Le Chef du gouvernement, Youssef Chahed, s’est exprimé durant la soirée du lundi 12 novembre 2018 pour répondre aux interventions des députés de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) lors de la plénière consacrée au vote de confiance. Plusieurs points ont été abordés par le Chef du gouvernement. Il a, pour la première fois, évoqué la question de la chambre noire au sein du ministère de l’Intérieur. « La vérité a été dévoilée. L’affaire est entre les mains de la Justice. Notre rôle et de soutenir cette dernière. Lorsque le juge d’instruction a demandé à examiner la pièce en question, il l’a fait, il a changé les serrures afin de sécuriser son contenu. Tout ce contenu est entre les mains de la Justice désormais. Nous ne devons pas perturber le ministère de l’Intérieur. Le pouvoir exécutif, pour sa part, est coopératif », a-t-il déclaré devant les députés.
Par ailleurs, le Chef du gouvernement est revenu sur le travail des anciens ministres. Ces derniers, selon lui, ont travaillé dans des conditions difficiles, notamment en raison du climat politique flou. « Toutes les visions et les idées sont requises dans notre contexte actuel, d’où notre main tendue à tous. Machrou3 Tounes et Al Moubadara ont, de ce fait, décidé de rejoindre le gouvernement. Celui-ci n’est pas celui d’Ennahdha. Il faut mettre un terme à ce flou politique et à cette atmosphère malsaine. Notre main est tendue à toutes les forces nationales et démocratiques », a-t-il déclaré, ajoutant que le climat politique doit être assaini avant les prochaines échéances électorales.
Il était clair que le chef du gouvernement ne voulait en aucune manière répondre à toutes les interventions, particulièrement les plus virulentes. Il a préféré un style télégraphique pour être précis et concis.
Objectif 5% de croissance en 2020
Sur le plan économique, Youssef Chahed a rappelé que la vision du gouvernement est axée sur 5 indicateurs pour l’horizon 2020 : un déficit budgétaire à 3% du PIB, une croissance économique de 5%, une dette publique à 70% du PIB. « C’est faisable, nous y arriverons. Cette politique nécessite du temps pour porter ses fruits », a-t-il souligné.
Il a concédé, d’un autre côté, que la loi de Finances 2018 a été porteuse d’inflation en raison des hausses d’impôts qu’elle véhiculait. « Il n’y aura pas d’impôts supplémentaires en 2019 », a-t-il tenu à assurer, ajoutant que des mesures sociales seront prises en faveur des familles démunies et des chômeurs. L’objectif, selon Youssef Chahed, est de stimuler la croissance économique par le biais du renforcement des infrastructures et des projets publics. Dans ce cadre, dit-il, les secteurs clés doivent reprendre leurs activités, à l’instar de l’industrie des phosphates ou encore de l’exploration. « Nous produisons, aujourd’hui, 40 000 barils de pétrole par jour au lieu des 90 000 de 2010 », a-t-il noté. Il a aussi mis l’accent sur la digitalisation de l’administration qui permettra, dit-il, de lutter contre la corruption et de mieux servir les citoyens. Le partenariat public-privé sera aussi de mise dans ce contexte.
« On m’a accusé d’avoir maquillé les comptes. On ne peut pas se permettre d’affirmer cela. Nous avons des bailleurs de fonds qui nous regardent », a-t-il lancé aux députés.
Au sujet du déficit de la balance commerciale, le Chef du gouvernement a reconnu son ampleur, et les conséquences sont visibles au niveau du cours du dinar. « Dans le cadre du projet de Loi de Finances 2019, nous allons débloquer 80 millions de dinars pour soutenir les exportations », a-t-il déclaré. Il a noté, d’un autre côté, qu’une grande partie de ce déficit commercial provient du déficit énergétique, d’où la nécessité de miser sur les énergies renouvelables. Autre point évoqué par le Chef du gouvernement : le développement régional sur lequel le gouvernement va se consacrer, notamment à travers la mise en place de la Banque des Régions en 2019. « Nous travaillerons aussi sur le pouvoir d’achat et nous soutiendrons les jeunes porteurs de projets », a-t-il encore souligné.
« René Trabelsi est un tunisien comme tous les tunisiens »
Par ailleurs, il a répondu aux critiques qui lui ont été adressées au sujet de la normalisation avec l’Etat sioniste. « Le soutien au peuple palestinien est indiscutable. C’est la position historique de la Tunisie et c’est notre position », a-t-il soutenu. Dans la foulée, il a défendu son nouveau ministre du Tourisme et de l’Artisanat, René Trabelsi, critiqué pour sa seule confession juive. « C’est un tunisien comme tous les tunisiens. Il a démissionné de tous ses postes pour rejoindre le gouvernement. Pour quelle raison empêcherait-on quelqu’un ayant réussi dans le secteur privé d’apporter une valeur ajoutée à l’Etat ? », a dit le Chef du gouvernement.
Il est, par la suite, revenu sur la décentralisation du pouvoir et sur le dossier des enseignants suppléants. Tout d’abord, il reconnaît que les mairies font face à de nombreuses difficultés. De ce fait, elles bénéficient régulièrement des dons de l’Etat qui ont atteint un montant de 852 millions de dinars selon Youssef Chahed. « 1120 nouveaux cadres seront déployés pour les soutenir. Nous allons y renforcer les ressources humaines », a-t-il assuré.
Quant aux enseignants suppléants, ces deniers ont bénéficié d’une hausse de leur prime et ils bénéficient, désormais, d’une couverture sociale.
Youssef Chahed a, à la fin, abordé la question de la représentativité de la femme dans les postes de décision et le travail des personnes à mobilité réduite. « Je reconnais que les femmes sont mal représentées. Une circulaire sera publiée afin de rendre obligatoire la présence de la candidature d’une femme pour occuper les postes vacants de décisions. Quant aux personnes souffrant d’un handicap, un concours externe pour l’entrée dans la fonction publique sera spécialement lancé pour eux », a-t-il encore expliqué.