Combien de partis politiques, en Tunisie, ont défendu bec et ongles la transparence et se disent de fervents défenseurs de ce principe ? Tous. Seulement, la réalité est toute autre. En consultant le rapport de la direction générale des comptes publics du ministère des Finances, on ne peut que s’interroger sur la bonne foi de ces partis politiques qui ont, depuis 2011, tout bonnement volé l’argent public. 5 millions de dinars : c’est la somme que les partis politiques perdants lors des élections de l’Assemblée Nationale Constituante (ANC) de 2011 et des législatives de 2014 doivent aux caisses de l’État. C’est ce qu’affirme le rapport de la direction générale des comptes publics du ministère des Finances dans un document obtenu par I Watch.
Au total, selon l’ONG, ce sont 72% des listes électorales qui n’ont pas restitué à l’État l’aide financière destinée à la campagne électorale, soit 1487 listes sur un total de 2065. Le document obtenu par I Watch évoque la période entre 2011 et novembre 2016. Or, la loi oblige les partis politiques ayant obtenu moins de 3% des suffrages à rembourser l’État dans les 10 jours suivant les résultats définitifs des élections.
Un détournement de 3,5 millions de dinars en 2014
Les élections législatives de 2014 ont battu des records. Au total, ce sont 5,2 millions de dinars qui ont été accordés à 1149 listes. Le rapport du ministère des Finances affirme que 69% de cette somme n’ont pas encore été restitués, soit 3,5 millions de dinars… Plus surprenant encore : toujours selon le même document, 82,7% des listes électorales n’ont pas régularisé leur situation auprès des recettes des finances, malgré la clarté du texte de loi 2014-16 relatif aux élections et au référendum. L’article 78 oblige chaque liste participante au scrutin, ayant obtenu moins de 3% des suffrages au niveau national ou local, à rembourser les sommes dues à l’État. Seulement, aucune précision sur les délais de remboursement n’a été fournie par le texte.
Une lacune comblée par le décret 2014-2761, relatif à la définition du plafond des dépenses pour les campagnes électorales. Le texte appelle les listes ayant remporté moins de 3% des voix à effectuer le remboursement dans un délais de 10 jours, après l’annonce des résultats officiels du scrutin. En cas de non respect de cette règle, le code de la comptabilité publique accorde au ministère des Finances le droit d’obliger les non-payeurs à restituer l’argent aux caisses de l’État. Et pourtant, rien n’a été fait.
1,5 millions de dinars volés en 2011
Concernant les élections de 2011, I Watch, s’appuyant sur le même document, affirme que près de 916 listes électorales ont profité d’une subvention de 3 millions dinars. 58,9% de ces listes n’ont pas remboursé l’État, soit une somme de 1,5 millions. Or, l’article 53 du décret 2011-35 du 10 mai 2011, relatif aux élections de l’ANC stipule que chaque liste ayant obtenu moins de 3% du suffrage doit procéder au remboursement.
Selon I Watch, le ministère des Finances affirme que les receveurs des finances ont rencontré plusieurs problèmes dans le cadre du remboursement des sommes dues à l’État. L’institution déplore le manque de clarté de plusieurs têtes de listes, qu’elles soient indépendantes ou qu’elles appartiennent à une coalition. Conséquence : difficile pour le ministère des Finances de savoir à qui s’adresser. Plus grave encore : le ministère déplore l’indisponibilité des personnes concernées, dont certains sont à l’étranger.
Détournement de fonds publics
Des affirmations qui laissent perplexe. Cela fait six années que les mauvais-payeurs jouent au chat et à la souris avec l’État et tentent de se faufiler entre les mailles du filet d’un pays qui souffre d’un déficit budgétaire sans précédent. Il s’agit bel et bien d’un « détournement de fonds publics« , mais les partis politiques, quels qu’ils soient, doivent enfin assumer leurs responsabilités. D’ailleurs, ils n’ont même pas daigné publier leurs rapports financiers, exception faite de Afek Tounes. Le jeu est clair : faire semblant de s’intéresser aux intérêts des citoyens à l’approche des échéances électorales, détourner l’argent de l’État, donc le contribuable, pour financer des campagnes électorales surréalistes et mener la belle vie en toute impunité, face à l’impuissance de l’État.
MFK