Cette “Démocratie” promise !

« La société démocratique est une société valorisant l’égalité,
une société ouverte et méritocratique »
(Alexis de Tocqueville*)

Qu’elle est laide notre jeune démocratie ! Défigurée, souillée, entachée par tant d’atteintes à la dignité humaine et aux lois et règles d’une société éduquée, civilisée, assoiffée de libertés. Dans une inertie complice, coupable, vile et lâche. La jeune et fragile démocratie tunisienne perd ses moyens et sa boussole devant tant de déraisonnement, d’incongruité, de clochardisation de la sphère politique et celle du pouvoir.
Il n’y a qu’à observer le Parlement en action, une foire d’empoigne, pour vérifier ce qui précède et pour s’interroger sur ce qui reste du projet démocratique lancé une décennie auparavant dans la ferveur des libertés retrouvées. La première séance plénière de la deuxième session de la mandature en cours a été, pour le moins qu’on puisse dire, un spectacle apocalyptique, une insulte à tous les électeurs qui ont cru un jour que ces hommes et ces femmes, ils sont 217, pouvaient les représenter devant Dieu et ses hommes, qu’ils étaient dignes du bulletin de vote glissé dans l’urne. Une honte à ceux qui ont sollicité, certains plus d’une fois, la confiance des Tunisiens pour les représenter à l’ARP et qui l’ont trahie, certains parce qu’ils ne sont pas dignes d’être élus et les autres parce qu’ils sont faibles et lâches devant l’inadmissible.
Honte à vous, Mesdames et Messieurs les députés. Les insultes de Seïfeddine Makhlouf vous salissent tous, une à une, un à un, sans exception, aucun de vous n’en est sorti indemne, avec toute sa dignité et son prestige. Pouvez-vous encore sauver l’honneur du Parlement tunisien ? Ou, plutôt : que reste-t-il encore à sauver de votre Parlement ?
Rabinder Singh, premier juge sikh à accéder à la Haute Cour de justice en Angleterre – on a tout à apprendre des sociétés démocratiques occidentales -, a dit un jour : « A la base, la démocratie est considérée à juste titre comme un système dans lequel tout le monde compte et chaque personne compte autant que l’autre. C’est l’idée fondamentale de l’égalité. Lorsqu’un citoyen abuse de son droit à la liberté d’expression, comme dans un cas de propos haineux, et qu’il brime ainsi le droit d’un autre citoyen à participer à la société démocratique, il s’attaque au cœur de ce qu’est une démocratie ». Nous reconnaissons-nous dans cette définition ? Sûrement pas.
Dans nos murs, la démocratie est désormais le prétexte qui justifie tous les abus, les dépassements, les fautes et les incompétences des plus puissants. Entendre par là, les nouveaux gouvernants, les nouveaux maîtres.
Ce pourquoi toutes les lignes rouges ont été dépassées à l’ARP, sans que personne réagisse, dans le bon sens.  On reproche tout ce qu’elle fait et tout ce qu’elle dit à la présidente du PDL, mais qui parmi les députés fait mieux qu’elle ? Au mieux, ils ne font rien. Même quand la dignité et l’honneur d’une femme sont foulés devant leurs yeux par un mâle en furie. Beaucoup de députés ne méritent pas leur statut ni leur immunité parlementaire. Ils n’ont même pas conscience que par leurs actes et leurs propos, ils enfreignent la Constitution qu’ils sont censés respecter à la lettre. Un exemple ? Quand Makhlouf rétorque : « C’est ce que mérite une femme qui ne respecte pas les hommes ».  Bourguiba doit se retourner dans sa tombe en écoutant cet avocat illuminé.
La nouvelle session parlementaire a très mal démarré, Et l’on se demande si l’on devra supporter plus longtemps cette hystérie parlementaire. On en appelle aux plus sages d’entre eux de mettre un terme à cette mascarade et surtout de prendre conscience que ce qui se passe sous l’hémicycle les engage tous sans exception et les condamne. Et qu’ils devront en répondre, tôt ou tard, devant les Tunisiens.

*Tocqueville, philosophe français
du 19e siècle (1805-1859)

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