Défis et opportunités pour la Tunisie
L’Académie tunisienne des Sciences des Lettres et des Arts, « Beït al-Hikma », a été le 7 mai 2014, en présence du Pr. Hichem Djaït, Président de l’Académie et de spécialistes du domaine, un espace de réflexion prospective sur la situation énergétique en Tunisie, dans le bassin méditerranéen et en Europe à l’horizon 2030 et au delà. Le colloque, Energie : Défis et opportunités pour la Tunisie fait partie d’une série de colloques scientifiques, inscrits au programme d’activité 2014 du jeune département des sciences mathématiques et naturelles de la nouvelle organisation de l’académie.
Le choix de ce thème, émane de la volonté de l’Académie de rayonner comme un lieu de rencontre et d’échange de savoir et de contribuer au développement de la recherche dans les différents domaines d’activités à la fois culturelles et scientifiques.
Le programme de cette journée a été conçu en quatre moments qui commencent par une conférence « invitée » sur la production d’énergie dans le monde, en Europe et dans la Bassin méditerranéen, à l’horizon 2030 et au-delà. La conférence a été donnée par M. Michel Combarnous, Professeur émérite à l’Université de Bordeaux, et Professeur associé à l’Université de Gabès (2006-2011), membre correspondant de l’Académie des Sciences en France, qui a insisté sur les contraintes qu’impose le futur proche de notre système, le système « surface terrestre-océans-atmosphère nécessairement limité. Il a rappelé par ailleurs l’urgence de la définition et de la mise en œuvre, en matière d’énergie, mais aussi d’eau, de gestion de matières premières, de déchets, de recommandations mais surtout de régimes de vie, aux différentes échelles possibles, locales, régionales et globale.
Le second moment donne un aperçu sur l’État des lieux en matière de consommation et de production énergétique en Tunisie. Il a été animé par Mr Rachid Ben Daly, PDG de la STEG qui a présenté la stratégie de la Tunisie à l’horizon 2030 dans le contexte de la transition énergétique, Kamel Rekik, consultant dans le domaine de l’énergie qui a présenté le mix énergétique et Néjib Osmane (ANME) qui s’est focalisé sur la maîtrise de l’énergie.
Le troisième moment a permis d’entendre les chercheurs, sensés donner l’élan aux exploitants et opérateurs du secteur pour explorer des alternatives aux énergies fossiles (pétrole et gaz). Ces derniers ont insisté sur la volonté politique dans ce domaine sans pour autant présenter, de l’avis de certains participants, des solutions techniques rapidement utilisables. Les chercheurs venus de Tunis (Centre de Recherche de Borj Cedria-Brahim Bessais), de l’Université de Monastir (Sassi Ben Nasrallah) et de Sfax (Kamel Halouani) ont respectivement présenté les enjeux de l’intégration de l’énergie éolienne au réseau électrique, l’hydrogène et les énergies renouvelables comme couple d’avenir et la valorisation énergétique de la biomasse et le développement technologique.
Enfin, le quatrième et dernier moment de la journée, qui a réuni autour d’une table ronde une pléiade d’experts et de chercheurs du domaine de l’énergie dans notre pays, a permis d’échanger sur :
La recherche et les aspects scientifiques du réseau électrique intelligent tunisien (Tunisien Smart Grid) objet de recherche à l’ENIT ( Mme ; Ilhem Slama-Belkhodja, responsable du laboratoire systèmes électriques de l’ENIT )
La coopération énergétique au Maghreb (M. Moncef Ben Abdallah, ancien PDG de l’ANME et ancien Ministre de l’industrie)
La réforme du secteur électrique (M. Moncef Bousen, ancien PDG de la STEG, de l’ETPA et de la STIR et membre de l’Association Tunisienne du pétrole et du gaz)
L’impact socio-économique de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables (M. Ali Chelbi, Directeur du bureau d’étude et conseil ACC)
Le cadre réglementaire pour les énergies renouvelables (M. Ezzeddine Khalfallah, ancien Directeur de la stratégie et de la planification à l’ETAP et DG de l’ANME)
Le concept DESERTEC comme solution globale aux problèmes de l’énergie, l’eau, la nourriture et la sécurité (M. Mouldi Miled, Directeur Exécutif de « DESERTEC University Network)
Enjeux et opportunités du mix énergétique, proposition de scénarii alternatifs (M. Kamel Rekik, 15 ans de carrière à la STEG, à l’origine de la création de l’ANME).
Ce qui est important à signaler c’est que cette rencontre entre praticiens et chercheurs du secteur énergétique a été fortement appréciée des deux parties qui souhaiteraient que leurs propositions soient entendues au plus haut niveau de l’État, et suivies d’autres échanges permettant de motiver davantage les chercheurs et de les rapprocher des attentes des praticiens.
Le besoin d’un cadre juridique favorisant la production et le développement des énergies renouvelables semble s’imposer comme une urgence. C’est sous de telles conditions qu’il sera possible selon les intervenants de :
– penser leur intégration avec l’implication des industriels ;
– suivre les développements à l’international en matière de stratégies d’intégration ;
– penser l’intégration des énergies renouvelables à l’échelle régionale (le Maghreb où le niveau d’avancement dans ce domaine est identique) ;
–
– se positionner en tant que sous-traitant des grands groupes industriels.
Les intervenants ont exprimé par ailleurs le besoin urgent d’économie face à la multiplication par 6 de nos besoins en énergie à l’horizon 2050. L’esprit “énergies renouvelables” permet, selon eux, une compréhension des problèmes à un horizon lointain plus loin que 2030. Il permet de penser à la sécurité d’approvisionnement et à la durabilité de notre système énergétique, un champ immense de création, d’éducation et de changement. En acceptant l’obligation de passer d’un système organisé, dirigé, très monopolistique dans le domaine de l’énergie à un système basé sur une projection dans le futur, il sera, selon l’un des intervenants, possible d’élargir le spectre des alternatives et de co-construire (chercheurs, producteurs et industriels) des scénarii à caractère anticipatif permettant de relever les défis et de saisir les opportunités.
B. A.