Le dialogue national semble se dénouer avec l’engagement du Premier ministre à démissionner d’ici à trois semaines. Payée au prix fort par nos agents de sécurité tués à Goubellat, Menzel Bourguiba, Sidi Ali Ben Aoune (…), la résolution de la crise est peut-être en cours. Les uns avancent que l’Algérie a présenté un ultimatum en alignant ses soldats sur les frontières, menaçant d’intervenir et les autres prétextent que les États-Unis et l’Union européenne exercent une pression sur les dirigeants tunisiens. La rue tunisienne et la société civile ont également été des acteurs, ayant poussé les différentes parties à se décider, puisqu’elles ont maintenu la pression depuis le 26 juillet suite à l’assassinat de Mohamed Brahmi.
Aujourd’hui et après plusieurs revirements et maintes déclarations contradictoires, le dialogue national semble suivre sa voie vers un consensus aboutissant à un nouveau gouvernement de technocrates.
Retour sur le processus.
Le Premier ministre et derrière lui le parti Ennahdha, assurent au début de la semaine dernière que la démission du gouvernement est impossible. Deux jours après et à la surprise de tous, une lettre parvient au Quartet dans laquelle, il s’engage à se démettre en l’espace de trois semaines.
Entretemps, l’appareil sécuritaire frappé à trois reprises en deux jours, semble se révolter ; il serait difficile de compter sur son alignement quand la décision politique a longtemps manqué pour le protéger. Ainsi a débuté le dialogue national sur fond de drames et de sang. Mais c’est également l’un des éléments de pression ayant fait basculer la situation, jusque-là bloquée à cause de l’entêtement de la Troïka en faveur de la concession. Il reste le CPR qui, toutefois, refuse la démission du gouvernement.
Ali Lâarayedh ne s’est pas seulement engagé à démissionner, mais à suivre la feuille de route, dans l’ordre chronologique qui y est précisé. Les Tunisiens, habitués aux revirements, n’y croient pas vraiment, les acteurs politiques étant discrédités.
Discours politiques
Deux personnages politiques clés ont fait des apparitions médiatiques concordantes avec le dialogue national.
Pour commencer, Béji Caïd Essebsi, dont l’apparition du 24 octobre est survenue entre la déclaration des dirigeants d’Ennahdha soulignant leur refus à toute concession et à la lettre d’engagement du chef du gouvernement envoyée le lendemain de l’interview et constituant un revirement de la position du parti au pouvoir. Elle a également eu lieu la veille du démarrage du dialogue national prévu pour le 25 octobre et concernant ce sujet. L’une des déclarations de Nidaa Tounes fut que le dialogue n’avait plus lieu d’être.
Le leader du Nidaa Tounes a fustigé lors de cette interview «Le gouvernement actuel de la Troïka, dirigé par le nahdhaoui Ali Laârayedh qui n’est plus qu’un cabinet de gestion des affaires courantes et nous ne reconnaissons plus aucune de ses décisions». Prise de position, incitation à la désobéissance civile ou ultimatum ? Cette phrase confirma les doutes de l’isolement d’Ennahdha sur le plan international et interne. Elle fut interprétée plus tard comme l’une des raisons du changement de position du chef du gouvernement, surtout que lors de son passage, il a sommé le chef de gouvernement à partir immédiatement puisqu’il «finira par le faire» et que le prolongement de son mandat apportera encore plus de crises à la Tunisie.
Béji Caïd Essebsi a condamné les conditions posées par Ali Laârayedh lors de son discours du 23 octobre, il a critiqué la situation sécuritaire et la montée du terrorisme et a ainsi déclaré «la mort du dialogue national» qui a par ailleurs peiné à débuter.
De son côté, Rached Ghannouchi, président du parti Ennahdha, a tenté de rassurer, lors de son interview donnée le 27 octobre, en soulignant que la Tunisie aura un gouvernement consensuel qui la mènera à des élections en moins d’un an. Il a insisté sur l’importance de la confiance entre les différents acteurs politiques pour arriver à la sortie de la crise.
Mouvements populaires
Rappelons deux évènements s’étant déroulés la veille du dialogue national ; la manifestation du 23 octobre et la colère populaire du 24 suite à l’attaque de Sidi Ali Ben Aoune.
La manifestation du 23, bien que pacifique, a transmis un message clair : la fin de la légitimité. Les milliers de personnes ayant manifesté dans les rues de Tunis et partout ailleurs n’ont pas été poussées par une passion ou une colère passagères. Leur position était réfléchie, ils refusent la continuation de ce gouvernement.
Quelques heures après, une foule révoltée et indignée s’est jointe aux manifestants du 23 dans leurs protestations. Suite au drame survenu à Sidi Ali Ben Aoun, la réaction populaire a été d’incendier 13 locaux d’Ennahdha dans plusieurs villes. Le parti, tenu pour responsable par une frange de la population, directement ou indirectement, de la dégradation de la situation sécuritaire, a été la cible des attaques.
Ennahdha, face au refus des uns, à la colère des autres, à l’indignation des forces de l’ordre, n’était plus en position de force, ni ne pouvait entamer le dialogue comme ses dirigeants l’avaient souhaité : en imposant leurs conditions.
Ainsi, entre le 22 et le 25 octobre, la donne a changé.
Hajer Ajroudi