Deux événements majeurs préoccupent les Tunisiens en cette année 2024 et exacerbent leur impatience : la fin du génocide en cours à Gaza et la tenue de l’élection présidentielle. Deux événements qu’ils souhaitent voir arriver à terme au plus vite et déboucher, selon les objectifs de chaque événement, sur l’acquisition du droit le plus cher à tous les peuples : la liberté.
Pour les Palestiniens, au terme de 75 ans de colonisation, d’une politique sioniste d’Apartheid inflexible et de décennies de négociations de paix et d’accords « historiques » restés lettre morte, la lutte armée pour la libération des terres palestiniennes occupées s’avère être le seul moyen, malgré tous les sacrifices, de défendre leur noble cause et de recouvrer leur dignité. Le génocide israélien en cours à Gaza est d’une barbarie telle que le monde entier en est choqué et que, désormais, rares sont ceux qui ne le condamnent pas et qui n’exhortent pas la communauté internationale à agir pour faire adopter un cessez-le-feu définitif.
Les rues des capitales occidentales ne désemplissent plus de manifestants mobilisés pour revendiquer la liberté pour la Palestine. Et l’entité sioniste érode chaque jour un peu plus son capital sympathie auprès des peuples du monde entier et dans le camp de ses amis et de ses alliés.
Comme tous les autres peuples avides de liberté et de justice, les Tunisiens sont à bout de patience de voir autant d’horreur impunie et autant de crimes de guerre et crimes contre l’humanité – le procureur général de la CPI a qualifié comme telle la guerre de Benyamin Netanyahu et de son ministre de la Défense Gallant contre Gaza – soutenus et défendus par les plus grandes démocraties du monde, Etats-Unis en tête. A défaut de pouvoir aider leurs frères palestiniens comme ils le souhaitent – les dirigeants arabes ayant opté pour la diplomatie internationale, rien de plus – les Tunisiens se sont engagés dans la campagne mondiale de boycott des produits et des enseignes commerciales liés à l’entité sioniste et ne manquent aucune occasion ni événement sportif ou culturel pour honorer la Palestine, outre les mouvements de protestation organisés devant les ambassades des pays occidentaux qui fournissent à Israël les armements et les bombes qui massacrent les enfants de Gaza.
Autre tourment, autre impatience : l’élection présidentielle dont la date n’est toujours pas connue, sauf le délai constitutionnel correspondant au 23 octobre 2024. Contrairement aux élections législatives et celles ayant conduit à l’installation du Conseil national des régions et des districts, largement boycottées par les partis politiques, le scrutin présidentiel est très attendu par tous les Tunisiens, mais pas pour les mêmes raisons.
Les partisans de Kaïs Saïed veulent le voir se porter candidat à sa propre succession –il ne l’a pas encore fait – et gagner les élections afin de poursuivre son programme de lutte contre la corruption, achever l’opération de reddition des comptes avec tous ceux qui seront reconnus coupables par la justice d’avoir mené la Tunisie à la faillite économique et le terrorisme et réinstaurer la souveraineté nationale qui a été dilapidée au cours de la décennie chaotique gouvernée par les islamistes. Pour ces Tunisiens-là, Kaïs Saïed a libéré la Tunisie de la décennie noire. Combien sont-ils encore ? Combien restent-ils des 2,7 millions de Tunisiens qui ont voté pour Kaïs Saïed en 2019 ?
Le virage répressif pris à l’égard de l’opposition a commencé à ronger la popularité du président, au plus haut depuis son élection, avec les arrestations dans l’affaire du complot contre la sûreté de l’Etat, dont l’opinion tunisienne ignore encore les tenants et les aboutissants. La conciliation pénale, la lutte contre la corruption dans l’administration et les entreprises publiques et plus récemment l’affaire des 2700 diplômes falsifiés, tous déférés devant la justice comme l’exige la loi, la conviction personnelle de Kaïs Saïed et une bonne partie des Tunisiens qui le soutiennent dans son opération « Mains propres », sont également autant de familles tunisiennes affectées par les arrestations de leurs époux, fils, proches, amis…et autant de soutiens perdus. Mais ce qui pourrait lever un mur entre Kaïs Saïed et une grande partie des Tunisiens, c’est le décret-loi 54 et la chape de plomb qu’il représente pour les Tunisiens, désormais inquiets pour leur liberté d’expression et pour leur liberté tout court après les successives arrestations d’avocats, de journalistes et d’activistes.
Ce ne sont pas là les points d’un programme électoral d’un candidat qui voudrait se faire réélire, à une Présidentielle de surcroît. L’opposition a, d’ailleurs, connu une période de doute sur l’intention de Kaïs Saïed de se porter candidat à sa propre succession. Mais, il est clair que Kaïs Saïed n’en a cure, il n’a pas l’intention de faire marche arrière, il l’a dit et réitéré à maintes reprises. Il s’attellera jusqu’au scrutin à mener à terme sa mission : l’assainissement du pays des corrompus, des « traîtres », « des vendus », « des escrocs », « des voleurs des deniers publics » … Ses plus fidèles partisans lui renouvelleront, alors, leur confiance.
Les opposants de Kaïs Saïed sont, aussi, impatients de retrouver la liberté. Le climat de tension et de peur que suscitent « les arrestations politiques » nourrit chez eux l’espoir d’élire un nouveau président de la République en octobre prochain. Mais qui ? Les principales figures de l’opposition sont en prison ou visées par des procédures judiciaires et les autres candidats annoncés font profil bas. Le climat de répression n’encourage pas à aller vers les électeurs et les Tunisiens sont devenus moins réceptifs aux beaux discours et aux belles promesses. Ils veulent des dirigeants intègres, patriotes et avec de vrais projets de développement pour la Tunisie. De nouvelles figures, de préférence.
Le temps urge, l’annonce officielle de l’élection présidentielle ne devrait pas dépasser le 23 juillet prochain, soit trois mois avant l’échéance électorale, l’opposition doit impérativement dénicher l’oiseau rare qui pourra soutenir la concurrence avec Kaïs Saïed. N’y aurait-il pas au moins un, parmi les 12 millions de Tunisiens, qui réponde aux critères techniques d’éligibilité de l’ISIE et ceux humains des Tunisiens ? Il s’agit d’un candidat sérieux à la Présidentielle qui convainc les Tunisiens, pas un prophète.