Chahed à l’IPEST : « il n’y a pas de loi de repentir »

Deux faits majeurs ont marqué l’activité du chef du gouvernement en ce 14 janvier 2017, jour de célébration du 6ème anniversaire de la Révolution.
D’abord la visite qu’il a rendue au siège du syndicat national des journalistes tunisiens pour y annoncer l’opération sauvetage des médias à travers un ensemble de mesures que l’on peut qualifier d’historiques.
Ensuite en décidant de s’adresser au peuple à partir de l’Institut préparatoire aux études scientifiques et techniques (IPEST) à Sidi Bou Saïd. Le choix du lieu est plus que symbolique s’agissant d’un haut lieu du savoir et de l’excellence et en ce sens où le public présent est composé d’étudiants, une élite de jeunes dont plus de 50% viennent des régions intérieures dites déshéritées.
Dans son allocution le chef du gouvernement a mis l’accent sur le contexte dans lequel se déroule la rencontre.

 » La Tunisie célèbre aujourd’hui la fête de la révolution d’une manière différente des autres années, le président de la république a choisi de se diriger vers Gafsa dans un message symbolique envers les régions à l’origine de la révolution, et nous, moi-même et les membres du gouvernement, nous avons choisi d’être parmi vous parce que vous êtes un exemple de la jeunesse tunisienne qui réussit parce que vous êtes sur la bonne voie, que vous réussissez  abstraction faite de la région d’où vous venez. Le directeur de l’institut m’a informé que la moitié des étudiants viennent des régions intérieures ce qui est en soi un message. J’ai toujours que seul le travail compte et la seule voie pour la réussite. Et c’est cela l’ascenseur social sur lequel se fonde le contrat social de notre pays (…).
La Tunisie célèbre aujourd’hui, avec fierté, le 6ème anniversaire du changement et nous devons en ce jour nous prosterner en signe de reconnaissance à nos martyrs grâce à qui nous vivons aujourd’hui dans un pays libre, un pays indépendant, un pays souverain et démocratique.
En cet anniversaire nous sommes en droit d’être fiers de ce qui a été réalisé par notre pays. La Tunisie est le seul pays à avoir réussi sa transition démocratique(…) ».
Aprés quoi Youssef Chahed a rappelé que la Tunisie dispose aujourd’hui d’une « Constitution qui garantit les droits et les libertés, qui garantit la liberté du culte, qui garantit le pluralisme politique, qui garantit la liberté d’expression et de presse et qui permet au Tunisien de vivre librement, la tête haute et sans peur. Aujourd’hui la Tunisie dispose d’institutions élues, un président élu ».
« Aujourd’hui, ous devons être fiers
a-t-il souligné, la Tunisie occupe des rangs honorables à l’échelle régionale et internationale, en matière de libertés. Nous devons être fiers d’être un peuple libre dans un pays libre. Il n’y a pas plus cher que la liberté ». 


Le chef du gouvernement rappellera dans ce contexte et en signe d’hommage que « le martyr Hatem Ben Taher n’était pas chômeur, c’était un enseignant du supérieur, ce n’était pas un demandeur d’emploi qui est sorti manifester pour une raison propre, il a manifesté pour défendre la liberté et la dignité ».
Le chef du gouvernement abordera, ensuite un volet « non moins important » selon ses dires en soulignant qu’il avait promis de « ne rien cacher au peuple et de toujours lui dire la vérité« .
« Autant notre pays a réussi sa transition démocratique et politique, autant il a échoué dans la réalisation des objectifs économiques et sociaux de la révolution » a affirmé de prime abord Youssef Chahed. Et ça n’est nullement pour mettre en doute les gouvernements précédents, les efforts qu’ils ont fourni et leur bonne foi, « la responsabilité nous impose de reconnaître qu’il y a eu un grand échec aux plans économique et social« … « Il est inadmissible que six ans après la révolution, le taux de chômage est toujours élevé et qu’il touche les diplômés du supérieur. Nous sommes déterminés à ce que l’emploi reste la priorité des priorités. Il est inadmissible que six années après la révolution, des gens continuent à vivre dans des huttes. Il faut qu’à fin 2019 il n’y ait plus personne dans cette situation. Il est inadmissible également que le déséquilibre régional soit toujours au même taux et que les fonds alloués  aux projets n’ont rien changé« .
Poursuivant son diagnostic de la situation du pays et poussant son analyse  jusqu’aux véritables raisons ayant empêché la réalisation des objectifs économiques et sociaux de la révolution, Chahed  soulignera qu’au cours des six dernières années l’effort était uniquement consenti pour réussir la transition démocratique.
« c’est au tour de la révolution économique de se concrétiser« . Il a également annoncé que la loi d’urgence économique était la priorité et qu’une série de réformes allait avoir lieu dans le secteur agricole, entres autres secteurs.

L’emploi, priorité des priorités
IL a également mis l’accent sur la nécessité de lever tous les obstacles se dressant devant l’investissement public et privé notamment la lourdeur des procédures administratives, la complexité des procédures d’où la nécessité d’accélérer la réforme administrative. Autre point soulevé la réforme des banques publiques afin qu »elles deviennent une partie de la solution et non pas du problème. Dans ce contexte , le chef du gouvernement s’est interrogé sur l’intérêt à avoir trois banques publiques qui connaissent toutes des difficultés financières. Le chef du gouvernement annoncera dans ce contexte que la participation de l’Etat dans certaines banques va être revue voire révisée. Il abordera ensuite la conférence Tunisia 2020 pour souligner qu’elle contribué au financement de projets de développement rappelant que les ressources propres de l’Etat suffisent à peine à couvrir les salaires et les dépenses de gestion et le service de la dette. La réussite de la conférence de l’investissement va nous permettre de financer nos projets de développent à des conditions très favorables et qui prend en considération les finances publiques.
Dans ce diagnostic pointu, Chahed abordera la situation des entreprises publiques dont la majorité connaissent des difficultés financières aiguës. Chahed soulignera dans ce cadre qu’il est inadmissible que des entreprises publiques dans des secteurs concurrentiels continuent à survivre grâce aux subventions de l’Etat, ne peuvent obtenir des emprunts qu’avec la garantie de l’Etat. « Une opération de restructuration de ces entreprises sera lancée, avec la garantie des droits des employés et des agents.
Dans tous les volets abordés, Youssef Chahed n’a pas manqué de souligner que tout converge vers le développement et la création d’emplois. Aussi a-t*il rappelé le lancement du contrat de la dignité qui bénéficiera à 25000 jeunes parmi es diplômés du supérieur.
« Ma vision à ce sujet est claire. On n’est pas dans une vision libérale sauvage qui annule le rôle de l’Etat et réduit son intervention au plan social mais on n’est pas non plus avec le principe que tout doit être fait par l’Etat, décidé, produit et vendu par l’Etat. Notre vision est que l’Etat à un rôle social qu’elle doit accomplir, un rôle de régulation à réaliser, des secteurs stratégiques à préserver, des services publics qu’elle doit continuer à contrôler sans partage. Mais l’Etat ne peut pas tout faire« , devait-il souligner encore.

La réforme de l’agriculture et du tourisme, une nécessité
« Le développement dans les régions est une condition pour la réussite de notre pays ». C’est en ces termes que Chahed a abordé cette question en mettant l’accent sur le secteur de la santé. « Il est inadmissible que des citoyens continuent à mourir car nécessitant leur transport dans des hôpitaux éloignés ou pour l’absence d’infrastructure de santé. »
Dans ce contexte il a rappelé que « le gouvernement a décidé la création de 13 hôpitaux régionaux et c’est pour cette raison qu’il faut adopter rapidement la loi d’urgence économique grâce à laquelle  la réalisation de ces nouvelles structures hospitalières démarrera cette année. Dans le cas contraire et vu les lourdeurs administratives il faudra attendre 2018« . 
Parallèlement des mesures ont été prises pour la distribution des médicaments à travers la carte sanitaire dans sa totalité.
Autre secteur, et non des moindres, qui a été mis en valeur par le chef du gouvernement, le secteur agricole qui n’a pas bénéficié de l’intérêt nécessaire au cours des dernières années alors que la Tunisie est un pays agricole par excellence. le secteur participe à hauteur de 10% dans le PIB et pourtant il n’a pas bénéficié du soutien nécessaire par comparaison à d’autres secteurs.
« La Tunisie perd actuellement des dizaines de milliards parce que le secteur ne dispose pas de la mécanisation nécessaire pour améliorer la production. Le parc mécanique agricole de la Tunisie a un âge qui dépasse les 25 ans. Aussi, a-t-il été décidé que tout agriculteur désirant acquérir un tracteur ou une moissonneuse ou tout autre matériel agricole bénéficiera dune intervention de l’Etat à hauteur de 50% du prix de ce matériel. L’objectif est d’améliorer la mécanisation du secteur ». Chahed ajoutera que dans le cadre du renforcement du secteur agricole, un programme de plantation de 10 millions de pieds d’oliviers au cours des trois prochaines années  a démarré. L’objectif ets de rajeunir les oliveraies tunisiennes qui constituent la richesse de notre pays. Dans ce cadre, « l’Etat soutiendra à hauteur de 50% tout agriculteurs désirant acheter des plants d’oliviers« .
Le chef du gouvernement abordera la question des terres domaniales faisant savoir que l’Etat possèdes des centaines de milliers d’hectares de terres agricoles dont une grande part est mal exploitée et improductive. « Une nouvelle carte agricole sera élaborée pour distribuer les terres agricoles domaniales dans toutes les régions en fonction de données précises et des spécificités de la région afin et la création d’emplois d’intégrer ces terres dans le circuit économique. Une partie de ces terres ira à l’économie solidaire et sociale à travers la création de société mutuelle, une autre partie pour les sociétés de mise en valeur et une dernière partie pour le partenariat public privé. « Notre démarche est claire, la consolidation du secteur agricole, améliorer sa productivité et l’exploitation efficiente des terres domaniales conformément à la loi et de manière permettant le maximum d’emplois« , précise encore Youssef Chahed.
Autre secteur nécessitant des réformes structurelles, le tourisme qui souffre de problème de bien avant 2010 mais qui se sont accentués en raison des attentats terroristes. Dans ce contexte, Chahed annonce la décision d’activation de l’accord sur l’open sky qui va donner un réel coup de pouce au secteur touristique.
Dans la dernière partie de son discours, Chahed a parlé de croissance soulignant qu’avant la révolution, la Tunisie réalisait un taux de croissance entre 4,5 et 5%. Sauf que cette croissance ne créait pas suffisamment d’emplois et ses fruits n’étaient pas équitablement répartis. « On ne peut plus se le permettre » et c’estpour cela que des projets de renforcement de l’infrastructure dans les régions afin qu’elles attirent davantage d’investissements vont être engagés et leur impact  sera structurant pour désenclaver ces régions.


Le chef du gouvernement abordera la situation des caisses sociales et annoncé qu’une décision sera prise avant fin 2017 pour trouver une solution à cette question et procéder à une réforme en profondeur du système de sécurité sociale. Parmi les solutions, et il n’en existe pas plusieurs selon Chahed, l’augmentation de l’âge de la retraite ou des cotisations sociales ou de créer une TVA sociale ou encore un mix de tout cela à la fois.

Pas de loi de repentir
Autre réforme imposée par la situation sécuritaire avec le phénomène du terrorisme qui n’est propre à notre pays. Pour contrer ce phénomène une réforme du système sécuritaire est nécessaire.
Avant de parler des réformes à engager, Chahed a tenu à rendre hommage aux forces armées, aux agents de la sécurité intérieure et à la  douane pour les efforts considérables fournis dans la lutte contre le terrorisme et pour les réussites réalisées et à la nature de leur travail dont une grande partie est méconnue par tous. Les réformes ont été engagées en concertation avec la présidence de la république.
S’agissant du retour des terroristes des zones de tension, Youssef Chahed a rappelé la position du gouvernement, affirmant que  » le gouvernement n’oeuvre pas à leur retour et il n’y a aucune loi de repentir ou autre. Le gouvernement n’a conclu aucun accord avec aucun pays concernant l’organisation du retour des terroristes des zones de tension en Tunisie.  La Tunisie vit aujourd’hui une étape démocratique et aucun accord ne peut être conclu sans qu’il passe par l’ARP. Ces gens représentent un danger pour le pays et tous ceux qui reviendront seront immédiatement arrêtés et jugés conformément à la loi antiterroriste.
En conclusion, le chef du gouvernement a appelé les jeunes à s’impliquer et à s’engager dans l’action politique en adhérant au parti politique de leur choix et de ne pas se complaire dans une position de spectateur passif.

Ambiance décontractée
 La visite de Youssef Chahed à l’IPEST revêtait un caractère particulier constituant un hommage au martyr Hatem Ben Taher, étudiant puis enseignant à cet Institut, mort à Gabès le 12 janvier 2011 lors des émeutes qui ont accompagné le déclenchement de la Révolution. Chahed, décontracté a prononcé son allocution dans la salle portant le nom du martyr en présence des  professeurs et des étudiants de l’IPEST, et de plusieurs personnalités du monde politique, universitaire, culturel et médiatique.Et à l’occasion, aucun protocole n’a été établi, les ministres avaient pris place au milieu des étudiants. Le coup est réussi et le discours-programme de Chahed a atteint sa cible.

(Vidéo Mosaïque Fm – débat entre les étudiants et le chef du gouvernement à l’IPEST)

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