« La confiance » : tel était le mot d’ordre qui a donné le ton à l’entretien que Youssef Chahed, a accordé à Marouane Ben Yahmed et Frida Dahmani de Jeune Afrique de cette semaine. Interrogé sur la situation du pays, le Chef du gouvernement d’union nationale a insisté sur le rétablissement de la confiance entre les citoyens et le gouvernement. « Le principal défi est effectivement le retour de la confiance. Il faut en finir avec le divorce entre la population et les gouvernants », a-t-il déclaré, après avoir rappelé les priorités de son équipe gouvernementale : lutte contre le terrorisme, lutte contre la corruption, équilibre budgétaire, croissance et développement régional.
« Il faut accepter le report des augmentations salariales »
Revenant sur la batterie de mesures annoncée lors de sa première interview télévisée, Youssef Chahed a souligné que tout le monde est appelé à participer à l’effort général pour rééquilibrer la balance budgétaire. « Nous souhaitons établir un pacte entre le gouvernement et les partenaires sociaux afin de fixer des objectifs de croissance et de développement », a-t-il dit, soulignant, par la même occasion, le rôle central des entreprises qui doivent investir dans les régions.
« Le patronat doit apporter une contribution exceptionnelle, de même que les salariés doivent accepter le report des augmentations prévues qui alourdissent considérablement le budget de l’État », a-t-il précisé. Dans ce contexte, Youssef Chahed souligne qu’il est vital d’alléger la pression exercée sur les charges de l’État. « L’effort demandé aux salariés est important, mais il permettra d’assainir les finances publiques […]. Les partenaires sociaux sont suffisamment conscients de la situation et aussi patriotes pour accepter de consentir, pour un temps, ces sacrifices », a-t-il dit.
Pour le Chef du gouvernement, il ne s’agit que d’un premier pas vers la stabilité financière. Face au spectre de l’austérité, il s’est montré rassurant en évoquant le plan de relance initié par le gouvernement et qui met l’accent sur la croissance, l’investissement et l’exportation. À cet effet, il est revenu sur la loi d’urgence économique, dont l’adoption est en cours, et qui, selon lui, devrait permettre de simplifier les procédures administratives liées aux investissements.
La grande conférence sur l’investissement des 29 et 30 novembre 2016
Autre thématique abordée par le Chef du gouvernement : la conférence sur l’investissement des 29 et 30 novembre prochain. « L’image de la Tunisie est plus dégradée à l’intérieur de ses frontières qu’à l’extérieur », a souligné le Chef du gouvernement. Dans ce contexte, il a une fois encore insisté sur le retour de la confiance, mais aussi de l’espoir. « Nous devons être plus agressifs sur les marchés internationaux, en vantant les réalisations tunisiennes à travers une diplomatie plus active », a-t-il déclaré. Et d’ajouter : « nous avons convié les dirigeants politiques du monde entier pour valoriser l’expérience tunisienne et investir dans notre démocratie. Nous avons d’ores et déjà mis en place les outils juridiques nécessaires, à savoir le vote de la loi sur l’investissement ».
Par ailleurs, selon Youssef Chahed, le retour de la confiance repose sur le traitement du passif judiciaire né suite au soulèvement du 14 janvier, notamment vis-à-vis des opérateurs économiques. Le Chef du gouvernement estime que de nombreux dossiers traînent encore, face au manque de fermeté des précédentes équipes gouvernementales.
« Il faut en finir avec les biens confisqués. Ce sera l’objet d’un Conseil des ministres. Nous ne pouvons laisser perdurer une situation où des entreprises sont déficitaires, alors qu’elles représentent des fleurons de l’économie nationale », a déclaré le Chef du gouvernement.
Nidaa Tounes, oui, mais priorité à l’action gouvernementale
Sur le plan politique, Youssef Chahed a été interpellé sur son appartenance à Nidaa Tounes, notamment en ce qui concerne son éventuelle présidence de l’instance politique du parti. « Dans une démocratie, souvent, le chef du gouvernement est aussi le chef du parti majoritaire où arrivé premier aux élections », a commencé par dire Youssef Chahed. Nidaa Tounes, selon lui, a contribué à l’équilibre politique du pays, malgré les crises internes qui l’ont frappé de plein fouet après le départ de BCE à Carthage. « Remettre Nidaa Tounes sur les rails est important pour la démocratie tunisienne. Mais la priorité, en ce qui me concerne, c’est l’action gouvernementale. C’est à cela que je me consacre pour le moment », a-t-il poursuivi.
Qu’en est-il de ses relations avec Hafedh Caïd Essebsi ? Pour Youssef Chahed, elles sont « classiques ». « Nous sommes membres d’un même parti, ni plus ni moins », a-t-il clarifié.
Lutte contre la corruption
Autre volet évoqué par Youssef Chahed : la lutte contre la corruption. Le Chef du gouvernement estime que l’État a été affaibli après le 14 janvier par une instabilité politique et un recrutement de masse dans la fonction publique. « Le retour de l’État se fera progressivement », a-t-il tenu à rassurer.
Pour Youssef Chahed, il sera nécessaire d’appliquer la loi et de favoriser le dialogue en matière de lutte contre la corruption. « Nous privilégierons l’anticipation en matière de gestion de crises. Nous remettrons aussi de l’ordre dans l’organisation et le management », a souligné Chef du gouvernement. Et d’ajouter : « nous assurerons le suivi des projets qui participent à la réhabilitation de l’autorité de l’État et à l’apaisement des tensions sociales ».