La cérémonie de clôture du projet “Protection et réhabilitation des sols dégradés en Tunisie” (ProSol) s’est tenue hier mardi 8 avril 2025. Ce projet est mis en œuvre par la GIZ (agence de coopération allemande pour le développement), en partenariat avec la Direction Générale de l’Aménagement et la Conservation des Terres Agricoles (DGACTA), et sous la tutelle du ministère de l’Agriculture, de la Pêche et des Ressources Hydrauliques. Cet événement était l’occasion de revenir sur les succès et défis de ce projet ayant été mis en place entre septembre 2019 et avril 2025, mais aussi d’annoncer le lancement de son pendant, le projet “Soil Matters”.
Savoir clore un projet de la bonne manière est presque aussi important que de le mener à bien. C’est dans cet esprit que les organisateurs du projet “Protection et réhabilitation des sols dégradés en Tunisie” (ProSol) ont réservé une matinée entière pour revenir sur les résultats et les suites de ce dernier. Comptant notamment sur la présence de Chamseddine Harrabi, Directeur général de la Direction Générale de l’Aménagement et la Conservation des Terres Agricoles (DGACTA), Ariane Borgstedt, directrice régionale de GIZ, Elisabeth Wolbers, ambassadrice d’Allemagne en Tunisie et Ezzedine Ben Cheikh, Ministre de l’Agriculture, des Ressources Hydrauliques et de la Pêche, la cérémonie a permis un retour d’expérience des agriculteurs et des acteurs locaux, mais aussi de questionner la pérennisation des effets du projet à une échelle plus large.
ProSol, un projet de longue haleine
Lancé en septembre 2019 dans un contexte de dégradation des sols généralisée en Tunisie, le projet ProSol, fruit d’une initiative conjointe de la GIZ, l’agence de coopération allemande pour le développement, et de la DGACTA, et sous la tutelle du ministère de l’Agriculture, des Ressources Hydrauliques et de la Pêche, vient tout juste de prendre fin. “Le noyau dur de notre projet, c’est l’approche multi-partenariat”, a précisé Tom Eickhof, responsable du projet. En effet, sur le terrain, les acteurs institutionnels ont sollicité l’aide de différents acteurs du secteur privé, à l’instar d’associations en lien avec ce thème, ou encore du Comptoir Multiservices Agricoles (CMA). Les actions ont été menées avec l’idée d’un ciblage géographique, dans les régions du nord-ouest (Jendouba, Béja, Kef, Siliana) et du centre-ouest (Kairouan, Kasserine, Sidi Bouzid). Dans ces zones, le projet avait pour objectif d’aider les agriculteurs à mettre en place des pratiques dans l’optique de réhabiliter les sols dégradés.
Pour ce faire, ProSol a opéré de plusieurs façons. D’abord par un soutien technologique, en donnant accès aux agriculteurs à plusieurs outils, notamment pour permettre l’analyse des sols ou la surveillance des cultures. Le projet a également permis d’introduire des légumineuses, afin de combattre les conséquences négatives de la monoculture sur les terres agricoles. Mais c’est surtout sur les pratiques des agriculteurs eux-mêmes que la GIZ et la DGACTA ont voulu agir. Afin d’implémenter de nouvelles méthodes telles que le semis direct, qui permet d’éviter tout travail de la terre – et donc de limiter les dégradations – pour augmenter les rendements, le projet s’est focalisé sur la formation et la diffusion de compétences techniques auprès des bénéficiaires. “Cette formation m’a permis d’améliorer mes pratiques de semis et de labour”, témoigne Emna Ben Khlifa, une agricultrice de Siliana, dans le cadre du programme Formation Innovante Céréales, une des réalisations de ProSol.
Au total, ce sont plus de 12 000 hectares de terres qui ont été réhabilitées. La plus grande partie des terres bénéficiaires sont des exploitations individuelles, majoritairement entre 5 et 10 hectares. Mais il faut également compter plus de 2000 hectares de terres collectives, a précisé Tom Eickhof. Pour ce qui est des rendements, ils ont augmenté de 22% sur la période 2022-2024, pour les terres faisant office de zone d’opération du projet par rapport à celles qui en étaient écartées. Le pourcentage monte à 36% lorsque l’on compte uniquement l’année 2024. Autre réussite mentionnée, 12% des femmes sur plus de 13 000 ménages ont affirmé avoir constaté une amélioration de leur situation socio-économique. Mais le projet ProSol voit large, et en ce sens, ses porteurs ont mis en place sept mécanismes d’incitations à la réhabilitation des sols, notamment en intégrant cette thématique dans les cursus universitaires, ou en instaurant Sol Mobile, un service de proximité d’analyse des sols.
ProSol, un développement semé d’embûches et le défi de la pérennisation
Dans son intervention, Tom Eickhof a tenu à rappeler les difficultés externes qui ont rendu plus difficile le développement du projet. D’abord, le Covid-19, qui a freiné les apports de terrain. Mais également la guerre en Ukraine, qui a fragilisé le secteur agricole tunisien. La sécheresse a été l’une des plus grandes causes de ralentissement du développement du projet, en particulier pendant les années 2022 et 2023, durant lesquelles la campagne tunisienne a été très durement touchée, ajoute-t-il.
Malgré cela, une évaluation indépendante estime que ProSol a mis en place des réponses cohérentes et adéquates aux problématiques des agriculteurs ciblés. Néanmoins, l’effet de long terme est encore difficilement contestable, et l’un des plus grands enjeux est celui de la pérennité de ces effets. D’une part, la GIZ compte sur la formation qu’elle a apportée aux agriculteurs et aux différents acteurs. D’autre part, elle mise sur le relais institutionnel. De ce côté, la DGACTA semble être alignée avec les orientations du projet. L’expérience du projet ProSol a permis d’ajouter une dixième orientation à la stratégie ACTA 2050, à savoir le développement agricole inclusif et l’appui aux femmes de la ruralité, affirme Slaheddine Ghedhoui, Coordinateur national du projet et directeur de l’aménagement et de la valorisation des ouvrages pour la DGACTA, en faisant référence à la stratégie visant à atteindre la neutralité climatique à l’horizon 2050.
Enfin, la GIZ veut pérenniser les succès de ProSol par ses propres moyens. La preuve est le lancement, en janvier dernier, du projet Soil Matters, qui prévoit de s’achever en avril 2029 et qui se dote d’un budget de 20,5 millions d’euros.