Chawki Gaddes : Des acquis, certes !

Les quatre dernières années ont été difficiles sur plusieurs plans. Néanmoins, des acquis ont été arrachés et des avancées ont été réalisées. Je citerai :

Nouvelle Constitution démocratique par son élaboration et son contenu : Une Constitution négociée et consensuelle qui met en place les jalons d’une nouvelle République démocratique basée sur l’Etat de droit et le respect des libertés. On peut en trouver la quintessence dans l’article 49 qui pose les limites aux droits et aux libertés. Ce qui manquait à la Constitution de 1959 et qui a conduit à sa disparition.

Nouvelle classe politique : d’un parti politique ultra dominant entouré de huit partis de figuration, la Tunisie a vu la création de plus de 190 formations. La scène politique vit avec plus de 70 partis politiques actifs aujourd’hui. La plupart des figures présentes dans la vie politique des cinquante dernières années a été à travers les élections de 2014 mise à l’écart. Une nouvelle classe politique émerge composée essentiellement de personnes qui prirent place sur scène après 2011.

Le dialogue national : C’est une création bien tunisienne qui a permis de démontrer que le dialogue en période de transition était la seule issue. L’instance créée en dehors du droit et son caractère informel a permis de rapprocher les points de vue et de trouver et surtout d’imposer les accords. Sans dialogue national, il n’y aurait pas eu de Constitution ni d’élections …

La société civile : Le renouveau de la société civile tunisienne déjà très active avant 2011 mais surtout la naissance de nouvelles formations très actives basées sur la jeunesse et les compétences a permis d’insuffler une dynamique inconnue jusqu’à ce jour dans la société tunisienne. Aucune action ne peut plus être envisagée par les politiques sans l’implication des structures de la société civile. On parle même de l’ajout de cette composante dans la dénomination du ministère de la Jeunesse.

La liberté de la presse : La presse aussi bien écrite qu’audiovisuelle constitue la réelle révolution. La liberté qui a été imposée et consacrée constitutionnellement et dans la pratique a changé la perception populaire de cet acteur de la transition démocratique. La richesse de la production journalistique a aiguillé et changé

Le Tribunal administratif : La juridiction administrative a eu depuis 2011 un nouveau souffle. Une des rares institutions survivante à la table rase de mars 2011, la juridiction administrative est devenue le protecteur de l’Etat de droit et de la légalité pendant toute cette période. Son efficacité et la justesse de ces décisions pendant toute cette période démontrent la compétence et le patriotisme de ces magistrats.

L’ISIE et des élections conformes aux normes internationales : Les Tunisiens ont acquis une confiance dans les consultations populaires grâce à l’organe de gestion électorale qui est l’ISIE 1 puis l’ISIE 2. Les deux présidents de ces deux instances sont devenus des symboles de la démocratie. Les élections malgré leurs lacunes dues à la jeunesse de l’expérience sont les premières réelles consultations populaires démocratiques dans la région. Les résultats ne furent dans aucun contestés par aucune partie. Ce sont les premiers jalons de la démocratisation de la vie politique.

Les défis à venir

La mise en place des pratiques démocratiques : La démocratie se construit par les textes, mais surtout à travers les réflexes et les pratiques. Il faudrait que les gouvernants instituent des pratiques respectueuses de l’esprit et du texte des normes et n’essayent pas de contourner pour répondre à des intérêts éphémères et personnels. Il faudrait agir dans le sens de la construction pour servir de modèle à ceux qui viendront après.

La mise en place des contre-pouvoirs institutionnels : La démocratie a évolué dans le monde développé et on a vu l’attachement à ses fondements évoluer de la séparation des pouvoirs (législatif et exécutif) vers la mise en place de contre-pouvoirs réels. La justice et en tête celle constitutionnelle, mais aussi la société civile, les instances politiques et administratives indépendantes (du pouvoir politique) et les médias, sont les garants aujourd’hui de la démocratie et surtout de son caractère irréversible. La Constitution tunisienne met en place ces composantes des nouvelles démocraties. Il reste à la classe politique et aux citoyens de les soutenir et de les renforcer une fois qu’elles seront créées.

La décentralisation et la démocratie participative : On a compris après cinquante ans de République que le développement ne pouvait venir du centre. Toutes les inégalités mais aussi la corruption et la mauvaise gestion sont une conséquence de la centralisation excessive du pouvoir. La gestion doit être décentralisée. Les constituants l’ont si bien compris qu’on est passée d’une seule disposition dans la Constitution à treize dispositions en relation avec la décentralisation. Le pouvoir local est le lieu de la gestion participative et l’école de la démocratie et la pépinière des futurs politiciens. La gestion au plus près des affaires locales améliorera indiscutablement la qualité de vie des citoyens et les réconcilierons avec les affaires publiques. Le développement viendra de cette action et sera la responsabilité des dirigeants locaux responsables devant leurs électorats de leur action.

L’implication de la jeunesse, vivier de la classe politique : La population tunisienne est jeune, pourtant la classe politique est vieille. Le défi est d’impliquer la jeunesse en la responsabilisant et en lui permettant de s’initier à la gestion des affaires publiques. La société civile donne le bon exemple. la société politique doit en faire autant. Les partis politiques doivent réserver de plus en plus de places aux jeunes dans leurs structures et surtout dans les postes de décision. Les collectivités locales doivent constituer une porte d’entrée et une école politique pour les jeunes. Aucune amélioration, aucun développement de la société tunisienne ne pourront se faire sans l’implication réelle des jeunes (le décret-loi sur les partis politiques permet aux jeunes d’y adhérer à partir de 16 ans).

La consécration réelle d’une parité entre les sexes dans les organes électifs : La parité dans les assemblées élues est consacrée dans les termes de la Constitution. Cette déclaration de principe entraine la présence égalitaire de la femme aussi bien dans les instances élues à caractère politique mais aussi non politique. La consécration sur le terrain de cet acquis constitutionnel doit être opérationnelle. Un travail de refonte des textes et d’éducation des acteurs est à entreprendre dans ce sens au cours des années à venir.

L’éducation et la santé : Les deux domaines prioritaires pour le nouveau gouvernement est la réflexion et la détermination des actions prioritaires dans le secteur de l’éducation et de la santé de base. Aucune société démocratique ne peut évoluer avec des gens mal instruits ou malades. Le sentiment de marginalisation provient en premier lieu du manque de soin de l’Etat dans ces domaines.

Hajer Ajroudi

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