La clarification que Macron a souhaitée n’a pas eu lieu. Il a perdu son coup de poker même s’il reste un deuxième tour dimanche prochain. La défaite du président français est d’ores et déjà cinglante. Le 1er tour des élections législatives n’a pas abouti à une situation de clarté dès lors que le RN n’a pas obtenu la majorité absolue tant convoitée, que l’extrême gauche, redoutée par tous, a fait, à la surprise générale, un bon score en se plaçant deuxième derrière le RN et devant l’alliance présidentielle, en déroute, suivie par la droite traditionnelle à la quatrième position et avec à peine 10% des voix. Même le taux de participation est resté en deçà de toutes les prévisions.
S’il faut tout de même parler de clarté, le premier tour aura résumé la bataille politique des Législatives à un duel entre les deux extrêmes, entre Bardella et Mélenchon. Est-ce là la vraie France ? La realpolitik dit oui. Quant aux émotions des uns et des autres, c’est soit la colère des anti-RN sortis dès le soir du 30 juin protester Place de la République, soit l’inquiétude de l’extrême droite qui n’est plus sûre d’avoir la majorité absolue à l’Assemblée pour gouverner à l’aise, sans tracas, dans le cadre d’une cohabitation avec Macron.
À force de craindre l’un ou l’autre des extrêmes et en voulant sanctionner l’un en votant pour l’autre, les électeurs français ont fini par les propulser tous les deux au-devant de la scène du pouvoir et au final, personne n’est content. Macron prévient qu’en cas de victoire du RN au deuxième tour des Législatives, les plus hautes fonctions de l’Etat reviendront à l’extrême droite ; Bardella appelle les Français à éviter le pire porté par LFI et une figure du Nouveau Front populaire, Sandrine Rousseau, met en garde contre le fait de cautionner la rupture avec ce qui a toujours fait la France, à savoir un pays d’ouverture, d’accueil, qui protège et qui donne une chance pour réussir dans la vie, même aux étrangers. Les deux extrêmes sont craints par les Français, 66% n’ont pas voté pour le clivant RN qui ne menacerait pas seulement les étrangers. Les droits des femmes et la communauté LGBT, notamment, seraient également sur les charbons. Quant au NFP, il a été boycotté par 72% des votants, l’alliance de gauche dominée par LFI en termes de candidats élus au 1er tour est accusée d’antisémitisme et d’ouvrir la France à une immigration illégale non contrôlée.
Le RN pourra-t-il mettre à exécution toutes ses promesses vues par certains comme des menaces au cas où il obtiendrait la majorité absolue à l’Assemblée nationale au terme du 2ᵉ tour ? Rien n’est moins sûr. Hormis le RN, la quasi-totalité de la classe politique craint le chaos dans la rue, le cas échéant. Déjà, les résultats du 1ᵉʳ tour ont donné le ton. Des attaques contre des commerces et des incendies de mobilier urbain ont eu lieu par endroits. Les forces de l’ordre ont dû intervenir. Si, toutefois, le RN n’obtient pas la majorité absolue, le chaos sera alors dans l’Assemblée nationale. Des motions de censure seront d’emblée au programme et des blocages du gouvernement en perspective. Il faudra s’attendre à un scénario qui ressemblerait à celui de notre ARP nationale sous l’emprise des islamistes d’Ennahdha et en présence de l’intrépide Abir Moussi, présidente du PDL et cheffe de son groupe parlementaire.
Face au danger imminent, qui l’a peut-être surpris, bien qu’il en soit le véritable responsable en décidant la dissolution de l’Assemblée le 9 juin dernier, Macron ose, encore une fois, et choque. Il a appelé les forces républicaines, dès le 30 juin au soir, à se rassembler pour faire barrage au RN, y compris LFI qu’il a attaquée à l’envi pendant les deux campagnes électorales successives des Européennes et des Législatives ; l’extrême gauche est donc, elle aussi, invitée à se rapprocher et à coopérer pour battre l’extrême droite. Ce qui n’a pas pu, pour autant, calmer les inquiétudes et les craintes des milliers de Maghrébins qui vivent en France pour y étudier ou pour y travailler, sans oublier ceux-là mêmes qui y vivent depuis des décennies, voire ceux qui y sont nés. Ils sont tous logés à la même enseigne quand l’un des dirigeants du RN fait la distinction entre les binationaux occidentaux et les binationaux arabes, en l’occurrence maghrébins, en rétorquant que “ce n’est pas pareil”.
Au programme du RN, plusieurs mesures concernent directement les immigrés, y compris légaux. Celles que Jordan Bardella, premier ministre, envisage de lancer en premier sont la suspension des allocations familiales aux parents (migrants) de mineurs délinquants récidivistes, la suppression du droit du sol et la facilitation de l’expulsion des criminels étrangers. Les autres étrangers immigrés, Bardella les ménage. Il dit d’eux : “Il y a des millions de Français qui sont comme moi issus de l’immigration qui respectent nos lois, qui travaillent, qui paient leurs impôts, qui se sentent pleinement français et qui ne comprennent pas que beaucoup de ceux qui arrivent aujourd’hui semblent dispensés de cet effort”. La distinction est ainsi actée.
Il reste qu’aucun pays, aucune société qui se respecte, n’est en droit de tolérer la violence, la marginalisation, l’illégalité, la clandestinité, le non-respect des lois et de l’ordre public. Cependant, tout être humain a des droits et mérite que ses droits et sa dignité soient respectés. Les Franco-Arabes ne sont pas tous des délinquants, beaucoup d’entre eux sont des diplômés du supérieur, occupent des postes importants, paient leurs impôts et se comportent en bons citoyens français, tout comme les binationaux appréciés par Jordan Bardella.
Aujourd’hui, ce sont ces gens-là qui sont inquiets, qui ont tout construit en France, qui sont imprégnés de la culture française, qui veulent y rester sans perdre leur identité biculturelle, mais que la France de Le Pen et de Bardella menace de persécuter et peut-être même d’expulser, pour nulle part où ils se sentiront plus chez eux qu’en France.
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