Comment empêcher l’effondrement de l’économie tunisienne ?

La situation économique du pays était déjà très inquiétante fin 2015, les chiffres arrêtés fin mai 2016 montrent qu’il y a une dégradation sensible des indicateurs économiques.

Les exportations ont régressé de 2,6%, le déficit commercial s’est encore creusé, les dépenses de l’Etat dans le cadre du Budget se sont accrues de 25% alors que les recettes fiscales ont stagné. Le Budget de l’Etat pour 2016 souffre d’un déficit de 5 milliards de dinars au niveau des recettes non comblé à ce jour.

Le dinar a perdu 11% de sa valeur de change vis-à-vis de l’euro depuis le début de 2016.

La croissance du PIB est en panne avec 1% seulement au cours du premier trimestre.

L’activité touristique a régressé de façon démesurée par rapport à 2015 qui était déjà une mauvaise année.

La production des phosphates est presque à l’arrêt dans le bassin minier de Gafsa, alors que les salaires continuent à être versés, ce qui mènerait la CPG à la faillite si la situation persiste.

L’inflation des prix des produits alimentaires bat son plein, tandis que les barons de la contrebande pratiquent des commerces lucratifs et prospères au vu et au su de tous.

Les entreprises publiques connaissent un surendettement croissant et des déficits catastrophiques alors que la qualité des servies n’est pas toujours à la hauteur des ambitions et des attentes.

Le déficit énergétique du pays est en train de s’aggraver (8% par an) avec la baisse de la production de pétrole et de gaz, alors que la consommation énergétique ne fait que croître de 3% par an.

Parallèlement à cela, l’endettement extérieur du pays atteint déjà 58% et risque d’atteindre 70% en 2017-2018, ce qui pose d’ores et déjà les perspectives ambiguës du remboursement : celui du service de la dette, mais aussi celui du principal, alors que de lourdes échéances de remboursement de la dette nous attendent pour 2017 avec près d’un milliard de dinars.

Le déficit du commerce extérieur s’est aggravé passant de 4691 MD en 2015 à 5135 MD fin mai 2016. Ainsi le taux de couverture des importations par les exportations est passé de 71,9% en 2015 à 69,5% fin mai 2016.

Nos réserves de change ne sont plus que de 114 jours d’importations, tout près de la cote d’alerte soit 90 jours.

Il est clair qu’un plan de sauvetage de l’économique tunisienne s’impose d’urgence si nous voulons éviter des scénarios-catastrophes, du type grec. C’est le gouvernement qui devrait, en parfaite coordination avec les partenaires sociaux, les partis politiques et la société civile prendre ces mesures à caractère exceptionnel pour une durée de 1 à 2 ans.

Les conditions ont été exprimées par certains experts économiques : Faire obstruction par le recours à la loi à toute sorte de perturbations d’activités dans les services publics, sociétés nationales ainsi que dans toutes les entreprises économiques privées.

Toutes les organisations nationales et syndicales doivent s’engager pour faire cesser tout mouvement de grève, sit-in et autres revendications salariales et sociales, de nature à empêcher la sérénité du travail dans tous les secteurs d’activité durant un an au minimum.

Toute la population active, ainsi que tous les responsables doivent s’engager dans un processus d’amélioration de la productivité et de la compétitivité des entreprises. Cela ne peut se faire que s’il y a un vaste mouvement de mobilisation suite à une prise de conscience réelle des risques graves qui nous guettent.

Fayçal Derbal, expert économique, propose l’instauration d’un impôt exceptionnel de solidarité de 5% sur le bénéfice des sociétés commerciales et pourquoi pas sur les dividendes des actions des sociétés cotées en Bourse.

Les sociétés non résidentes qui relèvent de l’investissement direct étranger ont le droit selon la loi de transférer chaque année les bénéfices de leur gestion relative à l’exercice 2015.

Les mois de juin et de juillet sont la période qui correspond au transfert de ces fonds en devises. Les pouvoirs publics peuvent leur demander, pour ne pas affaiblir encore plus la position du dinar en termes de taux de change, de déposer ces bénéfices à titre exceptionnel dans un fonds d’investissement en Tunisie.

Pour ma part, j’ajouterais que l’Etat et les entreprises publiques “vivent au dessus de leurs moyens” et mènent un train de vie luxueux, alors que le pays est pauvre et ses ressources financières réduites. L’austérité s’impose aussi bien au niveau des dépenses de voitures, carburants, missions, réceptions,…

Les pouvoirs publics doivent mettre fin aux importations de produits de luxe et de produits qui concurrencent l’industrie et l’artisanat tunisiens. 

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana