Comment sortir de l’impasse énergétique ?

Le déficit énergétique croissant de notre pays provoque une profonde inquiétude d’autant plus que nous assistons à une remontée spectaculaire du prix du baril de brut de pétrole sur le marché mondial qui, après avoir frôlé les 30 dollars, est actuellement de l’ordre de 50 dollars US.

En effet, notre pays est énergivore et notre consommation nationale d’énergie augmente de 3% par an, même si nous traversons une période de crise économique (6% en période de croissance), ce qui implique l’édification d’une centrale électrique de 400 à 600 megawats tous les deux ans : un investissement colossal à consentir par la communauté nationale. Alors que notre production énergétique baisse de façon sensible chaque année. En effet, la production de pétrole brut a baissé de 15%, tandis que celle du gaz a régressé de 15%. Après avoir produit une moyenne de 53.000 barils de pétrole brut par jour en 2015, nous ne produisons plus que 46.000 en 2016 : c’est l’épuisement naturel des gisements historiques qui est responsable de cette situation, en l’absence de découvertes de nouveaux gisements plus productifs.

Pour le gaz, en attendant l’entrée en exploitation du gisement de “Nawara”, prévue en 2018, ce sont les perturbations sociales dans l’île de Kerkenah qui sont responsables de l’arrêt de production de Pétrofac tandis que le gisement Asdrubal est arrêté pour maintenance.

Notre dépendance énergétique est de 45%, ce qui est beaucoup, alors que notre pays avait une balance énergétique équilibrée il y a dix ans.

Le nombre de sociétés étrangères actives dans le secteur énergétique a baissé de moitié entre 2010 et 2016 : elles sont passées de 50 à 25. Ces départs sont motivés par la détérioration sensible du climat de l’investissement.

Complications et lenteurs administratives, lourdeurs du fardeau fiscal, manque de transparence et de bonne gouvernance, mais aussi et surtout perturbations sociales multiples et troubles sécuritaires.

Cela a engendré une régression catastrophique des investissements surtout dans l’exploration : si on n’investit pas aujourd’hui, il n’y aura pas de production additionnelle demain. Il n’y a pas eu de forage de puits en 2016, ce qui signifie, vu l’épuisement continu des gisements historiques, que la production va baisser dans l’avenir : le déficit énergétique va se creuser encore plus.

Le code des hydrocarbures a été établi il y a vingt ans, lorsque le prix du pétrole brut était élevé, il est donc aujourd’hui dépassé  et mérite d’être révisé de fond en comble. Ce travail n’a pas été accompli, ce qui n’encourage pas l’investissement.

La fiscalité imposée aux compagnies actives en matière d’hydrocarbures est trop lourde et peu incitative : elle atteint et dépasse parfois 80%, ce qui décourage les investissements car ils peuvent aller ailleurs, là où les gisements sont plus productifs et là où la fiscalité est plus supportable.

Il faudrait simplifier aussi les formalités administratives, améliorer la transparence et la gouvernance du secteur.

L’article 13 de la Constitution soumet la conclusion des permis relatifs aux hydrocarbures à l’approbation de l’ARP, cependant les termes utilisés dans cet article se prêtent à des interprétations différentes et posent sur le plan pratique des complications et de longs délais avec échanges de documents et réunions entre l’administration et la commission de l’énergie et des mines, de quoi provoquer lassitudes et découragements des investisseurs sans compter les coûts additionnels.

La loi relative à la promotion des énergies renouvelables, adoptée en 2015 et destinée à encourager l’investissement dans le secteur de façon à porter la contribution à 30% de la production nationale à l’horizon 2030 est un facteur positif mais à ce jour, les décrets d’application ne sont pas encore parus, ce qui prolonge désespérément l’attentisme. Entre temps les investissements ne sont pas consentis et les projets n’avancent pas : l’ambition d’atteindre l’objectif s’amenuise en conséquence.

L’Etat doit rapidement mettre en application une stratégie concertée pour la relance des investissements dans l’exploration des ressources énergétiques en attirant les compagnies pétrolières étrangères et en mettant au point une batterie d’incitations.

Assurer la sécurité des installations pétrolières ainsi que celles des personnes et veiller à l’amélioration du climat de l’investissement en mettant un point final aux perturbations sociales.

Alléger la fiscalité qui n’est plus soutenable, surtout lorsque le prix du pétrole brut est au plus bas.

L’Etat doit accorder des encouragements pour l’exploration dans le Nord du pays qui est sous-exploré, alors qu’il y a des indices de gaz dans le gouvernorat de Nabeul et de pétrole dans l’off-shore de Mahdia.

Il y a lieu de reconnaître que les compagnies pétrolières font des efforts dans le cadre de leur responsabilité sociétale en finançant des activités sociales et des micro-entreprises locales au profit des diplômés du supérieur dans les régions où se trouvent les sites pétroliers. A titre d’exemple 4 compagnies pétrolières actives dans la région de Tataouine ont consacré 11,4 millions de dinars pour financer un programme de responsabilité sociale de trois ans qui a été entamé en 2015.

C’est ainsi que 164 micro-crédits ont été accordés pour une valeur de 640.000 dinars pour les jeunes diplômés de la région. 90 micro-projets soit un investissement de 1,69 MD en plus de 5 PME qui bénéficieront d’un budget de 2,4 MD.

L’enveloppe annuelle sera répartie à raison de 3,68 MD.

Pour les entreprises, il s’agit de l’ETAP de l’ENI (Italie), MEDCO (Indonésie) et OMV (Autriche).    

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