Cette loi qui divise les Tunisiens !

La loi sur l’immunisation de la Révolution continue à susciter le débat en Tunisie. Si elle est votée, ce sont quelque 60000 personnes qui seront privées de participer la vie politique pendant des années. Un coup terrible porté à la démocratie.

 

Malgré le report de l’examen article par article de la loi sur l’immunisation de la Révolution par l’ANC, jusqu’à l’achèvement du débat général sur la Constitution, l’Union pour la Tunisie (UPT) a maintenu son sit-in organisé le 29 juin devant le siège de la Constituante.

Quelque 5000 personnes étaient là. C’est peu si l’on compare ce nombre aux prévisions des leaders de l’UPT, lesquels tablaient sur une mobilisation de 10.000 à 15.000 personnes. Mais la présence des représentants des principaux courants de l’opposition et de de la société civile était significative pour la symbolique, à savoir le refus de cette loi considérée comme une «exclusion et une punition collective.»

Les différents leaders de l’UPT, dont Taieb Baccouche, Néjib Chebbi et Samir Bettaieb ont été unanimes quant à la condamnation d’une loi qui «risque de diviser les Tunisiens». En effet, si elle est votée, ce sont quelque 60000 personnes qui seront privées de participer à la vie politique pour au moins cinq ans. Seront touchées par cette sanction : les anciens responsables du RCD, les membres des gouvernements de l’ancien régime et ceux qui ont appelé à la réélection de Ben Ali. 

Le débat était houleux à l’Assemblée, le 27 et le 28 juin, concernant la loi d’immunisation de la Révolution, entre ceux qui la considéraient comme un mal nécessaire afin de barrer la route au retour des représentants de l’ancien régime sur la scène politique et ceux qui y voyaient un prétexte pour éliminer des concurrents potentiels lors des prochaines élections. 

 

Clivage au sein de la Troïka

Le report de l’examen de cette loi signifie-t-il une tentative de la part de la Troika de gagner du temps, en attendant le meilleur moment pour la faire adopter, sachant que le contexte actuel du pays ne s’y prête pas, surtout après le choc créé par le départ du Général Ammar ? Possible. Mais il y a aussi un autre élément de taille : ladite loi ne fait pas consensus au sein de la Troïka. Dans l’interview accordée par Moncef Marzouki à Iyadh Ben Achour, samedi 29 juin, le président de la République a considéré que «cette loi aurait du être proposée et adoptée juste après la Révolution, sa présentation n’a plus aucun sens dans le contexte actuel». Pour  lui : «nous devons éviter tout ce qui provoque des montées de tensions et de conflits, les Tunisiens ont plutôt besoin de facteurs consensuels pour se rassembler et s’unir et non de points conflictuels qui font monter les tensions et les divisions.» 

Mieux, le courant modéré au sein d’Ennahdha n’est pas non plus d’accord pour son adoption, d’après les dernières révélations de Souad Abderrahim, au journal Attounissia. La députée d’Ennahdha à l’ANC a déclaré que certains leaders de son parti sont contre la loi et que d’autres émettent des réserves. Elle a, par ailleurs, ajouté qu’elle a le sentiment que Rached Ghannouchi «serait en train de chercher une issue à cette question». Ce dernier avait déjà appelé à revoir certains aspects de loi, en diminuant le nombre de personnes concernées. 

Mais les divisions concernant la loi ne concernent pas uniquement la Troïka, elles s’étendent aussi à l’opposition. La lutte intestine à l’intérieur de l’UPT pour  la candidature à la présidentielle fait en sorte que certains seraient contents de voir éliminer des concurrents  potentiels, en vertu de la loi sur l’immunisation. «Sinon comment expliquer la faible mobilisation durant le sit-in de 29 juin ?», note Hamadi Redissi, politologue et membre du comité élargi de Nidâa Tounes.

Reste que Béji Caid Essebssi, président de ce parti, s’est montré, dans plusieurs de ses déclarations, confiant sur le fait que la loi ne passera pas.  

Certains observateurs estiment, de leur côté, que même si elle était adoptée par l’ANC, elle porterait des modifications qui atténueraient ses effets.

H.Z.

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