Grave, très grave ce qui se passe à l’hôpital Habib Bourguiba à Sfax. Malades pris en otage par les représentants de l’UGTT, médecins agressés et empêchés de travailler par ces mêmes personnes, aucun soin, même urgent n’a pu être assuré aux patients, depuis quelques jours. L’administration est malmenée et n’a aucune autorité et c’est à se demander qui fait la loi dans ce pays?
Protestant contre la nomination du nouveau directeur de cet établissement, les agents paramédicaux et autres employés du centre hospitalo-universitaire Habib Bourguiba à Sfax ont observé un sit-in devant le hall de l’hôpital. Ils estiment qu’ils ont leur mot à dire quant à la nomination du directeur de l’hôpital !
Vu la situation dans laquelle se trouvait le CHU Bourguiba de Sfax, le ministère de la Santé a décidé de nommer une personne qui a fait ses preuves dans la gestion et la gérance des hôpitaux. Le choix du colonel Sami Tounsi, à la tête de la direction de l’hôpital semblait adéquate.
Le Dr Sami Tounsi est un militaire de carrière, il a été directeur de l’hôpital militaire de Gabès et parallèlement directeur de l’école de santé militaire de Gabès également. Tout le monde reconnaît ses compétences et ce qu’il a réussi à faire dans ces deux institutions. C’est en tant que détaché auprès du ministère de la Santé qu’il va exercer ses nouvelles fonctions. Un établissement de soins a besoin avant tout d’ordre, de discipline et d’hygiène. Ces trois indicateurs manquent cruellement à l’hôpital de Sfax. C’est ce qui justifie la nomination d’un nouveau directeur.
Le syndicat général de la section universitaire, UGTT, n’apprécie pas cette nomination. Son représentant, Mr Adel Zouaghi a déclaré « les cadres du CHU Habib Bourguiba font front commun pour défendre le caractère civil de cet hôpital et refusent qu’un établissement public soit dirigé par un cadre militaire. La réforme du secteur de la santé dans le gouvernorat de Sfax passe par la mobilisation des ressources humaines, le renforcement de l’infrastructure, et non par la «militarisation» des établissements sanitaires publics. Le mouvement de protestation pourrait connaître une escalade tant que cette nomination n’a pas été annulée ».
Ces déclarations sont en fait une menace, une intention de mettre le chaos à l’hôpital. Ils y sont arrivés. Le bras de fer a commencé. Qui du syndicat ou de l’administration va l’emporter ? Selon des témoignages, « un chef de service s’est fait agressé verbalement, parce qu’il a cru bon de critiquer frontalement les gens du syndicat, un deuxième chef de service (une femme) qui s’était aventurée pour faire signer des papiers par le nouveau directeur dans un bureau temporaire à la direction régionale, s’est vu admonestée et humiliée pour avoir osé s’opposer à la volonté du syndicat paramédical ».
Toujours selon les témoignages, la grève a bien commencé et « tout ce qui ne fonctionnait déjà qu’à moitié, ne fonctionnait presque plus. Les services sont désertés, les patients à opérer sont remontés vers leur lit. On a même de la peine à faire opérer les urgences. Devant l’administration, le noyau dur du syndicat, entouré d’une trentaine de sympathisants, criaient leurs slogans habituels. Quelques patients à la fenêtre de leur chambre, vociféraient leur mécontentement, voire leur colère et ne comprenaient pas comment on pouvait oser laisser des humains sans soins »
L’administration est impuissante, le nouveau directeur quitte son bureau sous escorte policière. Qui du ministère de la santé ou de l’Etat n’a pas rétabli son autorité ? Comment accepter cette humiliation ? Où est le prestige de l’Etat ? Qui fait la loi dans ce pays ?
Dans ce pays, il y a des gens qui veulent travailler, ils ont juste besoin qu’on les protège et qu’on les soutienne. Sinon ce n’est pas tenable. Face à une administration qui ne peut plus jouer son rôle, le Comité médical et le conseil d’administration du CHU Habib Bourguiba de Sfax ont décidé de démissionner en signe de protestation du chaos qui règne à l’hôpital.
Dr Habiba Mizouni secrétaire générale du syndicat des médecins hospitalo-universitaire, essaye de son côté de panser les blessures. Au cours d’une assemblée générale tenue à Sfax elle rappelle que « Depuis le début de cette crise à Sfax, nous n’avons pas cessé d’alerter les responsables syndicaux au plus haut niveau du syndicat des paramédicaux et celui de la région de Sfax à l’absolue nécessité d’encadrer ce qui se passe. Et malgré tous nos efforts, les soins même urgents, surtout chirurgicaux n’ont pas été assurés, des collègues ont été agressés verbalement et physiquement. Pour nous, ceux qui ont commis ceci ne représentent pas nos collègues paramédicaux dont nous n’avons pas cessé de défendre les droits légitimes et ne représentent pas nos camarades syndicalistes, et encore moins l’UGTT dont le propre même est la défense des droits des travailleurs, le bien du peuple tunisien, les fondements de la République. Ceux qui ont commis ces actes ne représentent que leur personne. »
Que va-t-il se passer dans les prochains jours ? La situation est explosive et le syndicat n’est pas prêt à céder. Jusqu’où ira la patience du ministère de la Santé et celle des citoyens malades ?
Samira Rekik