“Chacun pour soi” et le peuple décidera souverainement

Lundi 3 novembre : pendant le week-end, Rached Ghannouchi s’est encore entretenu, séparément, avec Mustapha Ben Jaâfar et Slim Riahi. Toutefois il semblerait que le complot, ou du moins “l’arrangement”, qu’avaient préparé quelques candidats à la présidentielle ait fait long feu. En tout cas l’un des membres, à savoir Néjib Chebbi, a entamé sa propre campagne électorale dimanche 2 novembre au cours de l’émission “Sur la route de Carthage” sur Nessma TV. Le vieux routard a déclaré que “cette initiative arrive trop tard. Moncef Marzouki a déjà commencé sa campagne et je pense que Ben Jaâfar ne tardera pas à faire de même”. Et les autres candidats ont eux aussi entamé la leur. Où l’on relève quelques paroles, telles que celle de Larbi Nasra, président de “La voix du peuple”, qui affirme avoir été le seul parmi les candidats “à avoir été actif sur la scène politique tunisienne avant 2011”. Tous les partis qui se sont opposés pendant des années à Ben Ali compteraient-ils pour du beurre ?
Abderrazak Kilani (indépendant) a mis en garde “contre les dangers du monopartisme”, tandis que Hamouda Ben Slama et Mohamed Frikha, indépendants selon eux, ont bien précisé qu’ils “ne (sont) pas les candidats d’Ennahdha”, dont la Choura, réunie pendant deux jours, n’a encore rien décidé et a renvoyé sa décision à la fin de la semaine en cours. De son côté Yassine Brahim a déclaré que son parti “est ouvert à toute proposition de Nidaa Tounes (pour former un gouvernement) qui est le parti le plus proche du projet sociétal d’Afek Tounes”. En voilà un qui ne se prêtera pas aux combines en cours, car il est fidèle à ses convictions !

Mardi 4 novembre : c’est aussi le cas de Mohamed Baroudi qui a annoncé sa démission de l’Alliance démocratique suite à la décision de son président, Mohamed Hamdi, de “s’allier, en particulier avec Ennahdha pour discuter de l’initiative du mouvement islamiste de s’accorder sur un candidat consensuel au scrutin présidentiel.”

Le très actif et dynamique Baroudi, dont on se souvient de son action à l’Assemblée et lors du magnifique sit-in de la Place du Bardo, reprendra sûrement son combat, après un temps de repos et de réflexion, dans l’un des partis du camp démocratique, n’en doutons pas.

Lors d’une rencontre avec les habitants de Regueb (Sidi Bouzid) Hachemi Hamdi s’est plaint d’être “boycotté” par les chaînes TV Watanya 1 et 2 parce qu’elles ne l’invitent pas sur leurs plateaux et il prévient que si on ne l’invite pas “il ne reconnaîtra pas le résultat des élections”, cela ne les empêchera pas de se tenir !

Invité ce soir à Ness Nessma, Mustapha Ben Jaâfar a axé son intervention sur la critique de Nidaa Tounes qu’il a qualifié de “chose enveloppe dont on ne sait pas ce qui se cache à l’intérieur” et qui est “composé à 50% d’anciens RCDistes et de personnalités de l’ancien régime”. Il a précisé que son parti, Ettakattol, constitue, avec les autres formations politiques perdantes aux législatives, la grande famille démocrate qui doit se regrouper afin de faire face à Nidaa Tounes, éventuellement au second tour du scrutin pour la présidentielle.

Le président de la République a demandé au ministre de l’Intérieur de “garantir une protection rapprochée à tous les candidats à la présidentielle “pour mener le processus démocratique à bon terme”. Craint-il des débordements de la part des Ligues de Protection de la Révolution ?

Lazhar Bali, SG du parti El Amen, a décidé de soutenir la candidature de Néjib Chebbi, “pour éviter que les pouvoirs législatif et exécutif tombent entre les mains de Nidaa Tounes”, quant à Mohamed Hamdi, président de l’Alliance démocratique, il annonçait qu’il retirait sa candidature.

Jeudi 6 : encore des soldats massacrés. Alors que les milieux politiques sont en train de se disputer pour “se placer” le mieux possible à la présidentielle, les ennemis du peuple, les terroristes, toujours bien renseignés (par qui ?), ne chôment pas. Leur dernier “haut fait” a été, hier, de mitrailler dans la région de Nebber (le Kef) un car militaire transportant des permissionnaires, paraît-il. Le bilan est lourd, 5 morts et 10 blessés. Personne ne doute du courage et de l’esprit de sacrifice de nos soldats, mais il faut se persuader que la Tunisie est en guerre — surtout dans les zones sensibles — contre des terroristes qui sont à l’affût de “bonnes occasions”. Sans vouloir donner de leçons, je pense qu’il était imprudent (j’aimerais employer un mot plus fort…) de faire circuler ce car à partir duquel il est impossible de se défendre et de riposter sans le faire accompagner, à l’avant et à l’arrière, par des jeeps blindées d’où des hommes armés auraient pu riposter plus facilement, éventuellement sauter des véhicules afin de se positionner pour ouvrir le feu sur les attaquants. Cela paraît tellement élémentaire ! Et dire qu’il y a eu des Tunisiens pour se réjouir de ce massacre ! C’est à Menzel Bourguiba que cela s’est passé, hier soir et la police a pu arrêter six extrémistes religieux qui faisaient la fête dans une mosquée après cette nouvelle attaque de nos soldats.

L’UGTT a attiré l’attention de l’ISIE sur la multiplication des discours hostiles et violents incitant à la haine et à la discorde. Le ministère public a annoncé l’ouverture d’une enquête à l’encontre d’Imed Deghij et des administrateurs de la page Facebook de la LPR du Kram, et ce, pour “nuisance à autrui à travers les réseaux sociaux, menaces et incitations des habitants à s’affronter entre eux. Ce climat nuit au bon déroulement de la campagne électorale”. Cette intervention de l’UGTT montre que le rôle du Dialogue national n’est pas terminé, contrairement à ce que déclaraient certains politiciens, qui veulent avoir les mains libres pour saboter la campagne électorale de la présidentielle.

Samedi 8 : déception chez les candidats inquiets à la présidentielle. La Choura d’Ennahdha a finalement décidé de ne soutenir aucun candidat à cette élection. Les électeurs islamistes sont-ils enfin considérés comme majeurs et libres de prendre une décision, ou Ennahdha n’a-t-elle pas réussi à trouver un candidat valable ? Cela ne fait pas l’affaire de Néjib Chebbi qui, hier encore, a déclaré à Sfax “Je ne dirais pas non à un soutien d’Ennahdha…”

En tout cas la campagne électorale s’est enrichie hier des promesses, tenues à Kairouan par Hachemi Hamdi, de “prendre en charge à vie les familles des martyrs” et de “transférer la Capitale à Kairouan”. Il paraît que les Kairouanais sont d’accord… Et les Tunisois ?

De son côté, Nidaa Tounes va bénéficier des voix du Mouvement Destourien que lui a promises Hamed Karoui, selon la demande du BCE de ce partir à ses adhérents ; par ailleurs le siège de Kasserine qui avait été enlevé à Nidaa Tounes pour être attribué à Ettakatol lui est finalement revenu par décision du tribunal administratif.

Mustapha Ben Jaâfar, lui non plus, n’a pas apprécié la décision de la Choura et il s’en est plaint ce matin, sur Shems FM, en appelant Ennahdha à “s’expliquer sur ce choix”, en assurant que lui-même “était capable de rassembler des partis afin de parvenir à un consensus ”. À son grand regret, le président de l’ANC va donc devoir “faire cavalier seul” et la route sera dure…

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