Commerce extérieur : un déficit important et inattendu

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Alors que le déficit commercial avait terminé l’année 2024 dans une zone relativement confortable, il a atteint un niveau alarmant au cours des deux premiers mois de l’année 2025, selon les dernières données publiées par l’Institut national de la statistique (INS).

Par Mohamed BEN Naceur

Le déficit en question se chiffre à plus de 3,5 milliards de dinars, soit une augmentation de 100 % par rapport à la même période de l’année précédente. Si cette tendance se poursuit, le déficit annuel pourrait s’établir autour de 12 %, un niveau exceptionnel. Cette situation inattendue met en lumière les déséquilibres structurels de l’économie tunisienne et les défis auxquels le pays est confronté dans un contexte international difficile.
Le creusement du déficit commercial résulte principalement d’une hausse importante et inattendue des importations, qui ont augmenté de 10,2 % en glissement annuel. Deux scénarios peuvent expliquer cette tendance : soit les importations prévues en fin d’année 2024 ont été décalées au début de l’année 2025, soit les importateurs ont anticipé leurs achats pour constituer des stocks et se prémunir contre les risques de change. Quoi qu’il en soit, cette dynamique reflète une forte demande intérieure, notamment pour les biens de consommation et les produits alimentaires. Parallèlement, les exportations tunisiennes ont sous-performé, affichant un recul de 4,4 % par rapport à l’année précédente.
Plusieurs secteurs clés ont contribué à cette baisse des exportations. Dans le secteur agroalimentaire, les exportations ont chuté de 16,5 % en glissement annuel, principalement en raison de la baisse drastique des prix mondiaux de l’huile d’olive, un produit phare de l’économie tunisienne. Les industries mécaniques et électriques, traditionnellement moteurs des exportations tunisiennes, ont également enregistré une baisse de 5,0 %, liée à la quasi-stagnation des économies européennes, leur principal débouché. Le secteur du textile et habillement a, quant à lui, reculé de 0,6 %, témoignant de sa faible compétitivité face à la concurrence internationale.
À l’inverse, les importations ont connu une hausse significative, portée par plusieurs facteurs. Les produits alimentaires ont augmenté de 10,6% en glissement annuel, en partie en raison de la politique d’approvisionnement en prévision du mois de Ramadan. Les biens de consommation ont, quant à eux, bondi de 14,3 %, avec notamment une explosion des importations de voitures (+37,2 %), reflétant une demande intérieure soutenue malgré les quotas d’importation. Enfin, les inputs industriels (matières premières, demi-produits et biens d’équipement) ont augmenté de 14,0%, bien que restant inférieurs aux niveaux prépandémiques.
Malgré les mesures restrictives mises en place pour limiter les achats à l’étranger, la Tunisie reste fortement dépendante des importations, qui représentent 8% du PIB. Cette dépendance contraste avec la contraction des exportations, qui ne représentent plus que 5,9% du PIB, contre 6,3% en moyenne sur la période 2020-2024. Globalement, les échanges extérieurs de la Tunisie ont représenté environ 14% du PIB en ce début d’année, alors que la moyenne des années précédentes se rapprochait de 15%. Cette contraction est exclusivement due au recul des exportations, tandis que les importations restent résilientes.
Ce déficit commercial record soulève des questions cruciales sur la compétitivité de l’économie tunisienne, sa capacité à réduire sa dépendance aux importations et la préservation des réserves de change. Plusieurs défis doivent être relevés.
Premièrement, la Tunisie doit augmenter son offre de production et diversifier ses exportations, en réduisant sa dépendance à des secteurs traditionnels comme l’huile d’olive et le textile, et en investissant dans des industries à plus forte valeur ajoutée.
Deuxièmement, des réformes structurelles sont nécessaires pour améliorer la compétitivité (y compris les infrastructures portuaires), renforcer la productivité et stimuler l’innovation dans les secteurs clés.
Troisièmement, une politique commerciale plus proactive est requise pour promouvoir les exportations tunisiennes sur les marchés voisins, notamment en Afrique.
Enfin, il est essentiel de rationaliser les importations, en priorisant les biens essentiels et en réduisant les achats superflus.
Alors que la Tunisie entre dans une année marquée par des défis économiques majeurs, la gestion du déficit commercial sera un enjeu central pour les autorités. La relance des exportations, la maîtrise des importations et la mise en œuvre de réformes structurelles seront déterminantes pour éviter une aggravation de la situation. Dans un contexte international incertain, marqué par la stagnation des économies européennes et la volatilité des prix des matières premières, la Tunisie devra faire preuve de résilience et d’innovation pour retrouver le chemin de la croissance et de l’équilibre commercial.

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