour les futures élections législatives a donné lieu à de nombreuses contestations.
Souad Abderrahim, élue indépendante sur les listes d’Ennahdha, a souligné que la parité verticale était déjà acquise et qu’il fallait renforcer davantage la représentativité des femmes afin de parvenir à une parité réelle. Au-delà des clivages concernant cet article, il en va du respect même de la Constitution : cette dernière stipule en effet, via son article 46, que les hommes et les femmes sont représentés de manière égale au sein des institutions de la nation. «L’État s’engage à protéger les droits acquis de la femme, les soutient et œuvre à les améliorer. L’État garantit l’égalité des chances entre la femme et l’homme pour assumer les différentes responsabilités et dans tous les domaines. L’État œuvre à réaliser la parité entre la femme et l’homme dans les conseils élus». Une fois encore, certaines lois passent à travers les mailles du filet constitutionnel. Concernant la parité verticale, si elle n’est pas respectée par un parti, ce dernier devra s’acquitter d’une amende, mais ne sera en rien disqualifié. Est-ce donc cela les valeurs de la République ? Ne pas respecter la loi en s’acquittant d’une modeste amende qui laisse la porte ouverte à de plus grandes infractions ? L’État souhaite imposer la parité, mais ne réprimande pas les récalcitrants, laissant penser que la parité n’est peut-être pas si nécessaire qu’elle le parait. De surcroît, comment imposer aux différents partis politiques des femmes sur leurs listes électorales, si ces derniers ne souhaitent pas en prendre ? Dès lors, rien ne pourra les empêcher d’exclure volontairement des femmes.
De plus, la représentativité des jeunes, qui devait consacrer un jeune de moins de 30 ans dans les 3 premiers de la liste, a été réduite à un jeune de moins de 35 ans parmi les 4 premiers de la liste.
Vote des Tunisiens de l’étranger et des agents de la sûreté nationale
Malgré les appels provenant des Tunisiens de l’étranger, le découpage territorial en vigueur aux élections d’octobre 2011 est maintenu. Il s’agit donc de six circonscriptions, à savoir France 1 et 2 Allemagne, Italie, Amériques et reste de l’Europe, pays arabes et reste du monde. Concrètement, le nombre de sièges pour les circonscriptions à l’étranger, la représentativité des Tunisiens hors de Tunisie (en nombre de sièges) est plus faible, ce qui est contraire à l’égalité entre les citoyens mentionnée dans la Constitution. En Allemagne par exemple, la liste électorale est réduite à un seul et unique siège. Rappelons un chiffre : 1,2 million de Tunisiens vivent actuellement à l’étranger, ils seront donc appelés eux aussi aux urnes, mais à l’heure actuelle, nul ne sait comment cela va se dérouler. Dès lors, comment garantir l’égalité des citoyens devant la loi et la possibilité pour tous d’exercer de la même manière le droit le plus primordial, celui de voter ? Interrogé par Réalités, Moez Bouraoui, président de l’Atide (Association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections), précise qu’«actuellement, personne n’a une idée précise de comment va se passer les votes des Tunisiens à l’étranger et nous savons pertinemment que le droit des Tunisiens ne s’appliquent pas de la même manière dans tous les pays étrangers, ce qui est tout à fait normal». Il met en exergue qu’ «il va être difficile d’assurer le bon déroulement du processus électoral à l’étranger donc on se demande quel serait le degré d’objecter ces élections à l’étranger» et appel à la méfiance «en vue de l’expérience du 23 octobre, de nombreuses infractions ont été commises et auraient dû être annulées» puisque «la nouvelle loi électorale n’a pas corrigé les lacunes de celle de 2011.»
Au sujet des militaires et des agents de la sûreté nationale, ils sont exclus par la loi électorale de toute participation aux élections. Une fois n’est pas coutume, cet article vivement décrié remet en cause la Constitution du pays en interdisant à toute une partie de la population de participer à la vie politique pour la simple raison que leur profession leur impose un droit de réserve. Pour autant, il est bon de préciser que la Tunisie n’est pas l’Égypte où par exemple l’armée joue un rôle important en politique. La Tunisie n’est pas et n’a jamais été une dictature militaire et l’armée s’est très vite rangée du côté du peuple afin d’en protéger les intérêts pendant la Révolution. Est-ce donc juste de priver de leurs droits civiques une partie des fonctionnaires ?
Inès Aloui