Comment sauver notre tourisme ?

Alors que la liste des pays qui déclarent la Tunisie « destination à risque » pour leurs ressortissants s’allonge chaque jour un peu plus, les difficultés du secteur ne font que gagner en intensité, le nombre d’établissements hôteliers fermés ou en voie de l’être ne cesse de se multiplier et les risques de perte d’emplois sont devenus réels, le sauvetage de la saison et la relance de l’activité touristique suscitent interrogations légitimes et inquiétudes manifestes chez les professionnels et même chez le citoyen ordinaire.
Le poids économique du secteur, sa contribution précieuse à l’amélioration de la balance courante par l’injection de recettes appréciables en devises, son concours reconnu à la dynamique de nombreux secteurs d’activité, sa contribution à l’emploi et ses effets induits, ont fait du tourisme un secteur stratégique. Ce choix que la Tunisie a fait depuis les années soixante, se justifie amplement dans la mesure où, contrairement à nos voisins fortunés de l’Ouest et du Sud, la Tunisie dispose très peu de dotations naturelles qui lui permettent d’asseoir un modèle de développement basé sur l’abondance, par exemple, des ressources énergétiques.
Bien que participant à hauteur de 7% du PIB, le tourisme, emploie presque 400 mille personnes de façon directe et son concours à des secteurs comme le transport, l’artisanat et les services est vital. Dès lors, il est tout à fait loisible quand ce secteur éternue, c’est toute l’économie qui attrape la grippe.
Avec les graves conséquences que ce secteur est appelé à subir dans la durée, suite à l’impact catastrophique de l’attentat terroriste de Sousse qui a eu pour résultat immédiat de classer la Tunisie comme une destination à risque incitant dans la foulée de nombreux pays européens à demander à leurs ressortissants d’éviter de programmer leurs vacances dans notre pays, quelle stratégie permettrait réellement à la Tunisie de rebâtir une nouvelle image de marque qui ferait oublier les images atroces véhiculées dans le monde entier par les médias sur les deux attentats sanglants du Bardo et de Sousse ?
Il faut admettre que la relance de la destination Tunisie, principalement en Europe, son marché naturel, ne pourra être envisagée à court terme et il serait même illusoire de bâtir toute stratégie, comme ce fut le cas auparavant, sur le facteur bas prix. Il importe de prendre en considération que le postulat fondamental qui conditionne l’activité touristique mondiale est la sécurité. Sur ce plan, l’image de la Tunisie a été fortement écornée, puisque de plus en plus associée au terrorisme et à l’insécurité et notre pays se trouve mal parti.
Les mesures d’urgence décidées dans la foulée par le gouvernement, mêmes si elles peuvent paraître opportunes et bien acceptées par les professionnels, elles ne peuvent que servir de calmant et leur effet reste limité dans le temps. A l’évidence, la crise du secteur est appelée à s’aggraver encore et le tourisme aura devant lui des années difficiles. Pour espérer limiter les dégâts et rebondir rapidement, il est impératif d’opter pour de nouvelles pistes, non de rester prisonniers des schémas classiques, ni des solutions de facilité.
Il faut se résigner à l’évidence et reconnaître que l’attentat de Sousse n’a été que le révélateur de la crise structurelle que connaît ce secteur pendant plus d’une décennie. Une crise d’image, d’une destination bas de gamme, une crise d’un produit qui n’a pas réussi à se diversifier, un échec d’expériences de développement qui ont abouti à un secteur fortement endetté, une incapacité des professionnels à s’ériger en une véritable corporation solidaire, unie et possédant un fort pouvoir de négociations face aux puissants tour-opérateurs et, in fine, de faibles performances qui ont englouti le secteur dans une spirale infernale de difficultés et de défaillances.
C’est en tenant compte de ces postulats et, également, en fournissant des réponses aussi claires que rigoureuses à la menace terroriste et à la question sécuritaire, que la relance sera négociable à court terme. Une relance qui exige un plus grand sens de responsabilité de la part des professionnels et un engagement résolu à bâtir une nouvelle image de la Tunisie, celle d’une destination touristique dont les atouts maîtres sont la qualité, le professionnalisme et la richesse de son produit.
Une nouvelle culture de gestion des situations difficiles dans le secteur doit se prévaloir et doit trouver son articulation dans la solidarité professionnelle. Cela est d’autant plus impérieux que nos professionnels, qui demandent toujours moins d’Etat, apprennent à assumer leurs responsabilités, en ne réclamant pas plus d’Etat dès qu’apparaisse une crise.

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