Baptiste est un misanthrope. Enseignant dans le midi, il a toujours refusé les affectations définitives, préférant changer de ville comme d’humeur, vagabond pédagogue au gré des académies. Et puis, un jour le père d’un de ses élèves, Mathias, oublie de venir prendre l’élève à la sortie de l’école. Il décide d’emmener l’enfant chez sa mère, Sandra… elle est belle, Mathias l’adore, il se sent bien. Et ça ne dure pas. Sandra doit 50 000 euros à des caïds qui la menacent. Elle doit donc partir, encore une fois, toujours… Baptiste a, lui aussi, des démons intérieurs enfouis, des démons qui ne demandent qu’à ressurgir.
C’était il y a 20 ans quand le premier film de Nicole Garcia, Un week-end sur deux, sortait sur les écrans. Après différents long-métrages avec des budgets plus conséquents, la réalisatrice renoue avec un scénario intimiste. Pour cela, elle a fait appel à une équipe de jeunes acteurs issus du théâtre. Finis les travellings coûteux, retour à une mise en scène tout en vagabondages et errances, à l’image des personnages de ce nouveau long-métrage. La caméra portée à l’épaule colle aux personnages, illustrant parfaitement la particularité fluctuante, fragile et raide des situations. Raison pour laquelle Un beau dimanche permet à Nicole Garcia de retrouver une liberté certaine. Ce n’est pas un hasard si son fidèle complice, Jacques Fieschi, revient à ses côtés pour l’écriture d’Un beau dimanche : soit une histoire en apparence toute simple, linéaire, qui se déploie sur trois jours. On nous invite à y entrer avec délicatesse et bonheur.
Pierre Rochefort est hésitant, haletant et entraînant dans sa volonté de ne rien dire tout en laissant transpirer beaucoup de ses craintes, de ses espoirs, de ses peurs. De son côté Louise Bourgoin, davantage connue pour des rôles moins pesants, confine à la grâce dans le rôle de cette mère perdue et traquée.
Métaphore de la vie, l’abandon de Mathias favorise la fusion de ces deux êtres qui se découvrent avec leurs fêlures, détruites par cette aspiration au bonheur. Apprivoiser l’autre, se découvrir, s’aimer pour fuir une société qui a banni le verbe. Baptiste s’abandonne et se prend à rêver d’une vie en trio.
Baptiste, heureux précaire, les amène visiter sa famille. Haute bourgeoisie, aussi passionnante dans ses passions que peut l’être un match de foot sous Lexomil. On s’amuse dans l’ennui, on se complait dans le fantasme de l’euphorie, ici s’élève le tournant scénaristique, l’envolée bergmanienne, la pensée dostoïevskienne, là, sous nos yeux, dans cette lutte des classes qui ne dit pas son nom, entre l’éternelle précarité et la stoïque opulence…
Il nous faut être gré à Nicole Garcia. Maîtresse de sa caméra, elle évite les écueils du misérabilisme ou du populisme. Pas de jugements, le SMIC se confond avec l’exil fiscal et à chacun sa quête de l’argent…
Farouk Bahri
*Un beau dimanche, réalisé par Nicole Garcia, scénario : Nicole Garcia & Jacques Fieschi, avec Louise Bourgoin, Pierre Rochefort, Dominique Sanda